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3,75

sur 143 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
A l'origine, Pierre Jourde voulait juste écrire une nouvelle qui se limitait à la narration des obsèques d'une adolescente, fille d'amis paysans vivant dans un petit village du Cantal dont est originaire sa famille ; village perdu où il a passé ses vacances durant son enfance et où il est revenu ensuite chaque été avec sa famille.

Une fois la nouvelle publiée, fin 2001, influencé par Éric Nolleau, Pierre Jourde a décidé d'en faire un livre, en reprenant des souvenirs personnels et en modifiant les noms de lieux et de famille pour parler de la vie de son village.

L'enterrement de l'adolescente a ramené l'auteur à celui de son père, et à son histoire, alors que celui-ci ne s'était résolu à la lui raconter que lorsque qu'il a eu vingt-cinq ans. Toute sa vie attaché à son village, Pierre Jourde souhaitait montrer la rudesse du pays à travers certains secrets de famille. Il s'agissait de restituer un double sentiment : « des sensations trouvées nulle part ailleurs et un sentiment d'irréalité », tel qu'il a pu le vivre, durant ces séjours là-bas. Pierre Jourde ne perd aucune occasion de rappeler qu'il se sent appartenir à la société qu'il décrit et imaginait sans doute rendre hommage aux habitants de son village. Toutefois, en évitant de tomber dans la complaisance, l'auteur a pu involontairement se montrer parfois blessant dans sa description de protagonistes vivant dans de vieilles maisons inconfortables le long de ruelles où s'élèvent les vapeurs des tas de fumier.

Pierre Jourde a brisé le « culte du silence » qui se transmet de génération en génération dans ces hameaux. Son roman a suscité une vive émotion parmi les habitants de son village. Certains se sont reconnus ou ont reconnu des proches décédés. Les moindres détails ont été pris comme des critiques, des offenses, ou des indiscrétions malveillantes, et ont été considérés comme du mépris. Les réactions vives suscitées par ce livre seront reprises et commentées dans un second ouvrage de Pierre Joudre « La Première Pierre ».
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Il est inutile de refaire le dix huitième résumé de la trame narrative de ce roman, de revenir sur les polémiques, violences et excès qu'il a forcement suscités.
Tout d'abord, pour moi, une évidence : l'exercice de style. Pour qui a un peu fréquenté Joris-Karl Huysmans, la parenté est flagrante. Jourde en est l'admirateur, le descendant brillant. L'alcoolisme, la dureté, la violence de ces existences paysannes offraient autant de sujets à cette prose d'une rare force évocatrice. Mais qui paraît inadaptée ici. Puis, l'étude ethnographique dans laquelle Jourde semble aussi se plaire d'autant qu'il sait profondément, viscéralement de quoi il parle. Etude portée par l'amour, même si cela semble paradoxal, de son sujet et par la révolte que suscite sa condition misérable.
Maintenant, l'auteur s'est-il laissé stupidement dépasser par la jouissance créatrice que lui offraient ces deux champs ? Très certainement, au point d'être parfois absurdement maladroit, manquant de discernement comme lorsqu'il compare cette dent unique à un monocle porté par dandysme !
Avait-il besoin de s'empêtrer dans des histoires banales d'adultères, de s'approcher au plus près des vices ou excès des uns et des autres au point qu'ils se reconnaissent, sûrement pas.
Enfin, a-t-il fait preuve de réalisme orienté, de naturalisme obtus ? Je ne le pense pas. Pour qui, comme moi a fréquenté le monde paysan durant de longues années, tout ce qu'il décrit ici, était et est toujours la pure vérité. Beaucoup plus que chez le trop médiatisé Depardon, il faut aller chercher chez le plus discret Pierre Collombert ces photographies de ces pays et paysans perdus, oubliés de tous. Alcool, consanguinité, pauvreté, saleté règnent toujours au fin fond du Tarn, du Gers, de l'Aveyron et de bien d'autres départements français. Moins sûrement qu'autrefois mais il n'y a plus grand monde pour briser les langues de bois de nos politiques ou de nos travailleurs sociaux à ce sujet.
Le service d'Urgence où je travaille, reçoit encore aujourd'hui de ces vieux paysans empestant le purin, la sueur et le feu de bois, de ces vieilles lavées une fois la quinzaine, abandonnées de tous et dont les pieds tombent sous la gangrène et les vers, de ces jeunes agriculteurs en comas éthyliques, dès le vendredi soir. C'est la France invisible, celle des sans dents, bien loin des entrepreneurs agricoles rutilants que courtisent les semenciers et les médias.
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Il m'a fallu quatre dizaines de pages pour entrer dans le livre. Il faut se laisser bercer par les évocations de paysages, de personnes faites par l'auteur.
Ensuite, j'aurais voulu tout lire d'un coup, pour "rester dedans".

Pierre Jourde décrit un monde à mille lieues du nôtre, il est vrai. Pourtant, on pense à quelques personnages déjà rencontrés, ou déjà racontés dans des conversations.
Les paysans de ce livre sont rustres ; Pierre Jourde parle de la violence qu'ils vivent : la violence qu'ils subissent (les coups reçus par les enfants, par les "valets de ferme", les nuits à dormir dans la paille de la grange, les coups reçus par les femmes, les accidents terribles avec les machines agricoles... ) et la violence dont ils font preuve (là où des gens reçoivent des coups, certains les donnent...)

A part quelques chansons écoutées, à aucun moment il n'est fait allusion à la culture, est-elle vraiment absente de ces hameaux ? Peut-être après tout.
Est-ce que Pierre Jourde donne une vision trop noire de ces gens ? C'est une vision forcément partielle.

Mais ce que j'ai trouvé marquant dans ce livre, c'est l'absence de jugement. Il me semble que l'auteur ne condamne pas, même la déchéance qu'il observe, il la constate.
En particulier en ce qui concerne l'alcool, son aspect positif aussi bien que son aspect négatif sont mis en avant.

Ce livre m'incite à faire preuve d'empathie.
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Le narrateur nous emmène dans le village ou il a passé son enfance il est accompagné de son frère car celui-ci doit hériter du cousin Joseph. A leur arrivée ils apprennent le décès de Lucie qui petite les regardait lire et dont ils gardent en mémoire le sourire qui ne l'a jamais quitté malgré la maladie. C'est l'occasion pour l'auteur de nous offrir une description réaliste de ce petit hameau, avec les habitudes de ses villageois, il nous fait partager leur vie, ses émotions, ses souvenirs dans une écriture sans concession, mais poétique. Je n'ai pas trouvé ce livre dérangeant, il m'a rappelé mes vacances dans un petit village jurassien dont les habitudes étaient parfois similaires. Je pense que certains villageois se sont sentis insultés, les mots peuvent devenir des coups de poignard et être très douloureux quand ils ne sont pas compris ou expliqués.
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Ce texte de Pierre Jourde m'aura montré à quel point notre regard sur une oeuvre peut changer à douze ans d'intervalle. de ma première lecture, j'avais principalement retenu la qualité de l'écriture et l'audace du propos, loin des descriptions convenues de la vie proche de la nature. Ce que je ressens avant tout aujourd'hui, ce sont la haine, le mépris et le dégoût qu'inspirent à l'auteur ces gens de peu dont il se repait à répéter qu'ils vivent dans la merde, l'alcool et la crasse, engendrant çà et là des enfants aux tares diverses et variées et auxquels notre humaniste n'a pas manqué d' ajouter une petite touche de consanguinité, histoire de parfaire le tableau. Figurez-vous que dans ce pays perdu, lorsqu'une femme s'avise de se défaire de son fichu à cause d'une démangeaison devenue difficilement supportable, le pus secrété depuis des semaines lui dégouline sur le visage ! Pierre Jourde a beau être professeur d'université, il semble lui manquer une certaine intelligence de comportement : n'est-il pas allé jusqu'à citer dans ses remerciements les habitants du village qui a servi de décor à sa logorrhée un brin scatologique ?
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Même dans des circonstances très défavorables à ma concentration et à une lecture hachée, je ressens beaucoup de choses pour ce livre. Tant le contenu campagnard, d'exilés du monde, prisonniers d'un autre monde, un monde que j'ai un peu connu par bribes, qui est dur, assez implacable, quelque part.
Tant la forme, une très belle écriture, sans effets, sans procédés, juste juste, juste très juste.
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C'est un pays qu'on situerait volontiers en Asie centrale. Des steppes d'herbe rase dont surgissent, ici et là, des volcans inoffensifs. En guise de yourte, on trouve des maisons basses aux toits de lauze que les hivers recouvrent inlassablement. Trou perdu, diraient les uns, pays perdu corrigerait Pierre Jourde, et dans le léger interstice de cette précision sémantique, l'auteur insérerait ses souvenirs romancés et la topographie d'un lieu que le passage des années rend de plus en plus imaginaire.

Alors qu'ils viennent vider la maison d'un cousin disparu, le narrateur et son frère sont cueillis à froid - c'est le cas de le dire, en plein hiver - par la nouvelle de la disparition de la jeune Lucie, une adolescente malingre au sourire radieux. La veillée funèbre et les obsèques sont l'occasion pour le narrateur de tirer le portrait à ce coin de Cantal, intimement lié à son enfance et à son père, disparu lui aussi. En écrivant tout cela, le narrateur tente de retenir ce qui n'est pas palpable : les souvenirs personnels, la nostalgie d'un temps passé, les mythes et les légendes locales. Comme convoqués par le drame de la disparition de Lucie, d'innombrables figures - vivantes et mortes - affluent dans ce village que les notions géographiques d'exode rural et de diagonale du vide condamnent à une disparition certaine. En cela aussi, c'est un pays perdu, car sans avenir, dont on ne verra bientôt même plus le nom sur une carte routière. Pays perdu, enfin, dans les limbes des mémoires individuelles, pays perdu à mesure que disparaissent ceux qui y ont vécu et pourraient le raconter. En cela, le pays du narrateur se situe à la frontière entre l'espace et le territoire, entre l'absolu naturel et la terre humanisée, bornée, chantée.

Il ne conviendra pas de revenir ici sur l'accueil qui fut fait à ce livre dans le village cantalien où Pierre Jourde passa les vacances de ses jeunes années. Il ne m'appartient pas ici de juger de la violence de cette réception, mais plutôt de la déplorer en tant que preuve d'une incompréhension. le récit de Pierre Jourde est résolument empreint d'une tendresse rude, à l'image du pays, des hommes et des femmes, qu'il s'attache à décrire aussi fidèlement que possible. Ce livre n'est pas le récit méprisant d'un universitaire sur un village de campagne qu'il a bien connu. Au contraire, Pays perdu est un témoignage qui serait presque ethnographique, s'il n'était pas empreint de sentiments pour les personnages qui le peuplent. le narrateur a conscience que son témoignage intervient trop tard, que le temps oeuvre pour la disparition de ces moeurs qu'on juge aujourd'hui avec sévérité (il n'y a qu'à lire la quatrième de couverture, où l'alcool est érigé au rang de divinité), et pourtant il témoigne pour que survive, même imparfaitement, l'âme de ce pays.

Pour ce passage en revue des hommes, des femmes et de leurs moeurs, Pierre Jourde use d'une langue riche et précise dans son vocabulaire, simple dans sa syntaxe et poétique dans les images qu'elle fait surgir. le matériau littéraire n'est pourtant parfois pas bien noble : la noirceur des intérieurs, leur saleté récurrente, les excréments omniprésents du bétail et parfois même des hommes, le feu de l'alcool qui ravage les gosiers et fait s'écrouler les buveurs inconscients dans la neige, le sang des lapins qui s'écoule, goutte après goutte. A mesure que tous, hommes et femmes, entrent dans la maison des amis du narrateur, François et Marie-Claude, pour témoigner de leur respect et aller voir la morte avant son retour à la terre, à mesure aussi que la neige s'empare des mains et des corps qui patientent dehors tandis que la cérémonie religieuse célèbre une dernière fois le souvenir de l'enfant disparue, le narrateur évoque les histoires du pays. Histoires rieuses de beuveries incroyables, histoires tragiques d'enfants disparus, de vies solitaires, de vies cloîtrées aussi à cause de l'obésité ou du chagrin. La pudeur, ici, gâcherait tout. Elle gommerait les détails des frontières de ce pays mental dans lequel le narrateur a grandi. Ce principe, il l'applique aussi à lui-même, invoquant le souvenir de son père, fils d'une union illégitime et relégué au rang de chauffeur pour une femme dont il était pourtant le fils. Malgré toutes ces histoires, il y a encore des regrets : ceux de n'avoir pas bien écouté le père lorsqu'un jour, enfin, il se décida à parler ; ceux de n'avoir jamais vraiment écouté la tante pour qui les secrets du pays n'existent pas. Ce qui n'existe pas non plus, dans ce livre, c'est le jugement. Les hommes et les femmes de ce pays ont même de la grandeur, lorsqu'ils se retrouvent hachés par le tracteur ou par la tronçonneuse, lorsqu'ils avalent silencieusement leur déjeuner, lorsqu'ils n'ont que leur silence digne à opposer à la mort. A celle promise à son pays perdu, Pierre Jourde oppose, lui, la littérature.
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En bref, un court livre découvert totalement par hasard et qui ne parlera certainement pas à tout le monde. L'auteur prend comme prétexte un enterrement pour présenter un petit village auvergnat, "une communauté humaine qui se compose d'une dizaine de foyers, serrés sur un très petit espace, à quarante minutes de route de la première ville, et où tout le monde se croise tous les jours, [...]".
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Une langue magnifique, précise, poétique, d'une maîtrise parfaite qui décrit merveilleusement ce pays perdu, perdu dans le temps autant que dans l'espace. Mais cette maîtrise m'a aussi mise mal à l'aise quand elle raconte les gens, leur vie, où tout ne semble que misère, saleté, violence et alcool, ce dernier régnant en maître du jeu. Il y a dans ce livre une certaine provocation à réduire le monde agricole même reculé à cette misère. Les pages évoquant l'omniprésence de la merde tant animale qu'humaine sont sidérentes, celles sur le sort des animaux, bétail, volaille ou autres, sont d'une cruauté complaisante. Certains passages sont magnifiques et prenants. Alors, un grand livre, certes, par le propos et la langue, mais avec un côté trop réducteur.. Née la même année que l'auteur, j'ai passé beaucoup de temps de mon enfance à la campagne... même si les monts du Lyonnais n'ont pas l'âpreté du Cantal, encore que, à l'époque, c'était un bout du monde... je garde des souvenirs plus lumineux... C'est cela qui me semble manquer à ce livre... la lumière.
Et puis... j'ai lu dans la foulée La première pierre, livre qui répond aux conséquences et à la polémique suscitées par Pays perdu. Et là, j'ai mieux compris ce que l'auteur avait voulu exprimer, le second apportant les notes de lumière dont semble absent le premier. Peut être eut il fallu le second avant le premier... je n'en suis pas sûre...
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Au début de l'année 2014, j'avais découvert Pierre Jourde avec son livre « La première pierre« . Il m'avait donné envie d'en savoir plus sur cet auteur et j'ai enchaîné avec deux autres de ses essais « le Jourde & Naulleau » et « C'est la culture qu'on assassine« . Et j'ai été conquise par cet auteur!

Mais cela m'avait aussi donné envie de découvrir ses fictions et tout particulièrement « Pays perdu », le livre qui a créé le scandale et donc le livre « La première pierre ». Et puis je n'ai pas eu l'occasion de mettre la main dessus. J'ai fini par l'acheter, mais j'appréhendais un peu ma lecture, de peur de ne pas aimer.

Mais c'est chose faite à présent et je peux dire que ce fut une lecture très agréable et que c'est sans hésiter un très bon roman. Et un livre de moins dans ma PAL!

C'est la première fiction que je lis de cet auteur et cela m'a donné envie de lire ses autres oeuvres de fiction. On verra bien quand je trouverais un moment.^^

C'est sans aucun doute un éloge de ce pays, mais je comprends tout à fait que les habitants de ce village aient pu mal le prendre. Il est vrai qu'il décrit minutieusement ce pays « perdu », au fond de nulle part,ravagé par le froid, la pauvreté, l'alcool.
Moi je sens un amour profond pour cet endroit, pour ses habitants, dont il parle avec tendresse, bonté. Il ne juge pas, il reste partial et se contente de décrire ce qui s'y passe.

Pour nous, il s'agit d'un endroit lointain, le Cantal, mais pour les habitants de là-bas, c'est chez eux. Et cela peut paraître incroyablement insultant, surtout qu'il cite énormément de choses, d'événements, de secrets de famille dont tout le monde est évidemment au courant, mais qu'on fait semblant d'ignorer. Retrouver mes secrets de famille dans un livre que toute la France peut lire, je n'aimerai pas cela du tout. Surtout que son impression est forcément partielle, puisqu'il n'y vit pas toute l'année.

Il n'en reste pas moins que j'étais passionnée. Je me suis vraiment laissée porter par le texte (il écrit vraiment bien je trouve) par les anecdotes, les histoires, les descriptions de personnages…On a vraiment l'impression d'être dans un autre monde.

—————————————–

Un très bon roman sans aucun doute, très bien écrit, je ne peux que conseiller cette lecture! J'ai hâte d'en découvrir d'autres!
Lien : http://writeifyouplease.word..
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