Les envolées lyriques de
Yasmina Khadra m'ont laissé pantois tant il manie magnifiquement bien la langue française. Son style, fait d'hyperboles et de personnification, aide à faire parler ce qui entoure le personnage, comme tant d'êtres uniques qui changent et se transforment au grès des émotions et du temps. Je trouve que sa plus grande force à travers ce roman, et de mettre des mots sur les émotions et d'en associer la valeur du temps qui passe (passé, présent, futur) et l'environnement qui entoure les personnages.
C'est mon premier roman de
Yasmina Khadra. le titre m'avait interpellé par sa beauté et mon envie de le lire m'amena à l'acquérir.
En le terminant, je ferme la porte d'une histoire lointaine, mais pas tant que ça, à travers une Algérie où les idéaux et les ravages de son indépendance l'ont permise d'être libre et en paix, pour un temps.
Je m'attendais à une histoire d'amour, et je fus surpris de trouver aussi une histoire de forte et belle d'amitié entre les personnages, de besoin d'indépendance d'un pays et des conséquences tragiques et meurtrières pour les individus au milieu de cette guerre entre pros indépendants (
Front de Libération Nationale) et Français voulant garder la main mise sur ce territoire.
La forme du roman s'articule en plusieurs chapitres correspondant aux vies du personnage, si différentes, et fait progresser l'histoire. On y découvre les grandes villes et leur bidonville (Oran), et d'autres plus petite et intimiste comme Rio Salado (désormais nommé El Malah), me rappelant les décors du sud de la France.
Cependant, je regrette quelque peu le manque, parfois, d'articulation entre les chapitres, nous laissant penser à des périodes de vies totalement différentes, mais finalement c'est peut-être le cas....
Aussi à force d'utiliser l'hyperbole et les phrases très bien construites - et justement trop bien construite - cela met de côté l'histoire en elle-même et recentre tout sur le personnage principal, à travers ses nombreuses tergiversations, pensées et retour sur soi qui le fragilisent et fragilisent aussi notre attachement à ce dernier.
Yasmina Khadra s'est utilisé la langue française et l'utilise à bon escient. J'ai retenu quelques phrases qui m'ont marqué pendant leur lecture :
"Le sommeil m'isole et je n'ai pas envie d'être seul dans le noir".
"Le temps observe une pause."
"Elle cadençait la foulée du temps."
"Je n'étais pas resté longtemps avec ma mère. Ou peut-être une éternité. Je ne me rappelle pas. le temps ne comptait pas ; il y avait quelque chose d'autre, plus dense et essentiel. Comme au parfois des prisons, ce qui importe, c'est ce que l'on retient de l'instant partagé avec l'être qui nous manque."
L'Algérie indépendante et son passé colonial sont étroitement liés et permettent de dresser un tableau de la difficulté pour le personnage principal de se positionner, pris en étau entre ses origines arables, et son mode de vie occidental. Ainsi, le regard que l'auteur pose sur chacun des protagonistes nous rappelle qu'un conflit n'est jamais noir et blanc, mais que cela est beaucoup plus complexe ; que des amitiés et des familles se déchirent à travers ces conflits et perdent, souvent, toute leur histoire en quittant leur racine.
Enfin, je n'ai pas beaucoup parlé d'amour, mais elle est bien présente dans ce roman et s'effleure de bout en bout du début à la fin, qu'elle soit l'amour d'une mère et d'un père, l'amour d'une famille, l'amour en amitié et l'amour d'un pays. L'amour comme sentiment amoureux entre deux êtres va être jonché ‘d'instants ratés', et la description qu'en fait l'auteur nous projette avec eux en nous faisant craindre le pire, mais ça, je vous laisse le découvrir.