Pour bien commencer 2024 il me fallait un bon livre. Avec celui-ci j'étais sur d'être emportée, dans une histoire certes douloureuse, mais profonde.
Élie Mestenapeo a tué son père dans un accès de fureur. Un père alcoolique et violent. Par la justice des blancs, il a pris dix ans de prison. Mais la justice de son peuple est bien pire. Chez les Innus, pour un tel crime, c'est le bannissement à vie. Pas de rédemption, pas de pardon. le jour de sa sortie de prison, il se retrouve seul au monde. Et moi ce que j'ai ressenti au moment de sa libération, c'est de la peur. Il m'a semblé que le monde était trop grand pour quelqu'un qui n'a plus personne, effrayant et bien plus dangereux que ce qu'il est pour tous ceux qui ne marchent pas seuls.
Il part à Montréal, vivre la vie des SDF appelés itinérants au Québec, et va rencontrer beaucoup d'autochtones. La dureté de la vie, la faim, le très grand froid, tout cela sera son quotidien. Mais il rencontrera aussi l'amitié, qui, dans la rue, est aussi rare que précieuse.
J'ai aimé ce que ça nous raconte, l'histoire des autochtones, spoliés par les Blancs. Cris, Atikamekw, Anishinabe, Innus, Inuit, Mikmaks, Mohawks, tous ces noms qui pour moi évoquent les grands espaces, la vie en harmonie avec la nature, sont ici l'écho de ce que l'homme blanc leur a fait. Voler leur terre, démanteler leur culture, disperser les familles, tenter de les effacer, envoyer les enfants dans des pensionnats tenus par des religieux pervers. Beaucoup d'autochtones en ont perdu le sens de leur existence, ont sombré dans l'alcool ou la drogue et parfois les deux, se sont souvent noyés dans ce monde de Blancs qui ne veut pas d'eux. C'est triste et révoltant.
Michel Jean leur rend leur voix avec ce récit, basé sur une vie réelle, en nous montrant la terrible vérité de ce pays et le côté sombre de son Histoire.
Au fil du roman, l'auteur nous raconte des existences, celles des personnes qu'Élie va croiser dans son errance au coeur de Tiohtiá:ke, les jumelles Inuit Mary et Tracy, Jimmy le Nakota, Geronimo le Cri, Mafia Doc ce drôle de personnage, "Caya" le Mohawk qui aime citer Vilain Pingouin qu'il connaît par coeur, Lisbeth, Kalina, Charlie, Lucien, Randy et tant d'autres. Beaucoup meurent dans l'indifférence du bon peuple. Des femmes disparaissent dans un silence total. Autant de vies auxquelles
Michel Jean donne une consistance, une tribune, une réalité. Des personnages auxquels ont s'attache énormément.
Mais ce roman ne raconte pas que la rue. Il nous parle de grands espaces, de coutumes ancestrales perdues, de pèlerinage mais aussi d'entraide car il faut bien un peu de joie et d'espoir dans une vie ! Il nous dit que parfois il y a une lumière au bout du tunnel, qu'il faut savoir saisir sa chance, que rien n'est jamais définitivement foutu, que les apparences peuvent être trompeuses, qu'il faut savoir accepter les mains tendues. Ce roman nous dit surtout qu'en dépit de toutes ses douleurs, la vie offre des vrais moments de bonheur.
L'écriture de
Michel Jean rend tout très vivant, très réel, et embarque le lecteur dès les premières lignes pour ne le lâcher qu'au mot Fin. C'est un plaisir infini que d'entrer dans une telle histoire. D'ailleurs, je l'ai lue d'une traite.
Et encore merci à @vleel qui m'a fait gagner ce livre.
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