Alors que dans le folklore occidental, l'hirondelle est le symbole de la liberté, de l'enthousiasme, de la pureté, perçue même comme un porte bonheur messager de bonnes nouvelles, dans le folklore arabo-musulman, l'oiseau a pour symbolique le renoncement, la solitude mais aussi l'émigration et la séparation. Ainsi, le titre constitue déjà un important indicateur sur le ton du roman. L'association faite entre Kaboul et l'hirondelle est tout à fait parlante : Kaboul est seul, Kaboul a renoncé. Mais les hirondelles peuvent aussi référer aux quatre personnages principaux du roman, à ces deux couples. Des hirondelles qui ont dû renoncer à la liberté, des hirondelles profondément seules et qui, à la fin du roman, finiront toutes par être séparées.
Dans le roman, de nombreuses descriptions sont présentes et s'attachent à décrire l'horreur. Elles sont si bien travaillées qu'elles se lisent comme une poésie. Un paradoxe que l'on retrouve notamment dans les écrits de
Charles Baudelaire, poète connu pour transformer la laideur en une beauté irrésistible et délectable. C'est là que réside toute la splendeur et tout le talent de l'auteur, il décrit l'inhumain avec poésie, beauté et parfois même philosophie. Un choix d'écriture totalement remarquable qui par l'embellissement de la forme, permet d'accentuer l'atrocité des propos, du fond du récit. Récit, qui par ailleurs, aborde des thèmes comme la dévastation et la déchéance qui sont les fils conducteurs du roman, mais l'auteur nous parle aussi "d'incommunication" à travers la solitude et l'errance, ainsi que la rigueur du régime extrémiste à travers la condition des femmes, l'obéissance, l'interdit et la mort.
Avec une écriture incroyable, sidérante, empreinte de réalisme et de justesse, les descriptions donnent la sensation de voir la misère, d'être immergé de solitude et de sentiments d'injustice, d'être à Kaboul et d'enfin voir la vérité.
Yasmina Khadra offre un récit cruel et douloureux à lire, il met le lecteur face à la barbarie de l'homme et nous impose d'accepter et de concevoir que ces atrocités sont réelles.
Subjuguée par l'écriture, la poésie et la sagesse de certains discours, je suis d'autant plus émue et choquée par les horreurs qui sont décrites dans cette oeuvre, qu'elles sont parvenues jusqu'à nous en ce début d'année.
Mais contrairement à Atiq, Mussarat, Mohsen et Zunaira, nous avons la chance d'avoir encore le pouvoir de nous battre, car nous sommes encore des hirondelles libres.