Remonter le courant.
Livre après livre,
Michel Jean n'en finit pas de réveiller (ou de révéler) au monde la mémoire de ses ancêtres Innus, premières nations du Québec bien avant que les Cartier, Champlain et autres Maisonneuve s'en approprient la découverte.
Avec Tiohtiá:ke, le sujet reste le même, mais l'angle varie. Dans les pas d'Elie Mestenapeo, jeune Innu sorti de prison pour échouer dans la communauté SDF de Montréal, c'est aux déracinés de Montréal qu'il s'intéresse.
« Et Montréal ? Tout ça n'existait pas pour eux. Il n'y avait que les lacs et les rivières, Nitassinan pour les Innus, Nitaskinan pour les Atikamekw, Eeyou Istchee pour les Cris. le monde était plus simple. »
Si leurs tribus d'origine diffèrent, leur invisibilisation contemporaine est identique : survivant comme ils le peuvent dans une ville qui ne veut pas les voir après les avoir autrefois forcés à se sédentariser, l'alcool, la drogue et la violence font leur quotidien.
« Avant, survivre, c'était un travail qui occupait les gens à temps plein. À partir de là, ils n'avaient plus grand chose à faire et ils ont commencé à boire pour passer le temps. »
Loin du roman ou de l'enquête pseudo-policière invraisemblable dans laquelle il s'égare un temps, Tiohtiá:ke est une succession de portraits, de témoignages et d'hommages de
Michel Jean aux siens, qui ravivent la mémoire de l'injustice passée dont les stigmates sont toujours visibles aujourd'hui.
Comme dans un conte, l'auteur ouvre les voies d'une rédemption à qui tente de remonter le courant de ses origines. Elie, dont les bribes d'enfance remontent régulièrement, y trouvera le salut par un voyage initiatique dans le Grand Nord, territoire de ses ancêtres.
« Les Innus sont un peuple de rivière, les Inuit un peuple de mer, mais vous avez en commun cet endroit mythique (…) Tu as beaucoup à apprendre là-bas. »
Et nous, encore beaucoup à apprendre de
Michel Jean.