Non-retour

Voici un très court roman de science-fiction écrit en 1989 peu de temps avant la chute du mur par un auteur soviétique Alexandre Kabakov. On y suivra un voyageur temporel (un "extrapolateur") parti dans un futur proche, en 1993 pour connaitre les effets de la perestroïka.

On y découvre une vision de l'avenir très pessimiste : le pays victime d'un coup d'état en 92 est sens dessus dessous, entre guerre civile et anarchie la plus complète, plus personne ne sort dans la rue sans kalachnikov... Au fil des pages on croise des anciens combattants de l'Afghanistan, des nationalistes persans, des jeunes stalinistes, des bandes surarmées et rivales qui se livrent à des guerres absurdes pour récupérer les miettes d'une URSS agonisante. La viande est introuvable et même les montres ont disparues suite à une confiscation du précédent gouvernement (une petite trouvaille de l'auteur qui oblige alors son personnage principal à écouter régulièrement la radio pour savoir l'heure). Les pérégrinations du narrateur dans ce Moscou cauchemardesque sont entrecoupées de discussions "dans le passé" entre le narrateur et deux agents de l'administration Serguei Ivanovitch et Igor Vassiliévitch. Celles-ci se révèlent assez drôles et souvent surréalistes. C'est un point réussi.

Pour le reste je suis un peu plus sceptique : j'ai l'impression que le roman est écartelé entre différents genres : politique-fiction, humour absurde, satyre sans vraiment jouer une carte à fond... On est finalement loin de la SF pur jus, pas sûr que les amateurs du genre soient comblés (d'ailleurs le processus de voyage dans le temps n'est jamais vraiment évoqué). Pour cette même raison on ne ressent pas les enjeux et on l'humour, on sourit à certains passages (notamment les dialogues évoqués plus haut) tandis que d'autres nous sont bien trop réalistes (Et nous évoquent facilement ce qui se produira quelques années plus tard dans les Balkans et à un moindre niveau en Russie). de ce fait, j'ai l'impression d'un roman qui se veut sur tous les créneaux à la fois mais ne réussit pas à trouver sa place. Autre défaut, davantage pardonnable et lié à son sujet même, le livre parait sensiblement daté.

Je ressors du roman avec un sentiment mitigé. C'est pour moi une jolie curiosité facile à lire mais on est loin du chef d'oeuvre inoubliable.