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EAN : 9782253177371
384 pages
Le Livre de Poche (21/08/2013)
3.67/5   425 notes
Résumé :
Leila a vingt-quatre ans. Elle est réceptionniste au Swan Motel, à Suspicious River, une petite ville tranquille du Michigan. Et pour quelques dollars de plus, elle peut être comprise dans le prix de la chambre. Elle vend son corps sans passion, sans tristesse, sans avidité de l'argent non plus. Sainte et martyre, Leila est au-delà de son propre corps, plus sensible à la matière du monde qu'aux hommes. La clé de sa descente aux enfers gît dans l'enfance, et Leila sa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (66) Voir plus Ajouter une critique
3,67

sur 425 notes
Qu'elle est glauque, cette Suspicions River ! Comme la vie de son héroïne Leila, tellement traumatisée par son enfance qu'elle est morte à l'intérieur et fait consciencieusement ce qu'il faut pour l'être bientôt aussi à l'extérieur...

C'est le premier roman de Laura Kasischke, mais tous les éléments qui me plaisent chez elle sont déjà là : un rythme très lent, qui nous endort presque, pour mieux nous surprendre avec un finish bouleversant. Un style tout en sensualité et en langueur. Et surtout un voyage dérangeant dans les pensées, les actes et l'absence d'émotions d'une autre, désespérée et désespérante.

Que dire de plus ? le monde de la prostitution est très bien décrit, de même que l'engrenage d'autodestruction généré par certaines histoires familiales. Et, si Leila ne ressent plus rien, nous souffrons souvent pour elle en lisant...

Challenge Multi-Défis 24/52
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Voici le premier roman de Laura Kasischke, que j'avais hâte de commencer.
Nous nous retrouvons encore une fois dans le Michigan, plus précisément à Suspicious River, lieu sans charme et paumé qui donne son nom au roman.
Dans cette petite bourgade, il y a le Swan Motel, établissement bien entretenu et modeste, où travaille Leila en tant que réceptionniste.
Leila est une jeune fille de 24 ans qui, pour le prix de la chambre, propose ses services sexuels aux clients de passage, parfois venant dans ce seul but.
Ça paraît sordide, mais Leila se prostitue sans plus d'émotion, de sentiment. Elle n'aime pas vraiment les hommes, mais ne les déteste pas non plus et n'est pas poussée par la vénalité. Elle flotte tout à fait au dessus de sa vie et de son corps et ne porte aucun jugement moral sur ses actes, qu'elle n'analyse même pas.
De clients en clients, Leila fait la rencontre de Gary Jensen. Elle tombe sous le charme de ce type plus vieux qu'elle, super macho qui voit en elle un objet sexuel et un divertissement pour ses copains. Mue par un sadomasochisme autodestructeur, elle le suit…
Le roman nous pose en voyeur de l'histoire de Leila. Cette distance fait froid dans le dos et est presque plus dérangeante que la souffrance.
En creusant un peu, ce que sait très bien faire Laura Kasischke, on comprend mieux. En effet, le roman a trois temporalités et nous amène à trois époques différentes de sa vie, son enfance, son adolescence et son présent, chargés d'épreuves difficiles et de traumatismes.
Tout est poisseux et glauque dans ce livre et la gène guette le lecteur très vite. Mais l'auteure a beaucoup de talent et de la crasse fait surgir des éclats de poésie (peut-être parfois trop?). L'écriture est superbe, comme toujours, et nous entrons petit à petit, avec beaucoup de finesse, dans la tête de cette gamine seule et paumée.
J'ai été très surprise par la fin qui se délie en quelques lignes. Vous vous ferez votre propre avis.
Ses thèmes de prédilection sont bien présents : l'adolescence, la filiation, l'héritage familial, le poids des non-dits et des secrets… Thèmes qui hanteront le reste de son oeuvre.
Je recommande ce roman, bien que sa lecture en soit éprouvante !
Un premier roman qui fait ses preuves malgré de très petites imperfections.
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Un récit pourpre et gluant qui colle à l'esprit. L'univers y est oppressant et l'histoire est toute aussi glauque. On a envie de fuir Suspicious River aussi vite que possible. Sans doute les paroles de la narratrice y sont pour quelque chose.

24 ans, belle et intelligente, Leila travaille dans un hôtel « miteux » qui accueille les touristes venus voir les cygnes, et les hommes pas clairs venus… la voir elle.

Parce que Leila se prostitue pendant son service.

Entre un présent qui l'étouffe et un passé qui la hante, Leila nous raconte la vie de sa mère, ses infidélités répétées avec son oncle, le frère de son père. Puis la mort de sa mère, sa mort à 24 ans. Sa mort assassine. Une mort passionnellement cruelle que Leila revivra continuellement jusqu'à ses propres 24 ans.

Leila se détruit lentement mais sûrement, se transforme en l'autre Elle. Elle abandonne à petit feu son couple, image superflu d'un destin illusoire, et se jette dans les bras d'un homme qui la salira, lui mentira et la violentera… Pour mieux se sentir exister. Elle repoussera les limites de sa vie jusqu'au drame longuement pressenti.

Des voix, des images, des sensations, des souvenirs…

24 printemps anéantis par la noirceur et la crasse qui lui ont collé à la peau… Puis la renaissance.

C'est un tout autre « visage » que j'ai découvert de Laura Kasischke à travers ces lignes qui marquent son tout premier roman. Même si je n'ai pas accroché à l'univers de Suspicious River, la plume de L. Kasischke est incontestablement poétique (parfois même un peu trop…).
A travers l'ensemble des oeuvres de l'auteure que j'ai pu parcourir, je remarque que l'auteure possède un réel talent : en jouant avec les genres, les univers et les styles elle provoque sans cesse la surprise (bonne ou moins bonne !) chez son lectorat.
Ainsi, la Diversité et la Création constituent toute la richesse de L. Kasischke qui, selon moi, à encore de belles années d'écriture devant elle.
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Le souffle me manque au sortir de ce huis-clos terrifiant et glauque.
Il ne fait pas bon vivre à Suspicious River ! A part les cygnes et leur majesté, peu de lumière dans cette ville du Michigan où passent des hommes-abuseurs, des hommes-profiteurs, des hommes-voleurs de vie.
Leila, depuis son enfance, attire sur elle tous les démons de la terre.
Tout ce qu'elle doit affronter est si dur qu'elle se détache petit à petit de sa vie terrestre, de ses émotions, de son corps qu'elle livre à qui le veut.

Quelle drôle de sensation d'être un lecteur-voyeur, assistant à la descente aux enfers de l'héroïne sans pouvoir (vouloir ?) y mettre un terme.
On attend un ange gardien, un signe du ciel, une fleur dans ce désert émotionnel. On attend encore...

C'est le deuxième roman de Laura Kasischke que je lis et je suis sous le charme de sa capacité à glisser de la poésie, de la beauté dans ce monde brut et violent.

Alors, si vous n'avez pas peur d'être dérangés, déroutés, rendez-vous au Swan Motel et buvez la coupe de la violence jusqu'à la lie.
Vous n'en ressortirez pas indemnes.

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Comment écrire une chronique qui pourrait refléter un dixième de la puissance que dégage ce premier roman de Laura Kasischke? Ce livre, d'un hyperréalisme et d'une violence crue, se révèle être d'une force et d'une profondeur exceptionnelles.
A chaque page, le lecteur assiste, fasciné et dérouté, à la descente aux enfers de Leila. du haut de ses vingt-quatre ans, cette jeune femme a la dignité farouche et la noirceur dignes des héroïnes des meilleurs cinéastes américains. Rien ne lui aura été épargné depuis sa naissance : une mère trop jeune, assassinée sous ses yeux par un amant jaloux, un père trop discret, une maison froide et humide qui abrite les liaisons de Bonnie, la mère.
Bonnie... Leila n'en a que peu de souvenirs : déshabillés en soie et dentelle, chevelure épaisse, hauts talons en vernis noirs, crises d'hystérie avec son mari, rires langoureux et poses lascives avec son amant, corps nu déambulant dans la maison, corps nu ensanglanté sur le lit. Leila n'a que sept ans et elle n'aura jamais d'autres images de sa mère que celui d'un corps dénudé, aux jambes pâles, à la bouche ouverte d'où s'écoule une écume rosée. le goût métallique et l'odeur douçâtre du sang emplissant l'air de la chambre parentale feront désormais partie d'elle. Elle a pourtant voulu crier, mais aucun son n'est sorti de sa gorge. Personne n'était là pour la protéger, la consoler, lui cacher la vision atroce du corps ensanglanté de sa mère. Comme anesthésié, son corps ne lui obéit plus, ne lui appartient plus. le trauma est si fort, si ancré qu'aucune résilience ne lui sera possible.
Bien des années plus tard, au Swan Motel, Leila est réceptionniste. Son visage gracieux et sa silhouette fragile font d'elle un objet d'attention pour tous ces hommes seuls qui s'arrêtent pour la nuit. Naturellement, sans même en prendre conscience, Leila commence à se prostituer. Vendre son corps au même prix que la chambre allouée au client. Son corps, son esprit et son envie de vivre diminuent à la même vitesse que se remplit son portefeuille. Aucun rêve ne l'a jamais habitée, aucun désir ne l'a jamais fait vibrer. Alors, Leila cherche à réveiller son corps sous les caresses d'hommes de passage, parfois pervers, souvent violents, toujours dominateurs et irrespectueux. Mais à chaque fois son corps flotte, endormi, son esprit s'envole...
"Je pouvais voir ma propre image dans cette brume, au-dessus de la commode, se refléter dans un miroir qui avait la longueur et la largeur d'un cercueil - un cercueil argenté, garni de mercure et d'argent fin, une table en acier inoxydable dans une salle d'opération, ou bien dans une morgue, dressée contre un mur."
Alors, quand Gary débarque au Swan Motel et qu'il agit en protecteur, Leila commence à s'éveiller, à laisser son corps vibrer et son coeur battre. Mais la Suspicious River qui coule près du Motel charrie toujours ses eaux noires et les cygnes s'envolent pour migrer. Les ailes blanches disparues, reste-t-il une lueur d'espoir pour Leila?
A chaque page, je me suis enfoncée dans une implacable tristesse. Impuissante, j'assistais à l'accomplissement de la sombre destinée de Leila, jeune femme aux ailes aussi fragiles que celles d'un papillon. J'avais envie d'entrer dans ce roman, de faire partie des personnages pour déployer mes ailes et ainsi protéger Leila, vilain petit canard que la vie s'amuse à cabosser. Car Leila est une victime. Victime de ses parents négligents, victime de son traumatisme, victime de son incapacité de vivre, victime de la lubricité des hommes. Mais, Laura Kasischke va jusqu'au bout de la noirceur humaine. Méthodiquement et implacablement, elle veillera à parsemer le chemin de Leila d'âmes tourmentées, de coeurs vides, de poings serrés, de regards torves et de mots acérés. Aucune violence gratuite, aucune surenchère. Juste cette crudité transfigurée dans un univers rendu presque poétique grâce à Leila, gracile silhouette du Swan Motel à Suspicious River.
Véritable gifle, A Suspicious River est un roman magistral dont on ne sort pas indemne.
Lien : https://mespetitescritiquesl..
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critiques presse (1)
Telerama
26 juin 2023
Dès la première fiction de Laura Kasischke, l’obsédant A suspicious river paru en 1999 aux éditions Christian Bourgois, on est frappé de voir réunis tous ses thèmes et sa forme de prédilection : les traumatismes du passé, une écriture tour à tour lyrique et hyperréaliste et une Amérique fissurée pour décor.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Je n'avais jusqu'alors jamais ressenti le besoin de regarder un homme comme les hommes semblent regarder les femmes -ces femmes sur les couvertures glacées des magazines, les hanches en avant et la bouche brillante à moitié ouverte, ou sur les affiches- ces femmes provocatrices qui surgissent des téléviseurs pendant que leurs maris, assis dans leurs fauteuils, s'efforcent de ne pas les regarder devant leurs épouses, tout en le faisant. Au drugstore, ces hommes se plantaient toute la journée devant les présentoirs des magazines, ils regardaient des pages et des pages de femmes qu'ils ne rencontreraient jamais, qu'ils ne toucheraient jamais, dont ils ne connaîtraient jamais ni le nom ni la voix : des femmes applaties, unidimensionnelles, qui tripotaient leurs mammelons, en regardant dans le vide. Dans le néant qui se trouvait devant elles. Etalées, ces femmes n'étaient que des angles et des lignes, de la lumière sur de l'ombre et, quand je les regardais, je me souvenais toujours d'avoir lu au lycée, dans notre livre de sociologie, un texte sur une tribu primitive perdue, dont les membres ne voulaient pas laisser l'homme blanc les photographier, parce qu'ils pensaient que les caméras leur volaient leur âme.
Ces femmes en étaient la preuve, me disais-je. Le monde n'était qu'une fausse toile de fond, comme si rien n'avait jamais existé et n'existerait jamais devant ou derrière elles.
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La lune est une faucille nette et, de temps à autre seulement, un lambeau de nuage se heurte à sa lame. Si vous tendez votre main devant vous, elle s'emplit d'argent, comme celui d'un trésor dérobé. Vous le rendez aux ténèbres en fermant votre poing, et même les étoiles sifflent le spectacle. Certaines tombent quand vous regardez bien le ciel. Une poignée de planètes glisse dans la rivière - trop rapidement pour qu'on les attrape, même avec un filet. Chacune de vos respirations est un coup de poignard vif entre vos côtes, votre cœur expulse de l'eau vers vos poumons, à travers cette tranche de lune sur votre gorge.
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Ces hommes savent.
Ces hommes-là sentent toutes les filles qui passent sur leur chemin, avec leur vernis à ongles rose et leurs socquettes, avec leurs livres de classe serrés contre leur poitrine. Ces hommes-là savent tendre le nez dans la brise et ils savent toujours quelles sont les filles qui courront dans la mauvaise direction, à tous les coups. Celles qui ne diront jamais rien à qui que ce soit, la honte serpentant dans leurs veines comme un fin fil bleu; elles seront juste surprises d'être encore en vie. Pas reconnaissantes, sans aucun doute, ni désireuses, mais au courant des coutumes de ce coin du pays, de cette grasse terre de désolation. La fréquence, le coup sourd donné par un poing, ou par un pénis, ou par une bouchée de boue.
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L’expression sur le visage de mon père pourrait signifier n’importe quoi,d’après moi,mais j’imagine que c’est de l’espoir. L’espace d’un instant, il est comme un veuf qui plonge timidement la main dans un cercueil pour chercher le pouls sur la gorge de sa femme morte : un dernier effort désespéré. Et qui pourrait lui en vouloir d’essayer ?
L’espoir. L’expression de mon père est vide comme celle d’un épouvantail crucifié dans un champs de maïs - piétiné par les corbeaux et par leurs pattes métalliques orange qui écrasent son visage, alors qu’un gros orage s’approche, tandis que mon père fait semblant de ne rien voir.
Ou alors c’est qu’il ne voit rien.
Assise à l’arrière de la voiture, j’ai vu ces épouvantails dans tous les champs qui s’étendent autour de Suspicious River, tout au long de l’année - leurs chemises de fermier en pilou claquent au vent et leurs bouches sont bourrées de paille.
Même enfant, je voyais bien qu’ils n’effrayaient aucune créature.
Mais les hommes font semblant.
Saccagés par les saisons, chaque saison possédant sa propre forme de torture lente - la pluie, la neige ou le soleil torride.
Ce sont les épouvantails qui ont une peur bleue. Debout dehors, leurs bras ouverts comme des pères, raides et stupides.
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Ils se sont avancés tous deux vers le comptoir ; la similarité et la familiarité de leurs visages étaient dérangeantes, et je les ai vus comme ils étaient. Des gens humbles et utiles. Qui m’étaient étrangers, mais qui étaient à moi. Je savais que je ne les aimais pas, que je ne les connaissais pas vraiment, mais, d’une certaine façon, maintenant, on était ensemble. Je découvrais soudain que leurs visages étaient au centre de ma vie, un peu comme on trouve une boîte de photos appartenant à quelqu’un d’autre dans le grenier : aucun de ces oncles et tantes, qui sourient familièrement à l’appareil, n’est à vous, aucune de ces vacances heureuses, aucun de ces enfants potelés. Mais si vous ne les gardez pas, vous aurez bien moins que ce que vous aviez avant de les trouver. Quelque chose vous manquera toujours. Quelque chose qui vous a appelé, comme si cette chose pouvait pénétrer votre mémoire, votre vie, ce qu’elle avait fait, au bout du compte. Je compris alors : C’est ça, la famille.
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