Citations sur Salem (219)
Partout où ils s'arrêtaient, l'homme achetait un journal du Maine, le Press-Herald de Portland, et regardait s'il s'y trouvait quelque nouvelle d'une petite ville du nom de Jerusalem's Lot. Cela arrivait de temps en temps.
[…]
L'enfant ne parlait pas beaucoup. Son visage gardait une expression douloureuse et son regard était comme assombri par quelque triste paysage intérieur. Dans les restaurants et les stations-service où ils faisaient halte, il était poli, mais sans plus. On avait l'impression qu'il ne voulait pas perdre l'homme de vue un instant et que le seul fait de le voir disparaître dans les toilettes le rendait anxieux. L'homme essayait parfois d'évoquer Jerusalem's Lot, mais l'enfant refusait d'en parler et ne jetait jamais un regard sur les journaux que l'homme laissait traîner à dessein sous ses yeux.
(Postface écrite en 1999 par SK)
Je voulais prendre le contre-pied de Dracula. [...] Au début, je pensais faire gagner les vampires, et qu'ils se débrouillent avec le monde. Conduisez vos voitures, les gars ! Ouvrez vos restaurants ! BIENVENUE A JERUSALEM'S LOT, SPÉCIALITÉ DU BOUDIN AU SANG!
Mais mon histoire a pris une autre tournure - comme vous pouvez le constater- parce que certains de mes personnages humains se sont révélés plus forts que prévu. Il m'a fallu un certain courage pour les laisser grandir à leurs souhaits, mais j'ai fait ce sacrifice. Si j'ai jamais remporté une victoire, en tant que romancier, c'est bien celle-là. Les écrivains, depuis l'après-guerre (et encore davantage depuis la débâcle du Vietnam), ont pris goût au pessimisme, et trouvent beaucoup plus séduisant de construire des personnages qui, au fil des épreuves, perdent de leur noblesse et deviennent de plus en plus vils et mesquins. Mais voilà, Ben Mears, ai-je découvert, voulait devenir meilleur. Il voulait être un héros. Je l'ai laissé faire. Et je n'ai pas eu à le regretter.
La ville a ses secrets et elle les garde bien. Ses habitants ne les connaissent pas tous. Ils savent que la femme du vieil Albie Crane est partie il y a des années avec un voyageur de commerce qui venait de New York - ou ils croient le savoir, car en réalité Albie a fendu la tête de sa femme après le départ du voyageur ; il lui a attaché un pierre aux pieds et il l'a balancée au fond du puits désaffecté.
Vingt ans plus tard, il est mort tranquillement dans son lit d'une crise cardiaque, exactement comme son fils Joe mourra plus tard.
Et peut-être qu'un jour un gosse s'égarera du côté du vieux puits couvert de ronces, peut-être retirera t-il les planches blanchies par les intempéries qui le recouvrent et apercevra-t-il dans les profondeurs le squelette de Mrs Crane. Elle le regardera de ses orbites vides et il verra sur sa cage thoracique le collier, couvert de mousse, offert par le trop charmant voyageur.
Il voyait bien que Bill avait pour lui une sympathie de jour en jour croissante, mais il le sentait freiné par le tabou inconscient qui affecte tous les pères à l'égard des hommes qui viennent chez eux pour leurs filles et non pas pour eux. Si on se trouve en face d'un interlocuteur sympathique et qu'on a rien à cacher, on s'exprime librement ; on discute des femmes en buvant une bière, on parle politique. Mais, si profonde que soit, potentiellement, la sympathie mutuelle, comment ouvrir son cœur à un homme qui a entre les cuisses l'instrument qui déflorera peut-être votre enfant ? Et même après le mariage, le possible étant devenu réalité, comment lier une vraie amitié avec l'homme qui baise votre fille, nuit après nuit ? Il y avait peut-être une leçon à tirer de tout cela, mais Ben en doutait.
Les yeux sont les fenêtres de l’âme.
Mais quand l'automne arrive… quand il chasse l'été et sa touffeur pernicieuse comme on chasse un chien d'un coup de pied aux fesses (ça se produit du jour au lendemain, un beau matin, toujours après la mi-septembre), vous avez l'impression de voir revenir à la maison un vieil ami. Vous le regardez avec bonheur s'installer dans votre rocking-chair préféré, allumer sa pipe, pour vous raconter, dans la douceur du soir, toutes les merveilles qu'il a vues depuis sont dernier départ.
Comme elle est vorace, cette mer ! Avec quelle hargne elle se jette sur les rochers ! Il faut la voir cracher des nuages d'écume dans le ciel du crépuscule, telles des oriflammes blanches, la sentir ébranler toute la pointe, jusque sous mes pieds...
Il se surprit à réfléchir, comme il le faisait souvent, à l'étrangeté des adultes. Il fallait qu'ils prennent des laxatifs, de l'alcool, des somnifères, pour échapper à leurs angoisses et trouver le sommeil ; et pourtant, comme leurs craintes étaient ordinaires et faciles à maîtriser ! (...) Comme elles paraissaient ternes à côté des terreurs que chaque enfant retrouve le soir, dans l'obscurité de sa chambre, sans espoir d'être compris de personne excepté d'un autre enfant !
Le moment est venu pour les petits d'aller se coucher. Les parents les bordent dans leur lit ou dans leur berceau ; ils sourient quand leurs enfants les supplient de les laisser jouer encore un peu, de leur laisser la lumière allumée ; ils vont jusqu'à ouvrir les portes des placards pour leurs montrer qu'il n'y a rien dedans.
La nuit étend ses ailes ténébreuses. L'heure des vampires à sonné.
Le relent de scandale et de violence attaché à la maison lui venait d’un évènement antérieur à leurs naissances, mais les petites villes ont la mémoire longue et les horreurs qui ont pu s’y commettre sont religieusement transmises d’une génération à l’autre.