La peur d'être authentique, la crainte de blesser causent notamment beaucoup de tort.
Adrien trouvait d'instinct une finesse comparable à celle d'une tigresse qui maîtrise son agressivité pour nourrir ses petits.
Accepter que « jamais je ne serai normal », affirme-t-il.
Tout commence dans un dortoir. Une personne handicapée moteur cérébral entouré de trois camarades d'infortunes, a coutume de s'exiler un peu en de toniques dialogues intérieurs pour mieux vivre, rester debout et maintenir le cap.
Il y a des sourires qui blessent, des compliments qui tuent.
L'individu faible ne représente pas nécessairement un poids pour l'autre. Chacun dispose librement de sa faiblesse, libre à lui d'en disposer judicieusement.
La peur de perdre, la peur de blesser, la peur d'être repoussé par l'ami, ou plutôt par celui dont je dépends, est effectivement un poison dangereux. Il instrumentalise l'autre, le réduit au rang de moyen pour combler un vide, moyen pour combler ma solitude. On s'accroche, on rampe vers l'autre pour se fuir soi même.
Je pense que le mépris est tonique, comme disait Balzac... En revanche, la pitié, par sa fadeur, anesthésie.
Curieusement, mes amis authentiques ne se trouvaient pas parmi les premiers de classe, ni parmi les dociles, mais bien chez les derniers, les indisciplinés, ceux qui ricanent "tout derrière", ceux qui savent se montrer cruels. Ceux la même manifestaient à mon endroit une tendresse, une innocence, un amour que je n'ai jamais trouvés ailleurs. Leur façon de m'aider, d'entrer en contact avec moi revêtait une forme de nudité. Ce n'était pas la pitié des vieilles qui me donnaient cent sous (ce qui du reste ne me déplaisait pas toujours), ni l'altruisme ostentatoire du fils à papa qui démontre sa bonne éducation, son savoir vivre. L'amitié du cancre était maladroite, discrète, sincère. Il se confiait à moi et j'osais me livrer à lui
Si ce livre pouvait faire à son tour éclore quelques vocations, inviter le lecteur à entrer en lui-même et découvrir ses profondes aspirations et sa quête véritable, il contribuerait joyeusement à donner sens aux épisodes parfois douloureux qui jalonnent ce modeste dialogue, petit manuel d'un progressant qui a pour guide la joie.