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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Correspondance entre deux amoureux ...
Histoire de deuil, discours épistolaires, recherche de clarté dans ce triste constat... Lacrimosa.
Je découvre Régis Jauffret et je sens l'importance des mots, le choix des phrases et le style de l'auteur. Je rentre dans son univers et je sens l'importance du discours. C'est élégant et sophistiqué et je redécouvrirai surement cet auteur dans une autre histoire si vous avez un conseil je prends.
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Vous êtes morte sur un coup de tête d'une longue maladie. le suicide a déferlé dans votre cerveau comme une marée noire, et vous vous êtes pendue.
Que faire quand un être aimé se donne la mort ? La meilleure façon, quand on est écrivain, est encore d'écrire, de puiser dans ses tripes pour recracher sa bile et sa douleur afin de les fixer à jamais dans un livre.
La première lettre adressée à la morte -Charlotte- relate sa dernière journée chez ses parents. Dernière journée qui se soldera par une pendaison.
Une narration mélancolique où l'énonciateur n'hésite pas à insérer une touche de burlesque (qui oserait appeler son enfant Pindo ?). Ce décalage s'accroît avec la réponse à cette lettre. C'est la morte elle-même qui répond à son pauvre amour.
Tout d'abord elle s'étonne. Pourquoi la vouvoie-t-il ? Pourquoi l'a-t-il affublée d'un nom de gâteau ? Ensuite la morte s'offusque du procédé : Tu continues à écrivasser, mon bel écrivassier ? Tu bricoles la phrase, tu te pavanes, tu marches encore de long en large dans un bouquin comme un plouc sur son bout de jardin ? de quoi tu parles ? de qui ? Je ne t'entends pas ! (...) Tu crois que la mort est un music-hall ? Qu'on écoute là-bas des bardes ? Qu'on éclate de rire à s'en décrocher le maxillaire en écoutant tes histoires ?
Dès la deuxième lettre, le roman laisse tomber le ton mélancolique pour devenir plus caustique et amer.
C'est une véritable partie de ping-pong entre la morte et son amant délaissé qui commence.
Tout d'abord cette correspondance imaginaire avec la disparue a une fonction cathartique pour l'émetteur des lettres (Jauffret lui-même ?) : écrire à quelqu'un permet de le rendre présent. C'est une présence malgré l'absence. Dans ce roman c'est la même chose : l'amant déçu ne veut pas lâcher la femme aimée, il ne veut pas la laisser partir. Ces lettres sont donc l'ultime espoir de la maintenir illusoirement en vie.
Mais comme chacun de nous le sait, c'est une correspondance imaginaire. Nous ne sommes pas dans un roman fantastique où les morts pourraient parler aux vivants. Aussi peut-on se demander si le destinataire est réellement cette femme morte ? Ne pourrait-on pas dire que ce destinataire n'est pas un double de l'énonciateur lui-même ? En effet, face à la mort, nous devenons double. D'un côté, on pleure le mort, on se souvient du passé et on souffre ; de l'autre, l'instinct de survie nous rappelle à la vie, nous force à survivre malgré tout ... et à oublier un peu le passé. Cette correspondance deviendrait alors un monologue intérieur où l'énonciateur montrerait ses deux facettes : celle qui souhaite oublier et celle qui souffre.

Cet échange n'a rien de tendre : l'amant délaissé s'échine à réécrire son histoire avec Charlotte - de la scène de la rencontre aux désillusions - , tandis que Charlotte malmène son amant en critiquant cette nouvelle fable dont elle est le protagoniste principal :
Je ne suis plus je. Je suis devenue toi, la parodie de moi dans ta voix qui me promène, me pousse comme un landau dont le bébé a gelé. Tu bricoles l'irréparable, tu luttes contre le temps. Tu fais semblant de croire que les livres contiennent des vivants.
Tu crois qu'Albertine respirait avant sa chute de cheval ? Que Rastignac a jamais senti l'odeur des huîtres attablé au Rocher de Cancale ? Don Juan celle d'une femme ? Que Don Quichotte a entendu le bruit des moulins ? Que Mme Bovary a joui dans le fiacre ? Tu crois que la foule fourmille dans les romans ?
Puisque je n'étais plus là, tu as décidé que ton cerveau allait se suicider en deux comme une paramécie, et tu as sorti la trousse de secours de la littérature. Pourquoi ne pas écrire à une morte ? Une morte est un personnage comme un autre. En plus, elle ne risque pas d'ouvrir le museau.
Ainsi les lettres de Charlotte posent le problème de la création littéraire : l'écrivain est avant tout un homme qui détourne la réalité, un imposteur, comme l'écrit Charlotte, qui a besoin d'inventer une autre vie que la sienne.
Au lieu de bricoler comme un retraité dans la cave de son pavillon, essaie de vivre ce qui te reste du temps. N'oublie pas mon chéri que tu es né depuis longtemps, ne brûle pas toutes ces nuits d'été à écrire l'histoire de cette maison aux fondations fêlées, qui n'a pas résisté à une secousse sismique violente comme un coup d'aile de papillon.
Ce roman épistolaire ne se borne donc pas à une correspondance entre une morte et son amant délaissé. le message ici est double voire triple.

Mais ce procédé tient-il la route tout au long des deux cents pages ?
Après la première surprise, le lecteur n'est plus étonné par ce procédé, qui très tôt tourne à vide. Oui, l'originalité est là, le style aussi, mais les échanges deviennent vite monotones. L'amant continuera d'écrire la nouvelle histoire de Charlotte, et la morte continuera de rabrouer son amant.
Voici donc un livre au concept fort et touchant qui aurait peut-être mérité d'être plus court. Mais Jauffret aurait-il pu vraiment résumer ces échanges ? Ce livre est en effet, avant tout, une belle démonstration du travail de deuil.

La Blanche pour Gallimard, 218p, 16€50
Lien : http://leiloona.canalblog.co..
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Il est des livres qui sont franchement difficiles à critiquer, des livres dont on ne sait pas comment ils ont été écrits, avec quelle force, tripe, folie furieuse, pour se retrouver là, ovni inclassable sur notre table de chevet, qui ne sert pas ni a se divertir ni à s'évader, et que l'on ouvre avec autant de réticence que de curiosité.Régis Jauffret fait partie de ces auteurs qui rentrent dans mon univers à couteaux tirés et touchent les points précis que j'essaie pourtant de cacher, ceux qui me rappellent trop vivement mes ambivalences et mon (in)humanité. Alors lorsque j'ai appris que son dernier roman tournait autour du suicide de son ancienne amie, j'y suis allée à reculons, attendant le bon moment pour ne pas trop y laisser.

L'histoire est d'autant plus sordide que ce n'est pas une histoire, que cette femme qui l'a doublement quitté n'a pas eu d'enfance horrible ou de cadavres dans le placard, juste son lot de deuils et de déroute, et puis la corde au cou. A partir de cette réalité, Régis Jauffret écrit, imagine, nuance, exagère. Quand il n'y a plus personne pour répondre, l'auteur est tout puissant. Il peut même faire de cette morte un personnage de fiction capable de s'insurger contre la narration à coup de lettres postées de l'au-delà. Mais l'on sent bien que le tour de passe passe est vain, qu'on ne réveille pas les morts aussi facilement pour leur demander pardon. Reste une langue poignante pour remplir le vide béant et ne pas s'abandonner à l'impuissance.
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lettres posthumes d'une jeune suicidée à son amant écrivain. Humour grinçant ; poésie des mots, des phrases, des images
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Je ne suis pas nécessairement subjuguée. du moins pas par le style, car l'idée de départ est intéressante: un dialogue de sourd entre un écrivaillon et sa défunte maîtresse. Jauffret pose la question de la limite entre fiction et réalité, soulève le problème de la déformation de ce qui est par les yeux de celui qui voit. Charlotte n'est plus, son pauvre amour comme elle l'appelle, la décrit telle qu'il la voit, et non pas telle qu'elle est, telle qu'elle-même se voit. La problématique rejoint le sujet d'un cours de littérature russe que j'ai suivi le semestre dernier: comment la postérité voit-elle le poète? Comment est-il transmis aux générations futures? Entre Pouchkine qui avait peur qu'on le considère tout entier, jusque dans les plus viles bassesses humaines, alors qu'il aurait préféré qu'on ne garde que le poète sublime, le personnage que lui-même avait créé, et Nabokov qui n'a laissé aucun brouillon, l'on voit bien à quel point cette question occupait - et occupe toujours - les hommes. Comment parlera-t-on de moi après ma mort? est le fil rouge de ce roman.
L'idée en soi est bonne, seulement le style se veut facile et spontané, ce qui lui donne à mon sens une certaine platitude au récit. Quelques belles métaphores, mais elles sont cachées par de longues tirades ennuyeuse, qui exaspèrent le lecteur plus qu'elles ne le font rire. J'ai l'impression de me trouver face à l'une de ces corrections de dissertations, lorsque le professeur a souligné des mots en notant dans la marge répétitions et qu'il a fallu chercher tous les synonymes possibles et imaginables. C'est tiré par les cheveux et fade. Dommage, car je suis certaine que l'auteur aurait pu en faire quelque chose de bien pourtant.
Lien : http://lavinie.blogspot.com
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