AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,02

sur 201 notes
5
16 avis
4
30 avis
3
3 avis
2
0 avis
1
1 avis
« le SEXE : le mot, bien sûr, ils le prononçaient moins que le nom de Dieu lui-même, ils le vénéraient en secret. Ils l'honoraient, non comme une partie de ma personne, mais comme une divinité qui ne m'appartenait pas, qui n'était qu'un dépôt chez moi, le saint des saints aux hommes seuls réservé, qui échoirait à l'un d'entre eux le jour venu. Ils prétendaient m'empêcher de considérer mon corps tout entier comme mon bien propre, simple, bon, naturel. Ils m'avaient confisqué la part qui les fascinait et ils lui vouaient un culte ignoble.
Un porte-sexe, voilà ce que j'étais, juste un porte-sexe. »

Voilà ce que pense Derya, la jeune Turque Allemande. Elle en a marre de cette conception des hommes de sa communauté qui enferme les femmes, qui les voile, qui les brime.
Nue dans sa salle de bain, elle s'interdit tout mouvement de pudeur lorsqu'elle entend entrer son cousin, non par obscénité, mais par « naturel ».
C'est cette attitude qui déclenche toute l'histoire. Evren, le cousin en question, un Turc Belge, en tombe amoureux (enfin, amoureux de son corps), la demande en mariage, elle refuse, et c'est l'engrenage : les familles s'en mêlent, il en va de leur Honneur etc. etc. Entre Fribourg et Liège, quelques coups de téléphone et quelques lettres scellent le destin de la jeune fille. le voisin belge, un croque-mort, est même mêlé à l'histoire, lui qui est encore empêtré dans les souvenirs de son ancien amour. Il y a même un meurtre !

Armel Job ne nous narre plus ici une histoire typiquement belge (non, ce n'est pas une blague...). Les narrateurs changent suivant les chapitres, ce qui nous donne une vision ...cosmopolite de l'amour, du mariage, de la condition de la femme.
Il excelle dans l'art de raconter les imbroglios, les incertitudes, les mensonges, les revirements et les blessures de l'âme. Chaque phrase porte à conséquence, chaque mot est en route vers son destin.
Armel Job nous entraine, nous et ses personnages, dans un engrenage diabolique. Difficile de s'en sortir !
Commenter  J’apprécie          682
Ça commence par un bête accident de corbillard sans gravité (ou plutôt avec une gravité à retardement) sur la route entre Bruxelles et les Ardennes belges, et ça se termine par une virée/cavale à Fribourg, même si le premier de ces événements est en réalité la conséquence du second. Et entre les deux, on nous raconte quelles ont été les causes qui ont mené à cette conséquence.
Or donc, nous avons Evren, jeune homme vivant à la Tannerie, quartier turc d'une petite ville belge. Aujourd'hui, Evren se marie, mais pas de gaieté de coeur, avec sa cousine Yasemin, qui vient de débarquer de son village d'Anatolie. Un mariage arrangé par la famille, Yasemin est ravie, Evren se désintéresse de l'affaire, anesthésié par son amour déçu pour son autre cousine, Derya. Derya, née en Allemagne, dans une famille turque très traditionaliste, qu'Evren a demandée en mariage, et qui a été éconduit par la belle, laquelle a ensuite changé d'avis, mais trop tard. Pourquoi ce revirement inattendu ? Pour une question d'honneur de la famille, honneur qu'il conviendra de sauver ou de laver à tout prix, y compris dans le sang.
"Loin des mosquées" est une incursion dans la communauté turque immigrée, qui oscille entre, d'une part, traditions et honneur à protéger, et d'autre part volonté d'intégration et de liberté, une situation complexe qui conduit parfois au drame. Ce roman nous est raconté à quatre voix. A celles d'Evren, de Yasemin et de Derya s'ajoute celle de René, croque-mort (le conducteur du corbillard susmentionné) et regard extérieur à ces traditions qui le dépassent, mais embringué malgré lui dans des tourments familiaux qui basculent vers le thriller.
J'ai lu ce texte quasiment d'une traite. Cette histoire tragi-comique est drôlement bien construite, avec l'alternance des points de vue et les questionnements et comportements des uns et des autres, qui m'ont tous semblé très crédibles et réalistes. L'histoire serait presque rocambolesque s'il n'y avait pas ce triste contexte du sort peu enviable de ces (jeunes) femmes coincées dans un carcan patriarcal d'interdits ancestraux et intangibles.
"Loin des mosquées" est mon premier roman d'Armel Job, et je dois cette découverte aux nombreux avis positifs lus sur Babelio (merci les ami.e.s !). Premier, mais donc pas dernier :-)
Lien : https://voyagesaufildespages..
Commenter  J’apprécie          597
"Voilà ce qu'il en est de l'amour. le tennisman aurait-il pu croire, du temps que sa groupie s'extasiait sur son revers, qu'un jour elle tenterait de le tromper avec son croque-mort ?" p.126
L'amour, la mort, le destin.


"Nous faisions le ramadan, à peu près correctement, à cause des voisins et pour le plaisir de faire des extras le soir." p.72
La tradition, l'honneur, l'exil.


Ces éléments de tragédie chantée à quatre voix, celles de René, d'Evren, de Derya et de Yasemin, s'entremêlent comme dans une polyphonie de Roland de Lassus, tout en nuance. Loin de ... la caricature, Armel Job nous invite à nous interroger entre autres sur le mariage et le poids des traditions, sur la filiation et la place de la femme, sur l'amour aussi. Ce roman policier soulève ce tapis nommé honneur pour révéler les bassesses et la haine qu'il ne manque jamais de recouvrir complaisamment.


La prose est limpide, la complexité psychologique des personnages dévoilée peu à peu. C'est loin des mosquées, c'est proche de Simenon.


Et puis l'humour noir (là je suppose qu'on peut encore utiliser cet adjectif) : commencer par un bucolique accident de corbillard, est-ce que cela n'a pas un accent de Pierre Tombal ?
J'ai adoré cet Armel Job, fin, spirituel, surréaliste : Belge !
Commenter  J’apprécie          397
Malgré son titre, ce livre n'est ni un livre sur la religion, ni sur les Islamistes...
Quatre narrateurs nous dévoilent l'histoire :
-- René, belge, devenu croque-mort par hasard
-- Evren, un jeune turc vivant en Belgique, éduqué, assez maladroit
-- Darya, belle et sensuelle jeune turque vivant en Allemagne. Evren habitera chez ses parents lors d'un Erasmus en Allemagne et la découvrira un jour nue dans sa salle de bain. Cette vision le bouleverse, et il presse ses parents de demander Darya en mariage pour lui. Draya refuse.
-- Yasmine, jeune fille que les parents d'Evren choisiront pour épouse pour lui, Yasmine débarque de Turquie pour le mariage.
Tous ces personnages nous font découvrir les différences de culture entre la Turquie et nos pays, le tabou du sexe, la condition des femmes, la virginité obligatoire qui leur est imposée avant le mariage, les mariages arrangés, les crimes d'honneur si la jeune fille déshonore sa famille.
Cela n'a rien toutefois d'une étude anthropologique, il y a une vraie trame, nous découvrons ces différences de culture au travers du récit.
Les protagonistes principaux sont attachants.
Le récit est mené judicieusement, avec de nombreuses touches d'humour, et nous permet de de comprendre l'histoire d'après les points de vue de ces quatre personnages..
La lecture est aisée, le style vivant.
Commenter  J’apprécie          382
Ouf ! Après une première approche peu convaincante ("Une femme que j'aimais"), j'ai enfin découvert ce qui fait la force et peut-être parfois la faiblesse d'écriture d'Armel Job, à savoir : nous raconter une histoire simple (mais non simpliste) qui nous parle sans prétention de l'humain de la plus lumineuse à la plus sombre de ses facettes.
L'auteur nous propose ici un roman choral assez classique, y faisant évoluer 4 personnages principaux (2 hommes/ 2 femmes) dont les destinées vont se croiser pour le meilleur ou pour le pire.
Le rythme en est soutenu, le suspense toujours subtilement entretenu.
Témoignant d'une réelle empathie pour ses "héros" fictionnels, Armel Job nous invite à pénétrer petit à petit dans l'intimité de chacun, distillant çà et là, une ironie bienveillante, un humour léger sonnant constamment juste.
L'émotion, souvent présente, ne vire jamais au pathos.
A noter aussi et, ce n'était pas partie gagnée compte tenu du sujet abordé, l'absence de stéréotypes, le refus de tout angélisme, la permanence d'une grande lucidité.
Au final, nous est livré un vibrant plaidoyer romanesque, sans concession ni manichéisme, pour le respect de la dignité humaine en général, féminine en particulier.
P.S. : A certains moments de lecture, bruissaient en moi la musique et les paroles de la bouleversante complainte intitulée "Aloïda" du groupe breton Tri Yann figurant sur l'album "Portraits" sorti en 1995.
Commenter  J’apprécie          314
Mon prénom est René. J'ai 49 ans. Ma petite société de pompes funèbres marche bien. J'y travaille « seul » avec Marcel, mon associé, un cerveau de petit enfant dans un grand corps d'adulte, le fils de l'ancien patron et le frère de la femme de ma vie… Qui est partie un jour avec son entraîneur de natation et n'a jamais donné signe de vie ! Je fais du jogging deux fois par semaine et je tiens la forme.
Mon voisin, Altan, un petit entrepreneur turc, qui a épousé Sandra une belge, ce voisin avec qui je n'avais aucun rapport particulier m'a demandé de lui rendre un service : loger chez moi deux oncles venus de Turquie pour le mariage de son frère Evren. Si seulement j'avais su dans quoi je mettais les pieds, je m'en serais abstenu…

C'est moi, Evren, ancien gardien de but du Sporting local. J'habite en Belgique mais je travaille au Luxembourg. Une belle situation. Je vais me marier. Un mariage arrangé. J'ai deux mains gauches mais j'ai fait de bonnes études de comptabilité. J'ai été en Erasmus à Cologne, hébergé par mon oncle, Murat. Une espèce d'intégriste. Ses fils ne valent pas mieux. C'est là que j'ai rencontré Derya. Derya, le trésor de mon oncle Murat. Derya d'une beauté à couper le souffle ! Elle est aussi belle que moi je suis laid ! le jour où je l'ai vue nue, j'en suis tombé fou amoureux. Je veux l'épouser…

Je m'appelle Derya. J'ai 17 ans. Mon père Murat semble beaucoup m'aimer. Il est très à cheval sur les vieilles traditions venues d'Anatolie et ne plaisante pas avec ce qu'il appelle l'honneur familial. Il est très religieux. Ma famille a accueilli Evren lors de son séjour en Erasmus, à Cologne. C'est un gentil garçon. Très poli. Il ne m'a jamais adressé la parole. Il est amoureux de moi. Il veut m'épouser. Moi, je ne l'aime pas. Je veux poursuivre mes études et décider de ma vie. Je suis une bonne élève et j'essaie d'être une bonne fille…

Yasemin, tel est mon prénom. Je suis la petite dernière d'une famille nombreuse et peut-être celle qu'on a gâtée. Mon père, Kaan est un éleveur de bétail et de chevaux akhal-teke. Comme je suis la dernière de la famille à vivre sous le toit paternel, mon père m'a appris à m'occuper des chevaux, sa passion. La vie en Anatolie est rude. Bien qu'étant une élève douée, j'ai dû me contenter des seules études disponibles dans la région : je suis capable de vous confectionner n'importe quelle robe. Quand j'avais dix ans, j'ai brièvement rencontré mon cousin Evren venu passer des vacances en Turquie avec sa maman, ma tante. J'en suis tombé amoureuse. Très amoureuse. Malgré sa gaucherie, et sa tête carrée, il est très respectueux et gentil. Sa famille a demandé ma main à la mienne. Je suis folle de joie !


Critique :

Voilà le genre de livre que plusieurs personnes vous recommandent de lire, que vous finissez par acheter. Puis, en sortant de la librairie chargé de bouquins pour prendre le bus, vous vous dites : « Je vais commencer à lire le plus fin du lot en attendant d'arriver chez moi ».
« Loin des Mosquées », drôle de titre ! Une histoire de djihadistes, sans doute ! Bizarre ! le récit commence par un certain René, croque-mort qui nous fait part de ses pensées philosophiques sur les morts, son gagne-pain. Intéressant le bonhomme ! Ah, tiens ! Changement de personnage ! Evren ! Qu'est-ce qu'il nous veut celui-là ? Super ! Il nous raconte ses maladresses ! Vraiment pas doué le bonhomme. Et moche en plus !
Derya ! Voilà une charmante jeune fille que je serais ravi de connaître !...

Et voilà, c'est foutu ! Sans vous en rendre compte, vous êtes alpagué par ce roman à quatre voix ! Ce livre, vous n'allez plus vouloir le quitter avant d'être arrivé à la dernière page car en plus d'être un roman de moeurs qui retrace la vie d'un clan turc issu de l'Anatolie profonde et qui a essaimé en Allemagne et en Belgique, il prend peu à peu la forme d'un thriller…

Je suis ravi d'avoir enfin découvert cette oeuvre d'Armel Job… Qui me donne envie d'en découvrir d'autres de cet excellent auteur qui décrit si bien les sentiments humains.
Commenter  J’apprécie          300
L'excellence est toujours au rendez-vous
avec Armel Job. qui nous emmène cette fois-ci
au sein d'une communauté turque en Belgique.
Les migrants sont souvent
plus radicaux que ceux restés au pays.
Comme si la culture et la religion
étaient exacerbés par l'exil.
Les crimes d'honneur, la dignité hypersensible...
Ce sont bien sûr les femmes qui,
la plupart du temps en font les frais .
Portrait de cette communauté ,
où les affrontements intra familiaux
mettent le feu aux traditions .
Des personnages très attachants,
un suspense qui nous tient vissés
jusqu'à la dernière ligne .
Bravo!
Commenter  J’apprécie          282
Monde immigré turc, Derya tentant de fuir l'intégrisme allemand de ses frères, Yasemin et ses secrets venue de son Anatolie profonde épouser un inconnu dans la région liégeoise. L'inconnu, c'est Evren, mouton aux ordres de sa mère et de la famille. Et puis il y a l'impayable René, brave quarantenaire trainant ses casserolles, célibataire, qui a repris l'entreprise de pompes funèbres de son ex-beau-père avec le fils attardé Marcel.

J'admire sans réserve l'imagination d'Armel Job, la psychologie (la trop belle initiation sexuelle d'Evren par la sauvage Yasemin!), la construction complexe
intrigant jusqu'à la dernière page.
Commenter  J’apprécie          230
Emballé dans une histoire à rebondissements autour d'un mariage arrangé, Armel Job livre un beau tableau de société où des cultures se confrontent: celle de Belges et celle d'immigrés turcs, celle de jeunes et celle de leurs aînés. Une histoire qui pourrait se passer près de chez soi et qui se lit avec plaisir.

J'ai plusieurs fois chanté les louanges d'Armel Job. Ce livre-ci me semble approprié pour illustrer sa valeur d'écrivain populaire, au sens noble du terme. Par là, je ne veux pas désigner un auteur de romans de gare qui voudrait bêtifier le peuple avec historiettes flattant leurs bas instincts. Non, je veux plutôt désigner un auteur habile à faire rentrer la bonne littérature dans les foyers qu'elle n'habiterait pas encore. En effet, une histoire de gens ordinaires, dans lesquels on pourrait reconnaître ses voisins est un bon incitant à entamer la lecture. Ensuite, une intrigue qui tient en haleine, sans toutefois devenir complexe, incite à continuer sa lecture jusqu'au bout, surtout si le texte est parsemé de touches d'humour incisif ou de comique de situation. Enfin, l'intérêt reste présent après la lecture grâce aux réflexions que l'histoire suscite: on ne peut s'empêcher de se demander comment on aurait soi-même réagi à la place de l'un ou l'autre personnage.

Mais si vous êtes occupé à me lire (jusqu'ici... merci !), il est probable que la bonne littérature est déjà entrée dans votre foyer. Ce n'est bien entendu pas une raison pour bouder Armel Job ! de lui, j'ai déjà lu des textes plus surprenants, plus profonds ou plus drôles que celui-ci, mais je vous le recommande tout de même pour la finesse de ses portraits.
Commenter  J’apprécie          2310
En mars 2018, Babelio avait participé à la Foire du livre de Bruxelles en proposant à des lecteurs de présenter leur livre préféré à d'autres lecteurs lors d'échanges d'une dizaine de minutes. J'avais proposé Loin des mosquées d'Armel Job, un auteur belge entré en littérature sur le tard, après une carrière d'enseignant de latin-grec dans une école catholique de Bastogne.

Lors du pique-nique Babelio en juillet, un des participants, enseignant dans un lycée professionnel de Schaerbeek m'a dit avoir fait aimé la lecture à ses élèves majoritairement d'origine turque, qui avaient apprécié la justesse des caractères présentés dans le livre.

Un livre à lire et relire.
Commenter  J’apprécie          200




Lecteurs (431) Voir plus



Quiz Voir plus

tu ne jugeras point

qui est le tueur?

Denise
Antoine
Mme Maldague

9 questions
366 lecteurs ont répondu
Thème : Tu ne jugeras point de Armel JobCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..