Si je disparais

Gros coup de coeur pour ce petit roman graphique qui relate une démarche immense. En 2016, alors qu'elle est âgée de quatorze ans, Brianna Jonnie, une jeune Ojibwe du Manitoba, écrit une lettre qui commence ainsi : « Cher chef de police ». Ayant remarqué que lorsqu'une jeune fille autochtone disparaissait les services de police et les médias mettaient beaucoup de temps à s'activer et à porter l'information à l'attention du public pour que des recherches puissent enfin s'organiser, alors qu'il en allait autrement pour toute autre disparition, elle lui demande respectueusement de faire mieux. Elle joint à la lettre sa photo, l'enjoignant de l'utiliser, advenant qu'elle subisse le même sort. « Dites-leur que j'avais des buts, des rêves, des ambitions, ainsi qu'un avenir prometteur » (p. 45). le dessin accompagne des extraits de la lettre; elle est reproduite dans son intégralité à la fin, ce que j'ai beaucoup apprécié. C'est percutant, bouleversant, et touchant de justesse. Vivre avec cette réalité : « Si je disparais »… Je ne sais pas comment le chef de police a reçu cette missive; elle ne peut que sensibiliser au sort des jeunes filles et femmes autochtones.

Incontournable Avril 2021

Album à la fois documentaire et biographique, cette oeuvre coup de poing est basée sur une lettre rédigée ouverte par Brianna Jonnie, 14 ans, autochtone vivant au Manitoba, au chef de la Police de cette province. Elle y salue le travail des policiers, qui viennent d,ailleurs de retrouver le corps d'un jeune homme disparu assez promptement. Elle écrit ensuite que la réalité des jeunes autochtones est tout autre. Les disparitions de jeunes filles des premières nations s'enchainent, alors que les moyens pour les retrouver sont carencés, inefficaces , parfois même absents. On peut mettre deux semaines à signaler une disparue. Dans sa lettre, Brianna se décrit comme une ado sérieuse, impliquée, qui ne consomme aucunes drogues. Une ado ordinaire, dirait-on, mais qui, par son appartenance ethnique, sera plus à risque de se faire violenté, assassiné ou de disparaitre. Elle demande aux policiers de ne pas la reléguer à plus tard si elle devait disparaitre, de la chercher avec la même rigueur que pour les non-autochtones, de soutenir ses parents et de mettre sa photo partout pour la retrouver. Et, comme une sombre prophétie, dans ce livre, Brianna disparais pour de vrai.

Je vous rassure, Brianna n'est pas morte dans la vraie vie. Elle est de la communauté Odjibwe Roseau River, au Manitoba. Danseuse, adepte de natation, elle lutte pour que soit mieux protégées les jeunes femmes autochtones et que les crimes dont elles sont victimes ne soient pas considérés de moindre importance.

Ce problème social n'est malheureusement pas localisé au Canada, mais ailleurs dans le monde, comme aux États-Unis, en Australie et autres pays dits "occidentaux". Cela concerne les autochtones, mais aussi les autres communautés racisées, comme les femmes Noires. Ce sont des groupes vulnérables dont les statistiques sur les victimes de crimes sont surreprésentés. Des risques qui peuvent monter jusqu'à quatre fois plus, comme les viols, les meurtres ou les enlèvements. Des chiffres effarants et effrayants.

Cet album se veut donc une ouverture sur le sujet, basé sur la lettre de Brianna, mais aussi comportant des textes informatifs à la fin. Sombrement illustré en blanc et noir, seul le rouge vient trancher le tout, pour marquer la violence, mais aussi les objets clés. On y retrouve aussi l'organisation de l'espace en cases à la manière des BD.

Un album destiné au public adolescent.

Cette nouveauté Griff chez Isatis (qui propose des oeuvres alliant narration, poésie dans certains cas, et images fortes) est devenue mon titre préféré de la collection, rien de moins. Il faut dire que Si je disparais aborde un sujet brulant, d'actualité, interpelant… et que c'est superbement écrit, avec une structure narrative des plus efficaces. Des semaines après l'avoir lu, le récit nous hante encore.
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