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EAN : 9782072776250
272 pages
Gallimard (10/01/2019)
2.85/5   125 notes
Résumé :
Mal aimée par une mère avare et dure, sa fille unique, à la mort de celle-ci, hérite d’un canapé-lit remarquablement laid. Elle charge ses deux fils et sa belle-fille de transporter la relique depuis la banlieue parisienne jusque dans la maison familiale d’Auvergne. Durant cette traversée de la France en camionnette, les trois convoyeurs échangent des souvenirs où d’autres objets, tout aussi dérisoires et encombrants que le canapé, occupent une place déterminante. <... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (43) Voir plus Ajouter une critique
2,85

sur 125 notes
Il est vieux, il est moche, il est encombrant. Seul objet sauvé du tri drastique effectué au décès de la grand-mère qui en fut la propriétaire, son ultime destin est de meubler une mezzanine dans la maison familiale en Auvergne, tâche pour laquelle sont désignés les trois petit-enfants de l'aïeule, dont l'auteur et narrateur de l'aventure. Non qu'elle fut périlleuse, hormis la longueur du trajet, pas d'obstacle majeur sur le chemin (à l'arrivée ce sera une autre histoire…). Par contre, c'est l'occasion d'un huis-clos entre les deux frères et la soeur, et cette cohabitation nomade sera l'occasion d'évoquer, révéler, et faire le point sur de multiples événements familiaux. Les souvenirs affluent tout au long du chemin, avec un savant mélange du passé et du présent, reconstituant une histoire familiale banale dans ses malentendus et ses haines aussi héréditaires qu'inexplicables

C'est en effet l'occasion pour l'auteur de laisser libre court à son ironie, parfois mordante, et à l'autodérision, tant il ne s'oublie pas dans l'attribution des médailles de la gaffe.



C'est très agréable à parcourir, les dialogues sont souvent savoureux et le discours est très actuel.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Pourquoi me suis-je lancée dans la lecture de : le voyage du canapé-lit de Pierre Jourde ? L'idée de départ m'avait plu : celle de convoyer le monstrueux canapé-lit d'une grand-mère détestée, de la région parisienne jusqu'à Lussaud dans le Cantal, berceau de la famille Jourde.
Qui n'a pas, d'une façon plus ou moins proche fait l'expérience d'un héritage familial parfois encombrant ou carrément malvenu ?
Le début du récit est drôle : portrait au vitriol de cette mémé dont "la réputation de méchanceté, de duplicité et d'avarice incarnée font l'unanimité." Savoureuse évocation avec un souvenir fortement marquant pour le narrateur : celui du "parfum au jasmin des chiottes bleus de mémé" et qui le renvoie encore des années après à un sidérant no mans' land affectif et émotionnel. Evocations très justement bien vues des tribulations de certains attachement familiaux pas toujours en droite ligne généalogique comme celle qui va unir le narrateur et son frère Bernard à une grand-mère par alliance et qui sera leur "vraie mémé"...
Beaucoup d'humour, de tact et de doigté dans le récit des mille et une surprises que va causer la distorsion entre le modèle éducatif familial parental et l'évolution de "deux garnements" dont les aventures et mésaventures vont plus d'une fois mettre à rude épreuve l'amour parental !
Mais les anecdotes qui jalonnent le début du récit et qui sont drôles ne sauraient faire oublier d'indéniables faiblesses, comme le recours trop fréquent à des poncifs ou des formules du genre : "Ah c'est vrai, je vous l'avais pas raconté, celle-là..." La structure du livre se prête à ce type d'accrochage très artificiel car elle repose sur un entrelacs de conversations familiales qui accompagnent le voyage et les souvenirs d'anecdotes qui ont jalonné la vie de l'auteur. Mais l'auteur, dans la deuxième partie du récit, perd de vue cette visée pour s'égarer dans des digressions littéraires qui n'ont rien à voir avec l'histoire familiale et sont l'occasion de décocher des flèches empoisonnées à ses inimitiés confrériales, comme celle qu'il voue tout particulièrement à Christine Angot. Souvent les anecdotes dont il rebat les oreilles de Bernard et de sa belle-soeur Martine deviennent un simple prétexte pour évoquer ses rancoeurs, ses déceptions littéraires d'auteur de "seconde zone" c'est en tout cas ce qu'il laisse entendre avec un mélange de lucidité, de bonne foi calculée et d'auto-dérision. Difficile de faire la part des choses. Quid alors du canapé-lit et du voyage familial ?
J'avoue que j'ai donc été heureuse d'arriver à Lussaud avec le débarquement du "canapé-lit de mémé" qui va se révéler, dans une scène finale, à se tenir les côtes, comme un objet du Diable et se transformer en Robocoop destructeur, accumulant les ravages autour de lui !
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Les Jourde Brothers (Pierre et Bernard, ce dernier accompagné de sa femme Martine) sont chargés par leur mère de transporter un canapé-lit en velours olive décoré de fleurettes, héritage de la grand-mère, de Créteil à la maison d'Auvergne. Pierre est le plus bavard, les anecdotes se succèdent alors que les villes défilent. On passe allègrement du coq à l'âne dans un joyeux brassage mi-littéraire, mi-dialogue de café de la gare, même le lecteur est pris à partie et répond aux injonctions de l'auteur : « - Non, lecteur, ne t'en va pas, ça me fait de la peine. Excuse-moi si je me suis montré brutal. Écoute-moi encore un peu...
- Non non, ça suffit, j'ai un Le Clézio à finir. »

Il est précisé d'emblée que toutes les histoires racontées « se sont réellement produites dans la vie de l'auteur ou de ses proches, y compris le transport en camionnette d'un canapé-lit un week-end de pâques, depuis Créteil jusqu'en Auvergne. » Pierre Jourde est un conteur prolixe capable de tenir son auditoire, au moins le lecteur car son frère Bernard et Martine aimeraient bien qu'il se taise un peu. Il nous emmène loin, racontant des voyages épiques « ... au Népal, au Pérou ou dans d'autres régions plus ou moins sauvages et mal localisées, où ils ne connaissaient même pas la blanquette de veau. » Tout cela en expliquant une vie familiale compliquée, les outrances et traits d'humour masquant en partie seulement les souffrances enfouies.

J'avais bien lu en quatrième de couverture la citation de Bernard Pivot affirmant que Pierre Jourde l'avait fait hoqueter de rire. Cela n'avait pas trop retenu mon attention. Et pourtant ! J'ai dû plusieurs fois cesser ma lecture, ne distinguant plus le texte à travers les larmes d'un fou rire nerveux impossible à contrôler !!! Je ne me souviens pas avoir éprouvé un phénomène d'une telle ampleur. Lors d'un spectacle de stand-up, d'un film, oui... Mais à la lecture, cela me semble plus rare ?

La tasse de thé de la honte est un des chapitres les plus hilarants. Pierre Jourde est convié à recevoir le Prix de la critique de l'Académie française. Joueur de mots, il s'amuse à partir de l'âge vénérable des académiciens, lors de l'entrée en grande pompe par le haut des gradins.

La performance de Pierre Jourde consiste à savoir relancer constamment le récit d'une sorte de road movie, support à une biographie familiale, sur quelques centaines de kilomètres seulement entre Paris et la maison du Cantal, au rythme des feux et des croisements. Plus on s'approche du but et plus sa plume s'envole. Après ce chapitre délirant consacré à l'Académie, on a droit à une belle confrontation avec Christine Angot qu'elle a dû apprécier modérément.

L'auteur fait oeuvre d'humoriste inspiré mais pas seulement, il y a de nombreux passages soulignant sa philosophie pragmatique et humaniste profondément attachée à la liberté de pensée, notamment quand il décortique la censure de la presse et de l'édition, toute en douceur et non-dits... Un excellent passage dont je ne peux ici dévoiler toute la profondeur d'analyse. Une raison de plus pour lire ce petit livre si réjouissant, un bijou d'écriture dont j'ai aimé l'épigraphe, une citation de Diderot tirée de Jacques le fataliste : « Mais pour Dieu, l'auteur, me dites-vous, où allaient-ils ?... Mais pour Dieu, lecteur, vous répondrai-je, est-ce qu'on sait où l'on va ? Et vous, où allez-vous ? »

Né en 1955, Pierre Jourde est un universitaire et critique, auteur de nombreux romans, essais littéraires, ouvrages satiriques, pamphlets, poèmes, ouvrages collectifs... Il a, entre autres, écrit le Maréchal absolu (Gallimard), La Littérature sans estomac (L'esprit des péninsules) ou encore C'est la culture qu'on assassine (Balland) en 2011. Une oeuvre plutôt multiforme, inventive, joyeuse, iconoclaste comme j'aime, dont cette première lecture m'ouvre les portes.

Et vous, avez-vous des livres qui vous ont entraînés soudainement vers des fous rires inextinguibles ?
*****
Chronique avec illustration sur Bibliofeel (photo du jumper en Auvergne, composition personnelle à partir de la couverture du folio...)

Lien : https://clesbibliofeel.blog
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Tout d'abord, je remercie les équipes des éditions Gallimard pour m'avoir permis de découvrir ce roman. Malheureusement, celui-ci ne m'a pas emporté. Non ! Je l'ai abandonné … Lâchement ! Ce n'est pas du tout ce à quoi je m'attendais. Totale déception !
Pourquoi ? Tout d'abord, à cause du style d'écriture. C'est lent, totalement sans rythme, décousu … ennuyant ! Ce devait être un roman plein d'humour. Pourtant, jamais je n'ai souri. C'était lourd et indigeste !
Ce qui m'intéressait, ici, c'était l'ambiance qui entoure les décès. Les souvenirs que l'on ressasse avec tendresse et mélancolie. Même quand il s'agit de vilénies. Je voulais découvrir les péripéties de la grand-mère dans cet horrible canapé. Tout ce que j'ai appris, c'est la vie de son narcissique petit-fils complètement « nombriliste ». Petit-fils qui a une personnalité capable de faire fuir la personne la plus sociable au monde tant il est antipathique. Bref, j'ai été incapable de m'attacher au moindre personnage, à la moindre situation … aux moindres mots.
Ce roman fait parti de ceux que je juge « publié par connaissances ». Je ne vois pas, sans cela, comment un tel roman pourrait se faire éditer tant il est sans intérêt ! Pourtant, de merveilleuses petites pépites luttent encore pour se faire publier par des maisons d'édition … Quel dommage !
En résumé, si vous recherchez une histoire pleine de tendresse, de délicatesse, d'amour, de tristesse et de mélancolie, passez votre chemin. Ce roman ne sera pas fait pour vous ! Et si vous vous dîtes, qu'au moins, il vaut la peine d'être lu pour savoir ce que devient ce fameux canapé-lit … et bien, vous serez également déçu. le « twist » de fin le concernant est juste … inutile. Moi qui n'ai vu aucune trace d'humour dans cet écrit, je reste étonnée par tous ces avis plus qu'élogieux à son sujet.
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Impression d'une lecture en cours.
Pierre Jourde semblait ne pas être dupe des vaches sacrées du temps, faux écrivains, "écritures" frelatées, terrorisme esthétique libéral et politiquement correct. Dans cet ouvrage, cependant, on le voit prosterné devant une de ces vaches de notre temps, qui n'en manque pas : l'Humour. Mais comment critiquer l'Humour sans avoir l'air d'un pète-sec, d'un père la vertu, d'un inquisiteur ? On ne le peut pas, puisque l'Humour est conçu pour être soustrait à toute critique et discussion. On ne peut discuter avec un Humoriste, pas même dialoguer, puisqu'il fait croire qu'il ne pense pas ce qu'il dit (mais il le dit et ça fait son effet). L'Humoriste, en régime idéologique, dira tout ce qu'il faut penser, mais sur le mode rebelle de la dérision. Il se moquera de Donald Trump, et son insolence va lui coûter cher...

Mais passons de France-Inter à France-Culture, de la rebellitude des petits bourgeois à celle des bobos qui lisent. L'écrivain humoriste se regarde écrire, se cite et cite les autres, "dévoile" les ressorts de "l'écriture" au lecteur à qui il ne s'adresse jamais que rituellement. Il se regarde écrire, le dit, s'en moque, fait mine de se moquer de lui-même, sans voir que l'image qu'il donne de lui est celle d'un artiste en position de défense inattaquable, puisqu'il n'est pas dans ce qu'il fait, ne s'engage pas dans ce qu'il écrit. Toute critique ou objection que vous pourriez formuler, il fait mine de l'avoir conçue avant vous. D'ailleurs, comme dirait Blanchot, il n'est même pas là. Il n'a rien à vous dire puisqu'il ne s'adresse même pas à vous. Le lecteur, devant ce numéro, se trouve exactement dans la même position que le spectateur voyant des Humoristes morts de rire à cause d'une blague qu'il n'a pas entendue, sur un plateau de télévision.

Un grand modèle est cité dans l'ouvrage, celui de Jacques le Fataliste. C'est une méditation de Diderot sur le roman à l'intérieur du roman, aux origines de la modernité. Mais au XVIII°s, l'entreprise apparaissait comme un incompréhensible météore dans une tradition littéraire indiscutée. Aujourd'hui, en plein chantier perpétuel de "déconstruction" libérale de tout (pour ne pas dire de destruction, mot brutal qui dit trop la vérité de ce qui a lieu), "déconstruction" sur ordre des élites de gauche, venue d'en haut, que peut donc signifier cet ouvrage de Pierre Jourde, sinon le conformisme le plus "insoumis" ?

Je vais continuer cette lecture.

Page 90 : j'arrête. Tant pis. On trouve ceci dans Le Gai Savoir : "J'habite ma propre maison, et je me ris de tout maître qui ne sait rire de lui-même." Notre temps à ressentiment n'a retenu que ce faux rire de soi, et oublié la première partie de la phrase. Pierre Jourde n'a pas de maison à lui.
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critiques presse (4)
Lexpress
08 mars 2019
Caustique, tendre, surprenant parfois, tout y passe lors de ce voyage joliment fantaisiste.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeMonde
05 février 2019
Dans son nouveau livre, l’écrivain emprunte les chemins de traverse pour évoquer, sur le mode picaresque, ce qu’il doit aux siens.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Bibliobs
13 janvier 2019
A la faveur d'un voyage de Créteil à Lussaud, l'écrivain décrit ses rêves, déroule ses souvenirs, réveille ses morts et travaille ses zygomatiques.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeFigaro
10 janvier 2019
En roulant vers son «Auvergne céleste», avec une gaucherie brusque qui n'est pas dénuée de grâce, le romancier se livre à une longue confession générale.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (37) Voir plus Ajouter une citation
Tout à coup, les gardes républicains se mettent à rouler le tambour. Entrée en grande pompe, par le haut des gradins, de l'Académie française.
Un frisson me parcourt.
C'est l'entrée des morts-vivants. [...]
Le spectacle est affreux. Georges Romero n'aurait pas fait plus effrayant et plus désolant. Les grands médecins, les avocats célèbres, les écrivains glorieux titubent, se risquent à tout petits pas jusqu'au bord des marches, comme s'ils parcouraient, non pas en habit chamarré mais en haillons déchiquetés, les rues boueuses d'un village désert du Tennesse.
Et commence la descente. Là c'est une autre image qui s'impose. La vingtaine de marches leur prend autant de temps que s'il s'agissait de la face nord des Grandes Jorasses. Il s'agrippent à la rambarde, se tiennent les uns les autres, crochètent désespérément tout ce qui passe à portée de leurs mains tavelées et noyées de rides, tout branlants, tout tremblotants, on se dit que si l'un fait un faux pas, c'est tout la cordée qui va basculer dans le vide.
La salle frémit, retient son souffle. Vont-ils arriver entiers ? Qui va y laisser son col du fémur ? Faudra-t-il récupérer derrière eux un dentier, des ongles un oeil de verre . Prévoit-on d'éponger discrètement les traces d'urine.
[...]
Et les tambours roulent durant tout le temps que dure la représentation comme pour dramatiser le numéro accompli par une bande de vieux clowns arthritiques qu'on aurait invité se produire par compassion, dans un spectacle de charité.
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Les académiciens ne sont pas encore arrivés.(...)
Tout à coup, les gardes républicains se mettent à rouler le tambour. Entrée en grande pompe, par le haut des gradins, de l'Académie française.
Un frisson me parcourt.
C'est l'entrée des morts-vivants.
C'est donc ça, me dis-je, le sens de l'adjectif « immortel » pour désigner les académiciens : la zombification des écrivains.
Le spectacle est affreux. George Romero n'aurait pas fait plus effrayant et plus désolant. Les grands médecins, les avocats célèbres, les écrivains glorieux titubent, se risquent à tout petits pas jusqu'au bord des marches, comme s'ils parcouraient, non pas en habit chamarré, mais en haillons déchiquetés, les rues boueuses d'un village désert du Tennessee.
Et commence la descente. Là, c'est une autre image qui s'impose. La vingtaine de marches prend autant de temps que s'il s'agissait de la face nord des Grandes Jorasses. Ils s'agrippent à la rambarde, se tiennent les uns aux autres, crochètent désespérément tout ce qui passe à portée de leurs mains tavelées et noyées de rides, tout branlants, tout tremblotants, on se dit que si l'un fait un faix pas, c'est la cordée qui va basculer dans le vide.
La salle retient son souffle, frémit comme à une projection de "Vertical Limit" au Grand Rex. Vont-ils arriver entiers ? Qui va y laisser son col du fémur ? Faudra-t-il récupérer derrière eux un dentier, des ongles, un œil de verre ? Prévoit-on d'éponger discrètement des traces d'urine ? De là-haut, on a vue sur des calvities intégrales ocellées de taches brunes, ou des portions de crânes sur lesquels poussent des touffes de cheveux grisâtres et secs semblables à des colonies de lichens. Et les tambours roulent durant tout le temps que dure la représentation, comme pour dramatiser le numéro accompli par une bande de vieux clowns arthritiques qu'on aurait invités à se produire, par compassion, dans un spectacle de charité.
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De même, si on s'avise de sortir son trousseau de clés au moment où l'ascenseur va arriver sur le palier, et si le trousseau nous échappe des mains, il n'y a rigoureusement aucune chance pour qu'il tombe sur le plancher de l'ascenseur. Les clés ont bien calculé leur coup, elles savent ce qu'il faut faire, et tac, elles se glissent directement dans l'interstice entre la plate-forme de l'ascenseur et la porte palière, elles chutent d'étage en étage, et atterrissent au fond de la fosse. Pour récupérer les clés, il faudra s'adresser au concierge, mais il est quatorze heures et la loge ne rouvre pas avant dix-huit heures. A dix-huit heures, le concierge écoute votre histoire de l'air de celui qui vous prend ostensiblement pour un maladroit, un con et un emmerdeur. Il appelle de mauvaise grâce la société d'entretien de l'ascenseur, laquelle n'a personne de disponible, il est vendredi, ils passeront le lundi à une heure indéterminée, ça tombe bien, lundi vous êtes pris toute la journée, il faudra qu'ils remettent les clés au concierge. Au fond de la fosse, les clés ricanent, vous pouvez presque percevoir leur petit rire grelottant.
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Les journalistes sont très sourcilleux pour défendre leur liberté d'expression, avec de grands mots et des idéaux bien sonores, mais lorsqu'on les critique, c'est-à-dire qu'on use contre eux de la liberté d'expression, ce n'est plus de la liberté d'expression, c'est du populisme, du lépenisme, et ils se débrouilleront pour l'étouffer tant qu'ils pourront, la liberté d'expression, tous les moyens seront bons, à condition qu'ils soient discrets. Donc, pour quelques phrases ironiques, ils y vont, à tour de bras : menaces, insultes, annulations, diffamation, interdictions, suppressions d'articles, censure. Tantôt c'est fait directement, tantôt c'est la trouille des conséquences qui pousse les directeurs de revues, les animateurs d'émissions, les journalistes libres et indépendants à prendre les devants. Je découvre, ahuri, que la France a quelque chose de l'Union soviétique, en plus malin : ça ne se voie pas.
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Et commence la descente. Là c’est une autre image qui s’impose. La vingtaine de marches leur prend autant de temps que s’il s’agissait de la face nord des Grandes Jorasses. Ils s’agrippent à la rambarde, se tiennent les uns aux autres, crochètent désespérément tout ce qui passe à portée de leurs mains tavelées et noyées de rides, tout branlants, tout tremblotants, on se dit que si l’un fait un faux pas, c’est la cordée qui va basculer dans le vide.
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Vidéo de Pierre Jourde
Une version scénique et inédite de « Bookmakers », par Richard Gaitet, Samuel Hirsch & Charlie Marcelet
Avec Télérama et Longueur d'ondes
En dialoguant avec 16 auteurs contemporains qui livrent les secrets de leur ecriture, decrivent la naissance de leur vocation, leurs influences majeures et leurs rituels, Richard Gaitet deconstruit le mythe de l'inspiration et offre un show litteraire et musical.
Avec les voix de Bruno Bayon, Alain Damasio, Chloe Delaume, Marie Desplechin, Sophie Divry, Tristan Garcia, Philippe Jaenada, Pierre Jourde, Dany Laferriere, Lola Lafon, Herve le Tellier, Nicolas Mathieu, Sylvain Prudhomme, Lydie Salvayre, Delphine de Vigan et Alice Zeniter.
En partenariat avec Télérama et le Festival « Longueur d'ondes »
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