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3,67

sur 425 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"Leïla sait. Elle traverse cette étendue de vie comme une phalène, dépossédée de tout bribe à bribe, depuis le début, en un crescendo paresseux d'abord qui se grippe et s'emballe. “C'était comme si j'étais retournée de l'intérieur. Rien de personnel, même pas dans mes entrailles.” Elle sait ce que recouvrent les apparences. Elle sait ce que signifient les règles tacites. Elle n'est pas du bon côté du manche, elle ne se fait pas la moindre illusion. Sa seule liberté réside dans la quête de ce rêve blanc qui l'attire inexorablement. Et dans ce tissu d'hypocrites connivences, d'oppression sans paroles, seule la violence dénoue l'asphyxiante anomie qui la paralyse et lui fait éprouver l'impression de ne pas exister. “Je voulais me jeter contre le pare-brise, piquer et me soûler à mort contre le ciel impénétrable. Mais il était redevenu doux, alors que mon coeur voletait dans son nid sanglant”.
Autour d'elle, le silence, la foi, les conventions, l'hypocrisie, une inconcevable violence dans les rapports entre les gens. Personne n'envisage sa douleur, elle est comme “un chien dont on n'aurait pas remarqué qu'il était blessé avant de l'avoir pris sur ses genoux : ça n'est qu'ensuite qu'on voit le sang sous l'épais pelage”. Les faits dispersés se rassemblent comme des duvets, dessinant les contours flous d'un Etat où les églises rattachées à l'Identité Chrétienne et les mouvements Suprémacistes sont encore diffus, dans les années quatre-vingts, mais où s'ébauche déjà le règne de ce mouvement néo-Nazi qui est aujourd'hui le plus puissant des USA."
Les petits papiers de Lonnie (Extrait) in DM
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Comment écrire une chronique qui pourrait refléter un dixième de la puissance que dégage ce premier roman de Laura Kasischke? Ce livre, d'un hyperréalisme et d'une violence crue, se révèle être d'une force et d'une profondeur exceptionnelles.
A chaque page, le lecteur assiste, fasciné et dérouté, à la descente aux enfers de Leila. du haut de ses vingt-quatre ans, cette jeune femme a la dignité farouche et la noirceur dignes des héroïnes des meilleurs cinéastes américains. Rien ne lui aura été épargné depuis sa naissance : une mère trop jeune, assassinée sous ses yeux par un amant jaloux, un père trop discret, une maison froide et humide qui abrite les liaisons de Bonnie, la mère.
Bonnie... Leila n'en a que peu de souvenirs : déshabillés en soie et dentelle, chevelure épaisse, hauts talons en vernis noirs, crises d'hystérie avec son mari, rires langoureux et poses lascives avec son amant, corps nu déambulant dans la maison, corps nu ensanglanté sur le lit. Leila n'a que sept ans et elle n'aura jamais d'autres images de sa mère que celui d'un corps dénudé, aux jambes pâles, à la bouche ouverte d'où s'écoule une écume rosée. le goût métallique et l'odeur douçâtre du sang emplissant l'air de la chambre parentale feront désormais partie d'elle. Elle a pourtant voulu crier, mais aucun son n'est sorti de sa gorge. Personne n'était là pour la protéger, la consoler, lui cacher la vision atroce du corps ensanglanté de sa mère. Comme anesthésié, son corps ne lui obéit plus, ne lui appartient plus. le trauma est si fort, si ancré qu'aucune résilience ne lui sera possible.
Bien des années plus tard, au Swan Motel, Leila est réceptionniste. Son visage gracieux et sa silhouette fragile font d'elle un objet d'attention pour tous ces hommes seuls qui s'arrêtent pour la nuit. Naturellement, sans même en prendre conscience, Leila commence à se prostituer. Vendre son corps au même prix que la chambre allouée au client. Son corps, son esprit et son envie de vivre diminuent à la même vitesse que se remplit son portefeuille. Aucun rêve ne l'a jamais habitée, aucun désir ne l'a jamais fait vibrer. Alors, Leila cherche à réveiller son corps sous les caresses d'hommes de passage, parfois pervers, souvent violents, toujours dominateurs et irrespectueux. Mais à chaque fois son corps flotte, endormi, son esprit s'envole...
"Je pouvais voir ma propre image dans cette brume, au-dessus de la commode, se refléter dans un miroir qui avait la longueur et la largeur d'un cercueil - un cercueil argenté, garni de mercure et d'argent fin, une table en acier inoxydable dans une salle d'opération, ou bien dans une morgue, dressée contre un mur."
Alors, quand Gary débarque au Swan Motel et qu'il agit en protecteur, Leila commence à s'éveiller, à laisser son corps vibrer et son coeur battre. Mais la Suspicious River qui coule près du Motel charrie toujours ses eaux noires et les cygnes s'envolent pour migrer. Les ailes blanches disparues, reste-t-il une lueur d'espoir pour Leila?
A chaque page, je me suis enfoncée dans une implacable tristesse. Impuissante, j'assistais à l'accomplissement de la sombre destinée de Leila, jeune femme aux ailes aussi fragiles que celles d'un papillon. J'avais envie d'entrer dans ce roman, de faire partie des personnages pour déployer mes ailes et ainsi protéger Leila, vilain petit canard que la vie s'amuse à cabosser. Car Leila est une victime. Victime de ses parents négligents, victime de son traumatisme, victime de son incapacité de vivre, victime de la lubricité des hommes. Mais, Laura Kasischke va jusqu'au bout de la noirceur humaine. Méthodiquement et implacablement, elle veillera à parsemer le chemin de Leila d'âmes tourmentées, de coeurs vides, de poings serrés, de regards torves et de mots acérés. Aucune violence gratuite, aucune surenchère. Juste cette crudité transfigurée dans un univers rendu presque poétique grâce à Leila, gracile silhouette du Swan Motel à Suspicious River.
Véritable gifle, A Suspicious River est un roman magistral dont on ne sort pas indemne.
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Un chef d'oeuvre c'est la parfaite union, le parfait équilibre entre le fonds et la forme.

Le fonds : c'est l'histoire d'un gâchis. C'est une descente aux enfers plus ou moins volontaire d'une femme qui se considère déjà morte et qui sombre pour s'auto-punir de quelque chose qu'elle n'a pourtant pas fait. C'est une histoire d'amour tronquée et malsaine. C'est le thème du sacrifice par le corps. C'est le thème de la saloperie des hommes et leur lâcheté, l'absence d'amour maternel, l'aberration des mariages, l'acharnement du destin sur une petite fille qui devient adolescente puis femme, c'est l'Amérique froide. C'est enfin la crédibilité des scènes. Toutes. Les trouvailles de l'auteur qui nous catapultent dans l'histoire de son héroïne : la façon dont son oncle rend cocu son propre frère, la scène ou sa belle-mère et son mari lui annoncent la mort de son père, l'épisode de l'avortement et l'hystérie des manifestants anti IVG, les descriptions sans en avoir l'air des habitants de la ville, la façon dont elle est considérée comme une attraction en tant que victime d'un drame, la curiosité malsaine des autres y compris sa propre maîtresse d'école, la manière dont elle perd tout, son mari qui maigrit au fur et à mesure qu'elle s'enrichit et évidemment les scènes d'abandon d'elle-même de plus en plus violentes et quasi insoutenables dans des viols consentis, aboutissement d'un processus suicidaire latent depuis ses 7 ans. L'histoire, c'est-à-dire le fonds vous tient en haleine et vous crée un sentiment d'empathie douloureuse, et c'est pas peu dire.

La forme :
D'abord la poétique : Ce livre est gorgé d'une poésie mélancolique absolument sublime dans toutes les descriptions, aussi bien dans de ce qui se passe que quand il ne se passe rien, c'est-à-dire qu'elle réussit à décrire l'invisible, l'atmosphère de vide éblouissant et magnifique qui entoure l'héroïne . Et le thème de la lumière éblouissante y est omniprésent. Une lumière qui au lieu d'éclairer rend aveugle. Comme si le personnage avait contaminé l'écriture elle-même, qui à son tour pénètre le lecteur. celui-ci n'en ressort pas indemne. Il est brûlé à son tour.

La construction littéraire ensuite : La description du présent, en partant du point 0 qu'est l'hôtel et qui se poursuit jusqu'au bout, est entrecoupée par les scènes du passé qui à la fin du livre nous amène à comprendre comment l'héroïne est arrivée à ce point 0. A nous se dévoilent peu à peu à la fois les causes et les conséquences de tout ce que nous lisons et de façon parfaitement imbriquées. C'est tellement bien fait que la non linéarité classique ne nous gène pas, tant la linéarité à double entrée est fluide.
Enfin, son écriture : ce qui m'a frappé, c'est à quel point une écriture aussi détachée et neutre que celle-ci pouvait avoir une telle emprise sur le lecteur, par ce qu'elle suggère. En effet, l'auteur ne juge aucun de ses personnages. Elle raconte simplement, dévoile, suggère. Au lecteur de réagir et de juger seul. L'écriture est hors de toute subjectivité, même dans son omniscience artificiel.

La poétique ainsi que la construction nous tiennent donc de façon égale en haleine. La forme est au service du fonds et vice-versa. C'est du grand art et ça nous catapulte, nous secoue, nous percute, nous bouleverse. Tout ce qu'on demande à la littérature en somme. Cette femme n'est pas une romancière ni une vendeuse de livres. C'est une grande écrivaine qui restera et sera encore lue dans 100 ans.
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Quel destin! Quelle descente ! C'est un livre terrifiant, captivant. Même si dès le départ j'ai ressenti et pressenti le drame, connaissant l'univers rugueux et sans concession de Madame Kasischke, on ne peut échapper à cette dissection au scalpel rouillé. Dès sa plus tendre enfance Leila vit à côté d'elle même, insensible à la douleur, à l'abandon, refusant d'être aimée, ne sachant ce que c'est. Fille distante, épouse indifferente auprès de son mari qui se suicide à coup de régime, ventre vide suite à une faute impunie.... Elle se rend disponible, en dehors de son corps, naïvement.
C'est une enfant blessée, qu'on a envie de consoler, de choyer, bref d'aimer.
C'est l'histoire d'un ange déchu dont le ciel n'a pas voulu !
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Après avoir lu et apprécié "Eden Springs" et "Esprit d'Hiver" de Laura Kasischke, je suis remonté à son premier roman "Suspicious River".
Une oeuvre marquée fort heureusement par l'empreinte de la poésie. Car l'histoire est sombre, très sombre, désespérante. Laura Kasischke nous emmène dans un gouffre par petites touches, comme un papillon virevoltant dans un monde d'horreur et de brutalité. La vie de Leila aurait pu être belle ou au moins "normale" mais elle vivra victime du traumatisme dans son enfance d'être le témoin de la vie de sa mère et in fine de son meurtre! La trajectoire est donc écrite, rien n'empêchera la chute vertigineuse. Et lecteur assiste impuissant à l'enchaînement des événements. Un style léger et poétique permet d'arriver au port mais avec des traces dans la mémoire!
Laura Kasischke a du talent, beaucoup de talent.
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Datée de 1999, je découvre cet auteure sublime dans sa première oeuvre. Pour ne pas dire de bêtises, je vais en lire une ou deux autres pour être sûr que mes frissons sont justifiés.En tout cas je suis baba.
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Ames sensibles, n'ouvrez pas une page de ce livre noir , très noir voire très glauque mais ô combien addict... L'histoire est celle de Leïla, jeune receptionniste dans un hotel du Michigan qui vend son corps aussi facilement qu'elle donne la clé d'une chambre aux clients de passage. Leîla est absente à son corps comme elle est absente à la vie, toute entière plongée dans un passé destructeur que l'auteur nous fera découvrir par flash-backs successifs. Ce roman dérangeant, cru est écrit dans un style implacable. Et c'est le premier roman de cette auteur, ça m'chamboule...
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Un roman très glauque avec un rythme très lent. On y suit ici l'histoire de Leila une jeune réceptionniste de motel qui se prostitue. En parallèle nous avons ses souvenirs d'enfance qui sont difficiles et qui nous éclairent un peu sur ses actes. Elle se considère comme morte de l'intérieur et pendant l'intégralité de ce roman nous suivons son processus pour être morte aussi de l'extérieur. Je me suis retrouvée entraînée dans la descente aux enfers qu'est la prostitution à travers les yeux et les pensées d'une femme en absence d'émotions.
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Cet été, j'ai lu mon premier roman de Laura Kasischke, À Suspicious River. Et bien, je n'ai pas été déçue ! C'est tout à fait le genre de roman américain que j'aime !

Je ne sais pas comment vous raconter cette histoire, et d'ailleurs, il vaut sûrement mieux ne pas trop la raconter... Moi-même, je n'avais lu que la courte citation qui se trouve en 4ème de couverture, je ne savais donc pas trop à quoi m'attendre...

Autant vous dire que le récit prend aux tripes. L'autrice écrit de façon à pousser notre curiosité, notre voyeurisme, et à nous faire tourner les pages pour en savoir plus sur l'intrigante Leïla, qui s'occupe de la réception du Swan Motel à Suspicious River.

C'est violent, c'est cruel, ça parle de prostitution, de manque d'amour, de corps meurtris, de violence extraconjugale, d'adultère, de promiscuité, de perte de repères, de perversité et de quête de soi aussi.

Je vous le conseille fortement !!!
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dur, violent mais formidable....
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