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Pourquoi Kafka a publie ces petits recits, ces fragments, alors qu'iI enjoint son ami Max Brod d'en bruler d'autres, tous les autres, certains plus aboutis, plus notables? Pourquoi ceux-ci? Incomprehensible pour ma petite cervelle. Je ferai donc l'impasse sur ceux que je n'ai pas aime, ou pas compris, c'est mon droit, que la plus efficace des bureaucracies vilipendiees par Kafka ne pourra m'aliener.


C'est que la bureacratie “a l'autrichienne" s'est infiltree partout dans ces nouvelles. Une bureaucratie tenace et mesquine, immuable, inalterable justement parce que fermee, cachetee, que tous acceptent comme une loi de la nature bien qu'incomprise par ceux qui la subissent comme par ceux qui l'appliquent. Dans “Devant la loi", ni le gardien qui empeche le visiteur d'entrer ni ce dernier ne sauront jamais le pourquoi de cette interdiction. Dans “Un message imperial" le message doit partir bien qu'il soit clair qu'il ne pourra jamais arriver a son destinataire, qui attend patiemment, assis a sa fenetre, sans se revolter, parce qu'on doit attendre les messages emis en haut lieu, meme quand on ne saura jamais leur teneur. Les voies du Seigneur sont impenetrables mais ses directives restent inviolables. Meme dans la celebre et horripilante nouvelle “A la colonie penitentiaire" j'ai cru deceler une attaque a la bureaucratie. Il y est question d'une sentence de mort sans jugement et d'une mise a mort par un appareil qui n'est qu'un instrument de torture raffine. Un instrument qui ecrit le delit dans le corps du supplicie, qui grave des mots, avec des aiguilles programmees, dans sa chair jusqu'a le vider de tout son sang. J'y ai vu l'ultime usage de la machine a ecrire, cet instrument moderne qui propage a tout vent les ordres d'une bureaucratie inhumaine.


Toutes les nouvelles sont parsemees d'absurde. Ayant comme tout un chacun deja entendu parler de Kafka, je m'y attendais. Mais cet absurde sert aussi a denoncer une societe voyeuriste, qui se complait a des spectacles de cirque qui deviennent de plus en plus barbares, sadiques, comme dans “Un artiste de la faim" (nul besoin d'ajouter des explications a ce titre); qui admire, en foule suiveuse, quelque chose qui se targue d'etre de l'art mais qui n'en est au mieux que le leurre, au pire que l'imposture, comme dans “Josephine la cantatrice ou le peuple des souris".


J'ai percu aussi beaucoup d'ironie dans certains recits. Dans le premier de ce recueil, “Les aeroplanes a Brescia", Kafka fait semblant de railler les moeurs et le laisser aller des italiens, quant en fait c'est l'autosuffisance et la morgue germaniques qu'il brocarde.
Ironiques aussi des textes ou il m'a semble qu'il met en scene ses congeneres, les juifs, peut-etre parce qu'il les a publies dans la revue de Martin Buber, der Jude. Dans “Chacals et arabes", est-ce que les chacals sont les juifs qui viennent de plus en plus hanter le desert? Et dans “Communication a une academie", le singe qui s'humanise, n'est-ce pas le juif qui essaie de s'assimiler, par mimetisme, a la societe chretienne environnante?


Je vais clore ce billet avec le texte que j'ai le plus aime, “A cheval sur le seau a charbon", un texte poignant, que Sylvie Germain saluait en le citant dans “La pleurante des rues de Prague". Un pauvre here demande un peu de charbon, qu'on lui refuse, le condamnant surement ainsi a mourir de froid. “Tout le charbon est fini, le seau est vide; la pelle ne sert plus a rien; la piece est gonflee par le gel; devant la fenetre, des arbres raidis par le givre; le ciel, un bouclier d'argent, face a celui qui lui reclame de l'aide. Il me faut du charbon, je ne peux pourtant pas mourir de froid; derriere moi, le poele impitoyable, devant moi le ciel, qui ne l'est pas moins”. Son seau vide entre les jambes, comme dans un tableau de Chagall, il s'envole vers les nuages, vers les cieux. Kafka aura presque reussi a me soutirer une larme. Absurde, n'est-ce pas?
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Comment la faim se convertit-elle en énergie vitale, en pulsion de vie et/ou de mort et comment se met-elle au service de l'art, tel que l'entend Antonin Artaud ?
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Tout d'abord, une petite précision: "Un artiste de la faim" et "A la colonie pénitentiaire" sont deux récits séparés.

Car plutôt que des nouvelles, ces textes méritent le terme de récits. On a l'impression d'assister à des reportages, des interviews, sur des sujets très divers: un meeting aérien à Brescia, un père qui dresse le portrait de ses onze enfants, un médecin de campagne appelé au chevet d'un jeune garçon, ou encore un singe éduqué dans la société humaine.

Et pourtant, ces récits ont une certaine unité: outre leur style littéraire détaché, genre observations ethnographiques, leur point commun est de décrire l'absurdité du monde. Une absurdité que Kafka ne juge pas. Comme l'explique la préface intelligente de Claude David, on a beaucoup attribué d'interprétations - parfois tirées par les cheveux - aux textes de Kafka, alors qu'il suffit de les lire au premier degré: derrière cette apparence de désordre, d'incohérence, notre monde procède-t'il d'un sens caché?

Il est vrai qu'il est facile de projeter ses propres sentiments sur ces récits, de les interpréter à sa guise. de ce point de vue, ma préférence va incontestablement à la cantatrice Joséphine. Un "personnage" qui se croit une diva, et qui revendique les privilèges associés. Pas pu m'empêcher de songer à certaines "vedettes" des arts, des médias, des réseaux sociaux, ou de la politique.... Une lecture jouissive et qui en même temps donne à réfléchir sur le comportement des gens ordinaires. Rien que pour cette histoire, j'ai adoré ce petit bouquin!
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On retrouve dans tous ces récits le style particulier de Kafka.
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Il s'agit d'un livre compilant les textes publiés du vivant de l'auteur dans des revues ou des journaux, souvent très courts et quelques fois d'une taille plus conséquente.

Les plus appréciables sont ceux qui firent rétrospectivement beaucoup pour la notoriété de Kafka comme « A la colonie pénitentiaire » ou « Un artiste de la faim » en passant par « Joséphine la cantatrice ou le peuple des souris », le tout étant assez inégal.
En effet, il alterne le témoignage journalistique écrit seul ou avec Max Brod à des textes au sujet plus étrange (ou est-ce le traitement infligés à ceux-ci qui leur donne cet aspect).

A noter que la nouvelle titrée « Communication à une Académie » fait fortement penser à « La planète des singes », à la différence que ce n'est pas un homme capturé par les singes mais l'inverse.

C'est un livre qui vaut son acquisition juste pour les nouvelles déjà citées ainsi que pour « Devant la loi », la parabole qui est le seul fragment paru séparément de son célèbre roman posthume : « Le procès ».
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Un recueil de textes de longueur variable, hétéroclites, allant du fragment de voyage écrit à deux mains jusqu'à la petite nouvelle. Tous les récits n'ont pas suscité mon intérêt. J'ai apprécié particulièrement « À la colonie pénitentiaire », « Le médecin de campagne », « Chacals et Arabes » et « Un artiste de la faim » ; le premier de ces quatre vaut peut-être la lecture de ce recueil, notamment si on aime les univers kafkaïens.
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Recueil de nouvelles magistral. Prenez-en de la graine.
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