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EAN : 9782070179749
400 pages
Gallimard (31/08/2017)
4.07/5   57 notes
Résumé :
«Au terme de bien des années, je m’étais détachée de la vie que j’avais menée dans la ville, comme nous découpons aux ciseaux une partie de paysage ou d’un portrait de groupe. Navrée du dégât que j’avais ainsi causé à l’image que je laissais derrière moi, et ne sachant trop ce qu’allait devenir le fragment découpé, je m’installai dans le provisoire, en un lieu où je ne connaissais personne dans le voisinage, où les noms des rues, les odeurs, les vues et les visages ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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La narratrice vit entre deux mondes celui qu'elle va quitter et celui qu'elle va rejoindre comme la rivière Lea,
qui n'est pas dans la ville ni complètement en dehors, va atteindre l'estuaire de la Tamise.
« La rivière Lea, qui sépare ici la ville du vide des campagnes, a un cours assez bref. Elle prend sa source dans les basses collines du nord-ouest de Londres, s'épanche à travers un paysage aux grâces dociles, atteint ces bords francs où la ville s'effrange, suit alors la ceinture sans fin des faubourgs, enroule le bras autour des limites du vieux Londres canaille, retors et industrieux, pour, enfin, à huit miles au sud-est de Springfield Park, rejoindre la Tamise qui déjà s'élance vers la mer. »

Elle, dont le fleuve de son enfance était le Rhin va, accompagnée d'un vieux polaroïd qui lui permet de saisir des instants fugaces, errer, de l'automne au printemps, dans un no man's land entre Springfield Park et les bords de la rivière Lea qu'elle suivra jusqu'à son embouchure. L'estuaire marquera l'ouverture l'élan vers un autre monde coïncidant avec le déménagement de la narratrice.
Ce livre est celui des adieux, mois d'adieux
« où suivant la pente de la rivière, j'ai pris l'habitude de donner mes propres noms à une ville que j'avais péniblement appris à épeler au fil des ans, des noms que la marche et l'observation seules savaient puiser aux eaux résurgentes de la mémoire, parmi les alluvions d'images et de sons, dans la toile des mots anciens entremêlés. »

Attentive au moindre changement, que ce soit la tonalité des couleurs, la variation subtile de la lumière, les reflets de l'eau, les sons, les frôlements, bruissements dans les herbes, l'auteur analyse finement chaque rencontre et la relie parfois au passé, à son enfance et ses différents voyages où elle nous parle d'autres fleuves tels l'Oder fleuve frontalier comme le Rhin, le Danube, le Saint Laurent lié à la tante Liesl, le Pô et son estuaire ….

« Des journées silencieuses, baignées d'une lumière opaline, étaient parfois interrompues par de brèves périodes de bourrasques tièdes qui charriaient dans le ciel des nuées violet-brun, sur les marécages des ombres gris foncé, tandis que le soleil couronnait les nuages d'une lumière acide qui conférait aux silhouettes une netteté rare, tranchante et fugitive. » p 180

Les êtres qu'elle côtoient, retrouvent dans son quartier au retour de ses escapades, prennent une importance et une densité telle qu'on ne peut les oublier comme celui qu'elle nomme le Roi dont elle dit : « il marquait pour moi, quand je rentrais de mes marches sur les bords de la rivière, la couture qui séparait la ville d'un paysage offert à toutes les sauvageries. »

« J'ai rencontré le Roi dans les derniers temps de mon séjour à Londres. Il m'est apparu le soir, dans un demi-jour turquoise. Il se tenait à l'entrée du parc et regardait vers l'est, où montait déjà un bleu profond et vaporeux, tandis que le ciel resplendissait encore dans son dos. Il a surgi de l'ombre des buissons qui bordent le portail et, à petit pas silencieux, s'est avancé tout au bord de la pelouse où à cette heure de la journée, les innombrables corbeaux du parc décrivaient leurs cercles à vive allure.
Le Roi a déployé les bras et les corbeaux se sont rassemblés autour de lui.
(…)Rien dans cette silhouette ne s'accordait avec le paysage qui l'entourait, avec ses vieux arbres si hauts, les roses tardives de cet hiver clément, le vide inattendu des terres. » p 11-12
Il y a aussi les Hassidim, le Croate, l'épicier Katz et beaucoup d'autres.. Les marchés de quartiers qui naissent et meurent, le petit marché d'Inverness street, celui des Sans-patrie.

Errance pleine de vie qui déploie autour du lecteur une toile dont les fils de trame font frôler le fantastique. Car dans le monde de Esther Kinsky rien n'est laissé à l'abandon et elle sait faire naître et vibrer toute l'étrangeté et la beauté, inquiétante parfois, de territoires en friche, de zones industrielles rongées par la rouille, d'un quotidien même le plus banal et sordide en apparence.
J'ai vraiment apprécié la richesse de cette écriture et de ce récit qui oblige à prendre son temps, à revenir parfois sur ses pas pour le savourer pleinement.

Merci à Babelio et aux éditions Gallimard pour m'avoir offert la découverte de si belles pages.
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Merci aux éditions Gallimard ainsi qu'à Babelio pour ce livre reçu dans le cadre de masse critique.

Ce roman est inspiré par la nature. C'est une rêverie, un songe éveillé, teinté de poésie, de lyrisme. Il est ponctué de photos, et représente un apport aux reflets intimes d'une auteure poétique allemande traduite pour la première fois dans notre langue.

Il raconte l'histoire d'une jeune femme faisant un arrêt dans sa vie et se tournant vers le passé, auprès de ce qu'elle néglige peut-être, ou de ce qu'elle a enfoui en elle depuis longtemps. Cette jeune femme ne vit plus à son endroit. Elle a quitté son ancienne maison, ses habits du passé, et vit dans un logement provisoire. le sentiment d'attente est palpable tout au long du livre, comme si tout était suspendu dans le temps.

Ses nouveaux repères, là où elle se trouve aujourd'hui, représentent un nouvel équilibre pour elle. Autour d'elle, un parc, un village de péniches, un bois d'aulne déboisé, une épicerie, … Elle observe des joueurs au travers de la fenêtre, … La rivière Léa peuplée de cygnes lui rappelle le Rhin de son enfance, que l'on appelait le "Père" Rhin, nourricier.

Elle pense à ses nombreux voyages, et à d'autres cours d'eau… Dans cette parenthèse de sa vie, elle puise son énergie dans le passé familial, dans son culte personnel. C'est là où se trouvent ses appuis, ses forces. Quand on habite dans un lieu provisoire, y a-t-il peut-être toujours un repli sur soi, ou du moins un retour vers le passé ?

Au cours de ses promenades, elle s'amuse à prendre des photos avec un polaroid. Elle ramasse des "pots cassés", des bouts de photographies. Des choses incomplètes. En devenir. Elle mesure la valeur poétique de ces objets.

Ce livre est descriptif, mais il raconte aussi des anecdotes de voyage qui rendent hommage à des personnes rencontrées au cours de ses déplacements.

Dans ce livre, j'ai trouvé par endroit une paix étrange et une écriture superbe, de très belles descriptions de coins naturels, de jardins, de lieux laissés à l'abandon… C'est un livre où le personnage ne se met pas en avant, mais où au contraire, l'écriture, la poésie, détiennent toute la place, et donc, par conséquent, il est très exigeant et demande du temps pour être lu et apprécié à sa juste valeur. Auteur à découvrir.

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ne femme s'installe "dans un appartement sommairement agencé où [elle]allait poser [sa]vie pour un temps."dans la banlieue de Londres, près d'une rivière.
D'elle, nous ne connaîtrons pas grand chose, ni son nom, ni son âge.Elle semble être dans un entre-deux à la fois temporel et spatial, à la marge de la ville, côtoyant des gens à peine insérés dans la société. Elle arpente la campagne, photographiant à l'aide d'un appareil instantané, suivant les rivières; pérégrinations où lui reviennent parfois des souvenirs, tous liés à des cours d'eau étrangers, en Italie, en Inde , en Israël, dans les pays de l'Est de l'Europe.
Fleuve frontières, fleuves abolissant les frontières entre l'eau douce et la mer," fleuve infusé de morts"(le Gange), elle les décrit avec une extrême précision, empreinte de poésie.
Quelques rencontres fugitives, quelques évocations oniriques , facétieuses ou dramatiques de scènes urbaines ou de nature, apparitions fantasmatiques (le Roi des Corbeaux), créent un climat étrange et fascinant où revivent parfois certaines activités économiques du passé.
Cela donne un texte au rythme lent, à la langue exceptionnelle (bravo au traducteur), qui peut parfois perdre son lecteur, mais qui offrira à qui acceptera de se laisser envoûter une magnifique expérience de lecture.

Merci à Babelio et à Gallimard.
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La narratrice quitte son ancienne maison par un petit matin bleu pour un appartement à l’est de Londres, sommairement agencé, où elle va poser sa vie pour un temps. Elle se promène au bord de la rivière Lea affluent de la Tamise et nous entraîne à la rencontre des oiseaux, des buissons et des arbres, le long des sentiers de promenade elle vagabonde dans des quartiers abandonnés, des usines désaffectées, des terrains vagues, des étendues sauvages.

Des petits fragments du monde fixés sur la pellicule, des souvenirs, des moments de sa vie saisis par l’objectif l’emmènent au fil de l’eau du Rhin, le fleuve de son enfance, au Gange à Calcutta, en passant par l’Oder fleuve frontière, le Saint Laurent à l’est du Canada, la Neretva en Croatie, la Tisza au nord de la Hongrie, un voyage à la rencontre des habitants, de personnages atypiques, des commerçants et des artisans, des cultures et des coutumes.

Un roman qui serpente le long des cours d’eaux, ruisseaux, rivières, fleuves, une écriture précise et poétique avec un talent de la description hors du commun pour nous conter les paysages, les couleurs, que ce soit une usine éventrée, une terre en friche, un marécage nauséabond, les plages de Tel-Aviv ou le cours du Rhin qui porte sur son dos toute la vie errante des péniches.

À chaque page, on ressent la présence de l’eau toute proche. Un roman qui coule doucement, mais laissez-vous entraîner au fil du courant porté par une langue magnifique.
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Pourquoi la narratrice a-t-elle déménagé dans un petit appartement sombre à l'extrémité Est de Londres, combien de temps y laissera-t-elle ses cartons. Elle l'ignore.

A cet endroit, la rivière Léa sillonne Londres et va se jeter dans la Tamise. Ses berges ont abrité bien des vies au fil du temps, principalement des petites usines et des maisons ouvrières. Elles sont à présent abandonnées, envahies par les herbes hautes et le sol marécageux. C'est là que se promène inlassablement cette femme, son polaroïd saisissant ces lieux retournés à la nature comme si l'image instantanée pouvait en restituer la mémoire.

« le mot fleuve suffisait à convoquer en moi des panoramas, des vues et des perspectives de l'enfance – autant de cartes postales que m'écrivait le souvenir. J'ai eu recours à ces points de vue tout au long de fleuves innombrables, je les mettais en regard des paysages qui s'offraient à mes yeux, comme pour mesurer les uns à l'aune des autres » (p. 185).

Née sur les bords du Rhin, la narratrice est depuis toujours attirée par les villes d'eau, par le mouvement continuel du liquide, alpha et oméga de toute vie, symbole d'énergie, de renouvellement, de purification, d'inconscient aussi. Souvent, au cours de ses promenades, des souvenirs fugaces de ses séjours à l'étranger viennent rencontrer l'eau de la rivière Léa. Qu'elles soient majestueuses comme le Gange, la Neretva ou le Yarkon, les rivières ont toujours deux rives, qu'elles sinuent dans les campagnes ou dans les zones urbaines. Et partout, l'eau est comme une frontière, une limite, entre ses vis-à-vis. Que voit-on d'une rive à l'autre ? La vie d'en face est-elle différente ?

Tant et tant d'observations à travers le monde se veulent illimitées, offertes aux regards, aux émotions, au souvenir d'images accumulées dans des albums, décolorées, qu'un simple coup d''oeil rend vivaces.

Les pensées de la marcheuse ne sont ni joyeuses, ni tristes, mélancoliques plutôt, empreintes de poésie jusque dans la boue ou le délabrement de vieilles bâtisses. On la sent entre deux eaux, entre deux chaises, entre deux voies. Quelques rencontres dans sa rue, dans le parc voisin de Springfield, dans les petits commerces de quartier. Les gens sont gris, moches, mélangés, pauvres sans être misérables, reflués dans cette zone populeuse, un peu méfiants, marqués par la fuite d'un pays en guerre, vivotant tant bien que mal. Pas de dialogues, pas de rires d'enfants, pas de chiens écrasés. Seulement des fragments de souvenirs.

C'est le premier livre d'Esther Kinsky traduit en français alors qu'elle a déjà obtenu de nombreux prix littéraires, notamment pour ses traductions de langues slaves en allemand.

D'autres lecteurs, à l'âme plus poétique que la mienne, seront certainement plus sensibles à la plume d'Esther Kinsky. Même les photos qui émaillent le récit me semblent floues et plates. Pas besoin d'en ajouter pour dire que cette lecture ne m'a pas réjouie, si ce n'est certaines tournures de phrases, comme celle-ci, par exemple : « Les quelques bribes d'hébreu que je possédais étaient emballées dans un baluchon, hors de portée de ma mémoire. Et moi qui jugeais pourtant autrefois que rien n'était mieux fait pour la langue et la gorge que ce langage âpre et doux » (p. 145).

Ce livre paraît chez Gallimard dans la collection « du monde entier » et fait partie de la rentrée littéraire 2017. Merci à l'éditeur et à la Masse critique de Babelio de m'avoir fait découvrir Esther Kinsky en avant-première.



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critiques presse (1)
LeMonde
15 septembre 2017
Dans le très beau « La Rivière », l’écrivaine allemande remonte dans ses souvenirs en descendant un petit affluent de la Tamise.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Le bateau accosta le long d'un débarcadère qui ne portait pas de nom. Un soleil rouge était posé sur les lointains contours des faubourgs de Calcutta, qui tremblotaient dans les brumes rose et orange du soir, une simple émanation du fleuve, changeante, incertaine, mouvante comme celui-ci. Plus près de nous, en revanche, la lumière du jour finissant était imprégnée de bleu et tout se détachait avec une netteté délicate : les fabriques et les petits lotissements de la rive, les embarcations sur le fleuve, les cocotiers et les bananiers, l'efflorescence rouge de broussailles et le ruban couleur de rouille d'un sentier de rive, des pieux de clôture, des toits de tuiles marron clair, très bas. p 334
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p 138-139 Je m’enfonçais toujours plus profondément dans le silence, attendais que l’air vibre enfin, à la lisière des terrains de sport, du léger grésillement des pylônes électriques, de la langue indéchirable de ces géants immobiles qui, si légers et immatériels ici, se dessinaient dans la lumière blanche de l’hiver commençant, et ne m’évoquaient que de loin les silhouettes autrefois dressées dans les champs désolés de l’arrière-pays de la vallée du Rhin, où les pylônes, jambes écartées, formaient les rangs de leurs grêles armées au travers desquelles sifflait le vent, et dont la membrure accrochait la lumière.
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Il me dépeignit le spectacle [un incendie] dont il avait été le distant témoin en usant d’une palette dont on devinait qu’elle s’était considérablement enrichie dans le courant de la matinée.

p. 128
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Au terme de bien des années, je m'étais détachée de la vie que j'avais menée dans la ville, comme nous découpons aux ciseaux une partie de paysage ou d'un portrait de groupe. Navrée du dégât que j'avais ainsi causé à l'image que je laissais derrière moi, et ne sachant trop ce qu'allait devenir le fragment découpé, je m'installai dans le provisoire, en un lieu où je ne connaissais personne dans le voisinage, où les noms de rue, les odeurs, les vues et les visages m'étaient inconnus, dans un appartement sommairement agencé où j'allais poser ma vie pour un temps.
Commenter  J’apprécie          100
J'ai rencontré le Roi dans les derniers temps de mon séjour à Londres. Il m'est apparu le soir, dans un demi-jour turquoise. Il se tenait à l'entrée du parc et regardait vers l'est, où montait déjà un bleu profond et vaporeux, tandis que le ciel resplendissait encore dans son dos. Il a surgi de l'ombre des buissons qui bordent le portail et, à petits pas silencieux, s'est avancé tout au bord de la pelouse où, à cette heure de la journée, les innombrables corbeaux du parc décrivaient leurs cercles à vive allure.
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Video de Esther Kinsky (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Esther Kinsky
Présenté par Robert Maggiori, philosophe co-fondateur des Rencontres Philosophiques de Monaco et critique littéraire.
« Pourquoi lire (13 bonne raisons au moins) », co-écrit par Annie Ernaux, Philippe Garnier, Jürgen Habermas, Eva Illouz, Frédéric Joly, Esther Kinsky, Sibylle Lewitscharoff, Nicolas Mahler, Oliver Nachtwey, Katja Petrowskaya, Hartmut Rosa, Clemens J. Setz et Joëlle Zask. Publié chez Premier Parallèle, 20€, 240 pp.
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