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3,76

sur 63 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Entre-Deux.

1990, Colombo. La guerre civile au Sri Lanka fait rage. Maali Almeida, photographe de guerre, se réveille dans un endroit inconnu. Une administration. Mais pas n'importe laquelle, celle qui gère les défunts. Maali doit se rendre à l'évidence, il est mort. Mais un mystère subsiste. Qui l'a tué et comment ? Une employée l'informe qu'il dispose de sept jours, sept lunes, pour essayer de résoudre cette énigme. Maali a également un autre objectif : montrer ses photos au monde pour mettre fin à la guerre.

Le monde des morts n'est qu'un reflet du monde des vivants. La haine, la rancoeur sont bien présentes. Les esprits et les démons influent les vivants dans le seul but d'accomplir leur vengeance. Pourquoi aller dans un hypothétique Au-delà ? Prendre sa revanche sur les mortels est bien plus satisfaisant.

Maali a sept jours, sept minuscules jours pour essayer d'agir. Les souvenirs de sa vie affluent. C'est le temps des regrets, du désespoir. Maali s'inquiète pour son petit ami, pourtant il n'hésitait pas à le tromper avec d'autres hommes. Idem pour sa colocataire, pourtant il la traitait mal. Maali prétend agir pour le bien commun en montrant ses photographies, pourtant il n'est jamais venu en aide aux victimes qu'il photographiait. Durant ces sept jours, l'homme arrogant devient progressivement un être désespéré.

L'auteur n'épargne personne. Les membres du gouvernement, les milices, l'ONU et les différentes ONG présentes, nul n'agit pour le bien commun, seul les intérêts personnels prédominent. La moindre parcelle d'influence, de pouvoir suscite les convoitises.

Malgré toute cette noirceur, le lecteur rit souvent, mais c'est un rire jaune, de désespoir. Ce roman n'est au final qu'un immense charnier. Les cadavres débordent des pages, l'odeur de putréfaction prend à la gorge. le lecteur est malgré lui un acteur, un témoin impuissant du désastre par l'utilisation de la deuxième personne du singulier par la narration.

Bref, ce roman est magistral.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices ELLE 2024
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Mon premier « polar » sri lankais, encore que l'enfermer dans ce genre serait trop restrictif, car c'est un bijou humaniste et un récit qui mêle le fantastique le plus débridé à l'histoire et à l'actualité d'un pays qui a subi et subit encore des atrocités, et que n'est guère connu que par son thé (de Ceylan) et une lointaine guerre avec une grosse minorité tamoule.
L'auteur cueille le lecteur à froid en envoyant son narrateur décédé dans une zone grise, une sorte d'Entre-Deux Mondes très administratif où les néo trépassés n'ont généralement aucune réponse quant à leur présence ici. C'est le cas de Maali Almeida, un photographe qui a le chic pour se trouver au bon endroit au bon moment pour saisir les photos de conflits, de lynchage ou de massacres (le récit se déroule en 1990). Il retrouvera d'ailleurs dans cette étrange et bordélique salle d'attente pour l'au-delà certains infortunés qu'il a immortalisé avec son Nikon, ce qui lui vaudra quelques invectives.
Maali apprend qu'il a sept jours et sept lunes pour découvrir comment il est passé d'homosexuel hédoniste et joueur invétéré à celui de cadavre démembré plongé dans le lac Beira, en plein coeur de Colombo. L'endroit idéal où les « nettoyeur » débarrassent la capitale des corps encombrants.
Porté par les vents, le défunt va essayer d'interagir sur les vivants qui l'ont côtoyé, dont son petit ami D.D., et Jaky, amoureuse transie. On va aussi approcher des personnages moins recommandables, des tortionnaires des forces spéciales aux Tamouls enrôleurs d'enfants soldats, tandis que dans les limbes des goules et démons se livrent d'autres guerres.
La façon d'aborder par petites touches le passé légendaire et historique du Sri Lanka est extraordinairement subtil, tout comme le sont les relations entre le trio Maali, D.D. et Jaky, et on découvre au fil des pages que le moindre détail a sa raison d'être pour former un puzzle étonnant.
Comment Maali est-il mort ? Qui l'a tué ? Et s'il s'était suicidé ? Peu importe finalement, puisque le principal sujet est le destin de cette île qui n'aura jamais été paradisiaque, sauf pour ceux qui l'ont pillée et exploitée.
L'auteur a remporté le Booker Prize britannique pour ce livre.
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Maali Almeida est photographe de guerre dans un Sri Lanka en pleine guerre civile. Au milieu de plusieurs cadavres, le sien, mais impossible pour le fantôme qu'il est devenu de se rappeler qui est son meurtrier.

Guidée par l'intrigue de la mort du protagoniste, l'auteur nous emmène au coeur d'un pays en proie à une guerre civile sanglante où personne n'est à l'abris du chaos. Cette lecture est une superbe découverte. Malgré l'exigence de la lecture, je n'ai pas décroché un seul instant. Tout en abordant des sujets très dur, l'auteur arrive à faire émerger des notes d'humour, de poésie évitant de rendre la lecture plombante.

Bref, ce roman est intelligent, moderne et d'une très grande justesse mais, étant assez compliqué à lire, je ne le conseillerais pas à tout le monde.
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Dans "Les Sept Lunes de Maali Almeida", Shehan Karunatilaka nous transporte durant la première période de la guerre civile sri-lankaise , en 1990, à Colombo à travers l'histoire de Maali, un photographe de guerre.
Maali vient de se réveiller dans l'Au-Delà sans savoir ce qui lui a conduit à s'y retrouver, mort.
Il a l'occasion, durant sept lunes, à aller dans l'Ici-Bas, pour découvrir ce qui l'a tué. Dans ce monde où il a vécu, il découvrira que nombreuses sont les âmes qui errent et certains depuis bien longtemps. Sept lunes est un délai très juste pour Maali pour découvrir ce qu'il s'est passé durant cette nuit où il a perdu la vie où il a aucun souvenir mais le photographe aimerait que ses proches diffusent les photos interdites qu'il a caché dans une boîte à chaussures et qui ont le pouvoir de faire grand bruit. Mais Maali découvrira que le monde horrible qu'il pensait connaître, l'ai bien plus en réalité et que les crimes de la guerre civile n'ont aucune limite, où tous sont responsables.
Par ce roman, Shehan Karunatilaka signe un roman puissant, un véritable tremblement de terre qui permet de découvrir la véritable face d'une guerre civile. "Les Sept Lunes de Maali Almeida" est une satire extrêmement sombre, où une page de l'histoire sri-lankaise est contée sans filtre, dans l'horreur la plus absolue. C'est le grand roman de la rentrée littéraire 2024 qu'il faut avoir lu, un roman magistral, qui a vraiment mérité le Booker Price et qui mérite bien d'autres prix.
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Ce Booker Prize est une surprise : l'auteur, le Sri lankais Shehan Karunatilaka, avait publié en Asie en 2010 Chinaman, un premier roman récompensé par le prix du Commonwealth, puis en 2020, en Inde, Chats with the Dead. C'est à la faveur de la pandémie qu'il l'a réécrit pour un public plus large et édité à Londres dans une petite maison, Sort of Books. Et soudain est venue la consécration avec le Man Booker Prize en octobre 2022.
Dans ce roman extrêmement dépaysant, situé au Sri Lanka en 1989, nous entrons dès la première page dans un purgatoire des âmes en peine, un Entre-deux après la vie Ici-Bas et avant l'anéantissement bienheureux dans la Lumière bouddhiste : dans une ambiance de hall d'aéroport bondé de morts récemment tués ou torturés, en quête de leur future destination dans l'au-delà, le héros, Maali Almeida, fantôme d'un photographe de guerre, dont toutes les actions seront narrées à la seconde personne du singulier, a une semaine (sept lunes) pour trouver qui l'a tué et pourquoi.
Mais qui a causé sa mort et toutes ces victimes ? La guerre civile, l'insurrection des Tigres Tamouls, sauvagement réprimée par le gouvernement, son armée, ses forces spéciales, ses escadrons de la mort, ou bien les Tigres, divisés en factions rivales et concurrencés par le Front de libération marxiste, ou alors les soi-disant Forces de Paix Indiennes qui raseront des villages entiers pour écraser toute révolte, sont la toile de fond de cette enquête policière post-mortem, car Maali a pris des photos, compromettantes pour leurs auteurs, de toutes les atrocités et de tous les massacres, avec des visages identifiables de responsables militaires ou politiques.
Mais Maali est un personnage complexe, joueur invétéré et habitué de la roulette et des tables de poker d'un casino louche à l'Hôtel Leo, membre de la « bulle » privilégiée de Colombo, hippie, homosexuel non déclaré, très infidèle à son partenaire, le jeune et beau Dilan Dharmendra, fils d'un politicien Tamoul, et bien sûr à sa « meilleure amie » Jaki, présentatrice de télévision, deux compagnons de sa vie avec qui il forme un triangle amoureux très uni, malgré ses rapports platoniques avec Jaki.
Les sympathisants des Tigres tamouls, comme le gouvernement et ses sbires sont sur la piste des précieux négatifs de ces photos, planqués par Maali dans une cache secrète connue de lui seul. Comment la révéler à ses amis pour faire éclater la vérité, et confondre les assassins, alors qu'il n'est plus qu'un fantôme impalpable, se déplaçant certes aussi vite que le vent, mais incapable de communiquer avec ceux qu'il aime et de chuchoter à leurs oreilles ? À moins de pactiser avec des forces obscures et d'être condamné à l'errance et au mal pour des « milliers de lunes » ?
Car la question du mal, essentielle dans une guerre civile où chaque partie rivalise en attentats, assassinats, enlèvements, tortures, exécutions sommaires, disparitions massives est centrale dans ce roman, par ailleurs riche en bons mots, caustique, drôle et satirique.
Cela amène l'auteur au détour d'une intrigue dont le rythme s'accélère pour devenir un thriller très réussi à partir de la 5ème lune (5ème chapitre), à poser incidemment et sur le ton de la dérision, des questions philosophiques : d'où vient le mal ? Des esprits malins, êtres obscurs, petits ou grands démons du panthéon hindou, comme le Mahakali, perchés sur les horreurs humaines ? des colonisateurs génocidaires et exploiteurs ? des instructeurs américains qui forment les bourreaux à la torture ? des trafiquant d'armes israéliens qui vendent indifféremment leur marchandise à tous les belligérants ? des Sri Lankais eux-mêmes ? “We have fucked it up. All by ourselves”, déclare le Mahakali : « Nous avons tout foiré. Par nous-mêmes. »
Et comment venger les victimes innocentes ? par la violence et les attentats, comme le pense Sena, fantôme d'un combattant marxiste ? par le témoignage des photos de Maali , susceptibles « d'arrêter les guerres et de faire tomber des gouvernements » ? Et Dieu peut-il exister dans ce monde de morts et de désastres ? Oui, répond Maali, car ni impuissant, ni indifférent, il est juste « incompétent » et mal organisé…
C'est sur ces boutades amères et caustiques que se clôt le roman : face au désordre du monde et à la quête de sens qui en résulte, ce qui nous reste, c'est juste « d'inventer des histoires, car nous avons peur du noir ». Car dans ce dialogue douloureux et souvent poignant des morts et des vivants, sous le poids immense des souffrances absurdes et cruelles portées par tous ces fantômes flottant invisibles dans le monde d'ici-bas, qui rendra justice aux disparus, si ce n'est l'écrivain ?

Un tour de force stylistique, une satire pleine d'autodérision, un thriller angoissant, bref un roman dérangeant et fascinant qui nous ouvre la porte de mondes et de mentalités inconnus.
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Les Sept lunes de Maali Almeida est une curiosité littéraire comme je les adore. J'ai eu l'impression d'être transportée dans un univers à la Terry Gilliam qui s'est offert un trip dans un Las Vegas Parano au Sri Lanka. le mélange des genres m'a ravie, on sent l'influence de la beat génération dans la narration et la structure, le récit est très dense, un peu à la manière de le Festin nu de William S. Burroughs (mais sans la drogue et avec beaucoup plus de clarté). 

Un univers fourmillant d'inventivité.
Ce roman, ultra politisé et terriblement drôle se lit comme un page turner tellement il est addictif. 

L'intrigue est simple en apparence, Maali A., photographe homosexuel s'est fait assassiné mais ne s'en souvient pas. Il se retrouve dans l'Entre-Deux, sorte de salle d'attente, où on lui assigne sept lunes pour découvrir la raison de son assassinat et entrer dans la Lumière au risque de se transformer en goules ou âme perdue. Il doit au fil du temps qui passe aider ses amis à retrouver les photographies très compromettantes qu'il a prises…Mais, on est loin d'être dans une intrigue si simple, ce roman fourmille d'histoires dans l'histoire, de mises en abîme entre la réalité, le souvenir, le passé et le présent, entre l'imaginaire et le mystique. Tout est symbolisme et réflexions profondes. Shehan Karunatilaka choisit le prisme du fantastique absurde, burlesque parfois pour nous enseigner l'histoire de son pays, l'horreur de la guerre civile, les conflits entre les Cinghalais et les Tamouls, les très nombreux attentats et sur de profondes réflexions philosophiques sur l'existence, les comportements humains et notre déterminisme. Par exemple, l'auteur, à travers le personnage de la femme en sari rose que Maali a pris en photographie en train de se faire trainer par les cheveux et bruler vive, s'interroge sur la permission de photographier les victimes de sévices, les horreurs de la guerre, la mort et donc à vendre au premier offrant des photographies qui illustrent les gens qui meurent dans des zones de guerre. 

J'ai adoré découvrir qu'il convoque de nombreuses victimes des émeutes de 1983, d'attentats qui continuent à rôder dans l'entre-deux nourries par le désir de vengeance, suicidé.es, les misérables, les morts, et nous instruise à travers un aperçu de la mythologie et du folklore sri-lankais et les ressors fantastiques qu'il mêle à la réalité. Tout est limpide grâce à une écriture brillamment maîtrisée qui alterne poésie et réalisme crue.

L'auteur dénonce. « Nous ne devons jamais oublier. Nous devons aider ceux qui ont été oubliés. Nous devons détruire les mensonges ». Et elle nous prouve que la littérature est une des plus belles preuves d'un engagement politique révolutionnaire pour rétablir la vérité et combattre l'oubli. 

**Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices ELLE - lauréat du mois de janvier dans la catégorie Roman
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Malinda dit Maali se réveille dans une immense salle d'attente. Il est mort.
Nous sommes en 1990 à Colombo. Maali ne se rappele plus de sa mort, il sait juste qu'il n'a pas fini d'accomplir sa mission. Photographe de guerre, son corps se trouve dans le lac Beira. Et il n'a qu'une semaine, sept lunes, avant de rejoindre la lumière. Maali ne veut pas suivre le chemin habituel qu'empruntent les personnes décédées. Maali veut se rappeler des circonstances de sa mort, et retrouver les photos qui pourront changer le cours de la guerre en les exposant.

Cette histoire ne ressemble à aucune autre. le pays d'abord. J'ai très peu lu sur le Sri Lanka, et même si ce n'est pas une totale découverte, plonger au coeur de ce pays et du conflit qui l'anime est très instructif. Entre la guerre et les différents "camps", les personnes impliquées, militaires, journalistes, membres du gouvernement, impossible de savoir qui joue dans quel camp, mais tout peut être prétexte à un enlèvement et ensuite à un meurtre pour faire disparaître tout ce qui peut être compromettant. le nombre de morts suite à cette guerre est effarant, le nombre de disparus, encore plus. Nous retrouvons ici des personnages aussi bien réels que fictifs.

Nous en apprenons également plus sur les croyances, puisque nous ne sommes pas juste dans le Sri Lanka des vivants mais aussi dans celui des morts. Nous suivons Maali dans l'après et faisons donc connaissance avec les croyances locales, les dieux et démons tant redoutés qui finissent par influer eux aussi sur l'histoire. Les situations ne sont pas toujours faciles, nous sommes dans le monde des morts, dans un pays en guerre. J'ai dû faire des pauses.

Mais il y a aussi un côté absurde dans cette histoire. Absurde dans le comportement des hommes, et dans celui des démons. Des situations qui semblent totalement "à l'ouest" par rapport à la dureté du sujet de la guerre. Mais pourtant j'ai trouvé que tout trouvait sa place dans ce livre. Maali n'est pas un personnage particulièrement attachant, et pourtant je l'ai suivi avec beaucoup d'intérêt. Son entourage est très particulier, sa façon de vivre aussi, surtout dans ce pays qui n'est pas prêt à l'accepter. J'ai été déroutée par l'emploi de la 2e personne du singulier. Ce "Tu" est vraiment déstabilisant, il nous implique malgré nous, j'ai fini par m'y faire.

Ce voyage a été très intéressant. Je vous le conseille si vous voulez voyager, ouvrir vos horizons, apprendre et résoudre une enquête. Ca fait déjà pas mal, alors, envie de voyager ?

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Sri Lanka in the 1980s. Maali Almeida is a photographer, or in fact, was a photographer. He is dead and in a place between the real world and the afterlife. He can freely travel in this place for seven moons, during which he will try to remember why he is dead and guide his still living friends to find a box of compromising photos he has taken during these years of civil war. Not only that, but he also looks from above at his last love, DD, a “beautiful man who likes handsome boys” like him. This story is beautifully built. It gives an account of the terrible events that happened in Sri Lanka but then adds this magical and mystical tale of life after death with a somewhat ironic analysis of Christianity, Hinduism and Buddhism. A pleasure to read.
Lien : https://redheadwithabrain.ch..
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