A ma fille
Il pleut des pétales de rose
Au ciel sombre de l’ennui,
Comme un oiseau qui prend la pose,
L’amour est entré dans ta vie.
Il joue de toi comme d’un violon,
Tu réponds à tous ses accords,
Et moi j’écoute votre chanson
Se déployer comme un fil d’or.
Comme un printemps qui reverdit
Sous un soleil de cristal,
La chrysalide de midi
S’est faite papillon d’opale.
Le temps a inversé les rôles,
Je te voyais encore petite,
Comme un enfant, tu me consoles
Pourquoi as-tu grandi si vite ?
Ma mémoire te tient par la main
Comme à l’âge des chevaux de bois
Tu vas légère sur le chemin,
Je serai toujours là pour toi.
Le mensonge
Le mensonge, c’est une porte
Qui se refuse aux clefs que tu m’apportes,
Une épine inattendue
Dans un bouquet fraîchement reçu.
Le mensonge, c’est la science
De mots lâchés suivis de longs silences,
Une heure entre chien et loup
Pour encadrer quelques secrets flous.
Le mensonge, c’est une morsure,
Une douleur, une immense blessure,
C’est une question que l’on élude,
Des draps froissés par la solitude.
Le mensonge, c’est une lettre
Où l’on maîtrise tout l’art du paraître,
Une comédie sans grand succès,
Une pantomime un peu délavée.
Le mensonge c’est le chemin
Au bout duquel il n’y a pas de demain,
C’est une voie sans issue
Où se fourvoient les enfants perdus.
L’école buissonnière
Entre alphabet et pigeon vole
Dans mes cahiers d’écolière
Se pressaient les herbes folles
De nos randonnées buissonnières.
Aux collines de Provence
Nous cueillions le romarin
A la barbe d’Anatole France
Renfrogné dans nos bouquins.
Avec les grains de mimosa
Nous mettions les points sur les i
D’une dictée trop rabat-joie
Qu’on transformait en poésie.
Entre pinède et sauvagines
Comme des trésors nous cachions
Les pommes de pin dont la résine
Collait à nos doigts vagabonds.
Au tableau noir du lendemain
Nous avions tous l’air un peu cloche
Et Anatole rigolait bien
Planqué au fond de nos sacoches.
Interview de Annie Kubasiak-Barbier pour son roman "La poupée sur autoroute"