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3,91

sur 389 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'ai choisi le titre d'une célèbre émission documentaire pour débuter ma chronique, tant ce livre m'a bouleversé.

Apocalypse « Cité années 2000 »

Anna Doblinsky est nommée pour son premier poste de professeur, dans un collège de banlieue du 9-3… La France Black, blanc, beur…

Effrayant, effarant, violent, mais tellement vrai.
Le constat est sans appel.
Échec de l'éducation parentale, échec de l'éducation nationale, échec de l'éducation religieuse.
Police et justice impuissantes.
Quartier de non droit, lieu de perdition, trafics en tous genres, drogues, prostitution. Une jeunesse aux origines multiraciales, née en France et qui, pourtant ne s'y sent pas chez elle, nourrie de la haine de l'autre, de ses différences de couleur ou de religion.
Une jeunesse livrée à elle-même que les éducateurs et autres professeurs n'arrivent plus à encadrer et à remettre dans le droit chemin, qui méprise toute forme d'autorité, qui met le feu aux cités et fait preuve d'une violence inouïe. Alimentée par les images de l'actualité quotidienne en Palestine, le racisme et l'antisémitisme sont le quotidien de ces adolescents en mal de vivre et sans repère. Une jeunesse si fragile que les recruteurs de l'islam extrémiste en font leurs cibles privilégiées.
Même les quelques exemples de réussite dans leur entourage ne leur laissent pas penser qu'ils peuvent s'en sortir et construire un monde meilleur.
Ce livre écrit il y a dix ans trouve une résonance particulière dans les évènements survenus dans notre pays récemment.
Vous voulez regarder la réalité en face ?
Ce livre est une gifle en pleine figure, sans optimisme, sans espoir.
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Inutile de rappeler que l'Histoire se répète. Quoique... Au vu de certaines réactions de surprise, on peut se demander si nous en sommes vraiment conscients. Comme si nous n'avions pas d'exemples récents - ou actuels, même, mais "loin de chez nous" - de barbarie et de guerre.

La preuve s'il en fallait : « Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte » est un vers rédigé en juin 1871 par Victor Hugo ("A ceux qu'on foule aux pieds"), en référence aux Communards. Il s'applique parfaitement aux émeutes dans certaines banlieues à l'automne 2005, qui servent de cadre à cette intrigue de Jonquet.

Dans cet excellent roman, l'auteur montre la complexité de la crise sociale en France, condensée dans les cités 'difficiles' où la mixité sociale est catastrophique - crise aggravée par les difficultés économiques et qui s'exprime au niveau national par un sentiment d'insécurité et un vote extrémiste.
Nul manichéisme ici, ce ne sont pas les gentils gaulois et feujs contre les méchants blacks et arabes - ou autre combinaison, ou l'inverse, selon notre degré de politically correct et la distance que nous avons par rapport au sujet. Ce sont des hommes entre eux, donc des loups, des victimes et des bourreaux, de tous côtés. Et d'autres hommes moins impliqués qui voudraient changer les choses, mais assistent impuissants aux drames qui se jouent autour d'eux.
Jonquet met bien en perspective l'ambiance de guerre civile dans certains quartiers avec le conflit israélo-palestinien, ainsi que toutes les humiliations que les "croisés" (les blancs) ont fait subir aux Arabes depuis des siècles et des siècles - amen. Ce sont ces mêmes arguments (sans nuances, caricaturés, biaisés) qu'utilisent les islamistes pour pousser des jeunes au terrorisme. « Maintenant, nous les musulmans, on va riposter ! Partout on opprime nos frères, en Palestine, en Irak, en Tchétchénie... Ça a assez duré, on va rendre coup pour coup ! » (p. 79)
Bref, pour faire simple, le conflit Orient/Occident n'est pas nouveau et il n'a pas fini de se complexifier avec tous les intérêts financiers, politiques et économiques en jeu au niveau international et dont le citoyen lambda n'a pas connaissance. Et l'école, la police, la justice n'ont pas les moyens d'y remédier quand cette haine s'exprime dans des microcosmes.

Si les destins de la jeune prof Anna, du brillant petit Lakdar, de son papa dépassé, du pauvre Moussa complètement paumé - et bien d'autres - vous bouleversent par moments, vous donnent envie de hurler, sachez que ça ne s'arrangera pas au fil des pages, au contraire. Thierry Jonquet écrivait en 1998 dans "Rouge c'est la vie" (récit de son engagement militant) : « J'écris des romans noirs. Des intrigues où la haine, le désespoir se taillent la part du lion et n'en finissent plus de broyer de pauvres personnages auxquels je n'accorde aucune chance de salut. » En effet. Jonquet a l'art de nous mettre mal à l'aise lorsqu'on prend conscience que les torts sont partout, et les problèmes sans issue. Mais il nous bouscule et c'est nécessaire...
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Hallucinant. Amateurs du Thierry Jonquet de la première heure, ou de celui des Orpailleurs et de Moloch, ici, on arrive à l'aboutissement de son oeuvre, son point d'orgue, là où le témoignage social prend toute son ampleur et son développement, avec une ville fictive criante de vérité, et un vers de Victor Hugo qui résume à lui seul l'état d'esprit et le message du roman. La peur et la haine de l'autre sont réciproques, et c'est cette réciprocité, ce mécanisme réflexe dans chaque camp, qui est générateur de conflits, basés sur la paranoïa, l'incompréhension, la colère... Magnifique roman, qui prend pour cible les extrêmistes religieux, et expose la dérive des musulmans de bonne foi manipulés par eux, qui sont également perdus par le système politique, perclus dans des banlieues grises qu'on connait tous, livrés à eux-mêmes, stigmatisés, et n'ont d'autre arme pour survivre, d'autre espoir pour s'en sortir dans une société qui ne veut pas d'eux, que ce que leur dit leur Dieu, ou plutôt, ce que certains leur en disent...

Jonquet n'oublie pas l'hôpital, on a le cas poignant de Lakdar, un des protagonistes. Vie foutue en l'air par une erreur médicale, comme le dit la quatrième de couverture, c'est exactement ça, le système et ses réductions d'effectifs sont pointés du doigt, ces histoires de sous suffisent à faire basculer des vies. Dessinateur prometteur, sa main est handicapée à vie, et il n'a plus que le salafisme comme espoir dans la vie. Parce que dans la société française, on "oriente" dès l'âge de 14 ans, on case, sur des chantiers, dans des métiers manuels, on moutonne, on barre l'accès aux études prolongées, ou on les fait ne mener à rien si ce n'est à Pole Emploi (donc à rien), toujours moins d'intellectuels pour toujours plus de manuels, toujours plus de chair à voter pour qui il faut et de chair à canon... le geste meurtrier antisémite de Lakdar est arrêté dans un sublime moment où il réalise l'humain qui est en l'autre et son erreur. le poème d'Hugo, cité dans le roman, est merveilleux, et se trouve dans le recueil "L'Année terrible".

De façon plus triviale, ou plutôt, plus dans le cadre du Jonquet des débuts, on a presque un hommage à Maurice G. Dantec, avec un schizophrène meurtrier qui s'imagine tout et n'importe quoi, mais dont le point de vue est toujours un régal pour les lecteurs de littérature policière. L'alternance des points de vue entre les multiples personnages ne fait pas "collée", j'insiste là-dessus, l'ensemble est cohérent, grâce aux fondations solides de la ville fictionnelle de Certigny. Les passages avec Verdier sont peut-être les moins intéressants, heureusement qu'il y a le moment où il lit le poème d'Hugo.

En sus, excellent roman anti-raciste avec des éléments de roman noir qui ne sont pas en reste, à lire!!! Et sur le plan de l'écriture, c'est une véritable avancée. Pour ceux qui pouvaient être occasionnellement frustrés par la simplicité du style de Jonquet, qui restaient sur leur faim sur le plan stylistique, là, c'est vraiment bien écrit, avec une inspiration et un sens de la formule qui choque, qui fait même rire, avec un ton cinglant, désenchanté, et surtout cynique...

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En 2005, Anna débute sa carrière de professeur de français dans un collège de Seine-Saint-Denis. Moussa y est élève en 3ème et, comme la plupart de ses camarades, en échec scolaire… Dans sa classe, seul Lakdar semble pouvoir échapper à la médiocrité ambiante.
Richard Verdier est substitut du Procureur. Il n’hésite pas à se rendre sur le terrain et est régulièrement amené à travailler avec le commissaire Laroche et son équipe.
Beaucoup de choses séparent ces individus : religions, idées et projets - du moins pour ceux qui en ont -, origines ethniques, âges et situations sociales. La plupart sont cependant amenés à se croiser et à tenter de cohabiter, rarement pour le meilleur et souvent pour le pire dans ce roman noir…

Les histoires de ces personnages et la chronique de cette banlieue du 9-3 qui les rassemble est l’occasion pour l’auteur de dresser un portrait sombre de la société française. La critique des institutions et de leur inefficacité est sévère mais réaliste : échec des politiques dites "d’intégration", et inefficacité des systèmes scolaire, judiciaire et médical.
Ce sont prioritairement de jeunes enseignants inexpérimentés qui sont affectés dans les collèges difficiles : certains craquent rapidement, d’autres souffrent en silence et/ou enchaînent les arrêts maladie. Jonquet ne se limite pas à la compassion à l’égard du corps enseignant, il se moque aussi du syndicalisme outrancier des uns et des théories pédagogiques fumeuses des autres.
En fait, ici tout le monde en prend pour son grade dans cette faillite collective. L’Etat semble avoir démissionné dans cette banlieue où l’ "ordre" public est assuré par les malfrats et/ou par des pseudo représentants religieux. Ce sont vers eux que se dirigent des jeunes auxquels ni l’école, ni la famille n’offrent de repères fiables. « Au Moulin, mais même chose aux Sablières ou aux Grands-Chênes, les keums qui s’étaient sortis de la galère, et il y en avait pas beaucoup, ils avaient pas pleurniché à l’assistante sociale ou chez les profs. Et surtout pas chez leurs vieux. Les vieux, depuis le temps qu’ils trimaient au Smic ou qu’ils se laissaient doucement crever au RMI, ils avaient pas de leçons à donner. Le respect, ils le méritaient pas. La preuve, le père de Lakdar. Le sien valait pas mieux. » (p. 267)
L’implication de diverses autorités dans des conflits internationaux comme celui entre Israéliens et Palestiniens ajoute des motifs de crispation entre les populations.

Dix ans avant avant le début d’une série d’attentats meurtriers en France (et juste après l'attentat de Madrid), Thierry Jonquet avait repéré, décrit et dénoncé des ingrédients amenant des individus vers l’extrémisme religieux. Il évoque les émeutes de novembre 2005 dans certaines banlieues, émeutes que certains politiques ont alors su habilement exploiter pour leur propagande, mais que presque tous se sont empressés d’oublier.
Aucun don de prémonition n'est nécessaire à Jonquet : il observe et décrit le monde dans lequel il vit, brillamment d’ailleurs. La noirceur de son propos n’exclut en outre pas quelques occasions de sourire.

Un excellent moment de lecture, et une occasion de réfléchir à propos d’un contrat républicain galvaudé.
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Gros coup de coeur pour ce roman atypique : Tout se passe au coeur de la ville de Certigny (93) : une jeune prof diplômée fera ses armes auprès de jeunes quasi illettrés, un élève brillant mais frappé récemment d'un handicap se tournera vers l'Islam radical, et deux hommes de justice (flic et proc) chercheront les moyens d'endiguer les trafics en tous genres.

Au coeur de cette ville, les cités exclues sont en proie à trois gros délinquants qui se partagent les réseaux de drogue, de prostitution et de vol. Les possibilités pour les jeunes de s'extraire de cette spirale de l'échec sont minimes, malgré la volonté de ces jeunes enseignants qui y mettent toute l'énergie de leur début de carrière.

Il est beaucoup question de religion : Anna, la prof est juive et il ne fait pas bon de le dire quand on enseigne à Certigny, l'antisémitisme a dangereusement bonne presse.


Des personnages se croisent, avec des idéaux et des révoltes. On s'indigne et on se met dans la tête de ces gamins qui, finalement, ne verront jamais le bout du tunnel et que la révolte armée appelle à grands cris.


Très réaliste, au coeur de l'actualité (antisémitisme, influence salafiste, décapitations punitives), ce roman est inquiétant de véracité, de noirceur (et de pessimisme). On y reconnait les discours des politiques dont le "karcher" n'a pas fait ses preuves, celui des chefs d'établissement qui semblent oublier que les ados sont aussi des humains avec un possible avenir, même si improbable.

Pourtant il fait réfléchir et permet d'évoquer une réalité que les médias nous balancent par à-coups comme des faits sensationnels.

A lire. Vraiment.

Lien : http://leslecturesdalice.ove..
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L'histoire d'une jeune prof « feuj», Doblinsky, tout juste sortie de formation, qui débarque dans un collège de banlieue parisienne et se prend en pleine face la réalité du terrain. On la suit depuis sa pré-rentrée scolaire, quand elle découvre l'établissement et ses collègues (caricature amusante du monde enseignant), on sent monter avec elle la pression du premier jour de classe, puis on vit à ses côtés le quotidien tout en tension, le travail en zone «sensible». Parmi ses élèves, le jeune Lakdar se distingue des autres par son charisme et son intelligence. Malheureusement, suite à une erreur médicale idiote, il se retrouve paralysé de la main droite. Pas de chance, il voulait devenir dessinateur de BD et était même plutôt doué. le dessin comme porte de sortie de la cité, il va falloir qu'il y renonce.

Jonquet entremêle plusieurs histoires, plusieurs destins, tous liés à ce quartier - collégiens, enseignants, procureur, flics, caïds de quartier etc…- pour aboutir à un roman noir très impressionnant dans lequel on retrouve tout ce qui fait l'actualité d'aujourd'hui. Un état des lieux de l'éducation, de la vie dans les banlieues « chaudes », l'organisation des trafics en tout genre, la montée de l'islam, les techniques utilisées pour faire de la propagande antisémite, l'embrigadement de jeunes désoeuvrés pour faire le djihad...

Quand on pense que ce roman est paru en 2006 et que tout ce qu'il décrit fait aujourd'hui la une de l'actualité, on ne peut qu'être impressionné par la justesse du travail d'analyse de l'auteur et sa lucidité.

Après lecture, on lâche un petit "WOW" admiratif et puis on en veut à Thierry Jonquet de nous avoir quitté (trop tôt), abandonnés seuls dans cette merde noire noire noire qu'il nous dépeint, plantés là avec si peu d'espoir pour l'avenir. Heureusement, il nous laisse entrevoir un petit bout de piste pour s'en sortir: l'éducation.

Quiconque souhaite comprendre (mieux) la vie dans les quartiers difficiles serait bien avisé de lire cette fiction qui en dit long sur les transformations qu'a connu la société française ces 10 dernières années...
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Certigny, dans le « 9-3 ». Septembre 2005. Collège Pierre-de-Ronsard.
D'un côté, Anna, jeune professeure fraîchement diplômée de l'IUFM. de l'autre, ses « apprenants », « une armée d'ados vêtus flambant neuf qui rejoignaient les travées qui leur étaient assignées, bataillon après bataillon » (p. 55). Une véritable armée que va devoir affronter la novice. Parmi eux, Lakdar, un collégien dont elle remarque la main droite inerte, incapable d'écrire. Lakdar qui dès le début lui offre un appui inestimable en lui permettant d'asseoir un semblant d'autorité. Lakdar, un gamin en souffrance, qu'elle va essayer d'aider au mieux, un gamin qui lutte pour s'en sortir, dans cette banlieue du « 9-3 » troublée par des émeutes, qui, déjà, annoncent le basculement de destins singuliers.

« Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte » : voilà un titre mystérieux qui suggère deux camps antagonistes, unis pourtant par un cauchemar commun. D'un côté, la jeune prof, illuminée par la clarté de son savoir, par la foi en sa mission, pétrie de peur le jour de sa première rentrée, de l'autre des apprenants en milieu défavorisé, éloigné du savoir et de ses promesses. A cette distance, qui se mesure probablement en années-lumière, s'ajoute celle de la religion : la judéité d'Anna se heurte radicalement à un antisémitisme « banal et ordinaire » que lui oppose la cohorte de ses apprenants.

Au fil de la lecture, les camps qui s'affrontent changent et s'élargissent : les voyous, plus ou moins bien organisés, qui colonisent certains quartiers versus la justice ; les « jeunes des banlieues », à l'occasion des émeutes qui les embrasent versus la police.

Une ambiance pesante plane tout du long de ce roman noir, rendant les traits humoristiques auxquels s'essaie l'auteur encore plus caustiques. Même si le rire est jaune, il reste bienvenu et permet une mise à distance de l'horreur. Car, progressivement, on voit jusqu'où l'auteur va aller, même si, nous indique la quatrième de couverture, l'écriture de ce roman a « commencé bien avant les émeutes des banlieues et le meurtre d'Ilan Halimi ».

Vivre dans un milieu défavorisé trace-t-il d'emblée les trajectoires individuelles ? La fin pourrait le laisser penser. Mais le début nous invite à la prudence… L'énigme du titre est résolue vers le dernier tiers : Victor Hugo et quelques vers donnent la clé, « un flot de vers qui vous laissaient sans voix. »
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Ils sont votre épouvante et vous etes leur crainte.
Thierry Joncquet
389 P.
Mon ami ,
C'est le dernier roman de l'auteur avant son décès en 2009.
Ce roman m'a bouleversée. Il n'est pas dans le même style que ses précédents.
J'ai eu l'impression de lire un message pour le lecteur: les différentes ethnies que composent notre pays ne sont pas prêtes à s'entendre. L'auteur relate des faits divers réels : l'embrasement des banlieues en 2005 , deux jeunes tués par un poteau électrique , pourchassés par la police et enfin le jeune juif, Ilan Halimi , séquestré par le gang des barbares.
L'auteur a une expression délicate pour passer de la réalité à la fiction ou de la fiction à la réalité.
Ce livre est à découvrir pour vous adultes mais aussi pour vos ados .
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Le titre du roman de Thierry Jonquet est tiré d'un poème de Victor Hugo, poème qui se rapporte à la Commune et qui ici est évoqué par le substitut du procureur.
Cette citation illustre parfaitement le malaise qui existe entre les différents protagonistes, à commencer entre les pouvoirs publics (pour faire vite) et certains habitants des banlieues.
Thierry Jonquet frappe fort et même si la commune de Certigny dans laquelle se déroule une large part de l'action n'existe pas, l'auteur inscrit son intrigue pleinement dans l'actualité de l'époque, c'est-à-dire les émeutes qui ont touché la France en 2005 avec pour point de départ la mort de deux adolescents dans un poste de transformation EDF.
Le lecteur tout au long du roman va suivre divers protagonistes, comme Anna la jeune professeur fraîchement sortie de l'IUFM, Lakdar, le collégien victime d'une erreur médical, les frères Lakdaoui, trafiquants de drogue, Verdier, substitut du procureur de Bobigny... Et chacun en prendra pour son grade, à commencer par les institutions souvent incapables de réagir face aux problèmes qu'elles rencontrent.
On se rend très vite compte qu'il suffirait parfois de peu pour que certains individus s'en sortent, un soutien familial, éducatif...
L'auteur campe au mieux ses principaux protagonistes, à commencer par Anna et Lakdar, personnages attachants qui ne peuvent échapper aux rouages du système.
Un roman coup de poing, le dernier de Thierry Jonquet, parfaitement documenté, et passionnant de bout en bout.
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Spéciale dédicace à Alain et sa compagne.

Pourquoi, tu me demandes ? Parce qu'ils m'ont gentiment offert ce roman après une conversation au restaurant. J'étais dans ma cuisine, et ils étaient presque ennuyés que je connaisse pas M'sieur Jonquet, alors ils sont allés me chercher ce livre dans la librairie d'à côté. le titre, tu le sais, c'est tiré d'un poème de Monsieur Hugo. Non, tu savais pas ?
Quand je dis tu savais pas avec ce petit sourire, c'est juste pour faire le malin, tu t'en doutes.
Je te mets un extrait. du poème, pas du roman.

« Étant les ignorants, ils sont les incléments ;
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire
À vous tous, que c'était à vous de les conduire,
Qu'il fallait leur donner leur part de la cité,
Que votre aveuglement produit leur cécité ;
D'une tutelle avare on recueille les suites,
Et le mal qu'ils vous font, c'est vous qui le leur fîtes.
Vous ne les avez pas guidés, pris par la main,
Et renseignés sur l'ombre et sur le vrai chemin ;
Vous les avez laissés en proie au labyrinthe.
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte ;
C'est qu'ils n'ont pas senti votre fraternité. »

Soyons clairs, si tu permets. Je sais que ce poème va te sembler d'actualité. Comme si M'sieur Hugo parlait au pingouin qui est en train de nous faire avaler qu'un pangolin a chié sur une chauve-souris. Ou l'inverse, je ne sais plus !
Je m'énerve pas Ghislaine, j'explique.
J'explique que ce poème, il n'a pas pris une ride, ni une virgule à changer, et ça fait chier, justement. Plus de cent ans ont passé et on en est toujours au même niveau de barbarie. Au même niveau d'arrogance de la part de nos « zélites ».
J'ai déjà croisé des auteurs plus drôles quand j'ai commencé ma collection de Oui-Oui, et notamment des zôteurs qui n'avaient pas grand-chose à dire. Ceux pour qui la rédac de quatrième est déjà d'un très bon niveau. Tu vois qui je veux dire, points de suspension.
Cette histoire, ou plutôt ce conte (parce que tu sais comme moi que les contes, à la base, c'était pas des trucs pour endormir les mômes), ce conte, donc, parle de Lakdar. le gosse qui veut s'en sortir et qui fait ce qu'il faut pour. Au risque de se faire traiter de lèche-bottes par ses collègues apprenants.
Tu savais pas ? On dit plus des élèves, on dit des zapprenants.
Ouais, moi non plus je savais pas.
Lakdar, son père, c'est Ali. Il passe une balayeuse automatique dans les couloirs de l'hôpital, et il planque des magazines pornos sous son lit.
C'est pas bien.
La mère de Lakdar n'est pas là. Elle est rentrée au pays parce qu'elle avait tendance à pas être tout à fait au top mentalement.
En revanche, Lakdar, il a des potes. Des potes qui sont prêts à lui expliquer la vie face aux ennemis de l'Islam que sont les juifs.
Voilà, tu sais tout. Pas la peine de te raconter plus, puisque Thierry Jonquet s'en charge.
Il écrivait bien M'sieur Jonquet. Je comprends pourquoi il est passé par M'sieur Manchette, Saint-Patrick de son prénom, pour commencer à écrire. Juste des constats de ce qui se passait dans les années deux-mille, des faits qu'on disait divers et qui n'étaient que les prémices de ce qui surviendrait plus tard.
Écrire en phase avec la réalité, sans jamais prendre parti pour l'un ou l'autre côté, sans jamais émettre de jugement, tu peux que dire « Bravo Monsieur, et respect. »
« C'est juste un polar », disait-il à l'époque.
Juste un polar.
Mais un polar qui te laisse entrevoir comment tout peut basculer à cause d'une chute dans un escalier et d'une fracture mal soignée. Comment l'ignorance et la paupérisation sont les chemins vers la violence et la peur de l'autre.
Ça fait presque cinquante ans qu'on tente de nous l'expliquer, que des sociologues mettent des mots savants sur des faits divers. Sur des morts et sur des bavures.
T'es déjà allé marcher, toi, dans une cité ? T'es déjà allé voir à quoi ça ressemble les montées d'escalier désertées à la nuit tombée ?
Quant à moi, j'y ai grandi, mais Bon Dieu, que ça a changé !

La suite : https://leslivresdelie.net/ils-sont-votre-epouvante-et-vous-etes-leur-crainte-thierry-jonquet/





Lien : https://leslivresdelie.net/i..
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