Toutes les étoiles du firmament étaient présentes à tout moment, déclarait Mary en étendant ses bras vers le ciel ; c’était juste qu’on ne savait pas les voir. Cela, en particulier, sembla à Perdita une extraordinaire découverte. Elle songea aux étoiles, ajustant chaque nuit leurs apprêts lumineux, et puis s’effaçant, disparaissant, se dérobant derrière le jour. Pourquoi n’avait-elle encore jamais eu connaissance de pareilles choses ? Elle se demandait ce que Dieu pouvait être, s’il était là, et s’il était nécessaire.
(p. 100, Chapitre 6, Deuxième partie).
toute cette vie, toute cette vie vaste et élémentaire lui disait qu’il y avait sur la terre et dans le ciel plus de choses que n’en avait rêvées Mister Shakespeare.
Il y avait ces espaces du Rêve, dont Mandjabari savait les secrets, et aussi l’Ancien Dauwarrngue. Et même ces choses aux noms compliqués que connaissait son père, et puis toutes ces sensations infimes, simples et sans noblesse, le goût de l’eau tiède dégoulinant d’une gourde en toiler, l’air soyeux d’un début de soirée illuminé de reflets nickelés, l’impression de flottement ressentie en écoutant des chants aborigènes à la lueur d’un feu, et le claquement cadencé des clapsticks, répété, et les mots, ceux de la Langue, qui s’étirent et s’entrelacent, s’étirent et s’entrelacent et se dissolvent dans la nuit, comme le vent, comme l’oubli. Petites questions, se disait Perdita. Il s’agissait là de petites questions. Ou peut-être – l’idée avait subversivement envahi son esprit – s’agissait-il d’autres grandes questions.
(p. 65, Chapitre 4, Première partie).
Il est un mutisme propre à toute forme de savoir difficile, un trouble, une douleur, une inclination au silence. Ma gorge se tord sous le poids de tout ce qu’elle porte. Mon cœur est un fruit aigre et indolent. C’est, je crois, la muselière du temps qui m’a ainsi faite, qui a déformé ma bouche, ma voix, mon vouloir dire.
(p. 11, Chapitre 1, Première partie).
"Cinq carillons", le roman de Gail Jones, présenté par Marie-Pierre Bay .Ce jour-là, à Sydney, sous un éclatant soleil, quatre personnes, venues d?horizons très différents, se dirigent vers le célèbre Opéra de la ville, au milieu de la foule des touristes ? trois femmes et un homme ayant chacun une histoire difficile et des souvenirs lourds à porter.Il y a Ellie, qui n?a jamais oublié sa première expérience amoureuse à quatorze ans, avec James qu?elle va justement retrouver, si longtemps après ? James obsédé par une tragédie dont il se croit responsable. Il y a Catherine, qui revoit l?accident ayant coûté la vie à son frère, en Irlande. Et Pei Xing, la survivante, rescapée de la terrible période des gardes Rouges.Comme hantés par l?écho de carillons lointains et invisibles, décidés à aller de l?avant mais le regard toujours porté sur ce qui se trouve derrière eux, ils vont vivre de rares moments de rencontres et d?entrecroisements de désirs.Gail Jones est l'une des plus brillantes romancières d?Australie aujourd?hui.
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