Partout où les mouvements sociaux et intellectuels contre la guerre et les brutales restrictions du capitalisme en crise menaçaient de franchir un seuil critique et de briser la pseudo-loi naturelle de la subordination de toutes les ressources sociales au principe irrationnel de la valorisation, les appareils démocratiques laissèrent apparaître l'hideuse face violente de l'état d'exception. (...) Le construit de la "souveraineté du peuple" s'avéra dans la pratique une contre-vérité et le travestissement idéologique d'un principe de réalité profondément répressif sous les impératifs duquel l'individu-citoyen n'est molécule de souveraineté que dans la mesure où il se livre inconditionnellement, sur le plan socio-économique, aux formes évolutives de la fin en soi irrationnelle du capitalisme et, en ce sens, s'opprime lui-même.
Le terme de "réfugié économique", une création dépréciative des administrations démocratiques de la misère, se retourne à cet égard contre ses auteurs en ce qu'il pointe l'économisme planétaire du capital comme motif général de fuite. Ce ne sont à chaque fois que des formes dérivées de cette cause première du potentiel de catastrophes et de désespoir modernes qui, à des degrés divers, forment les catégories permettant de classer et les réfugiés et les motifs de leur fuite. Les "réfugiés de guerre" sont poussés par les "troubles", les guerres de pillage et de misère qui ne sont pourtant rien d'autre que la conséquence de l'échec subi par des régions globales entières face aux critères de la concurrence capitaliste. Quant aux "réfugiés de la pauvreté", ils traduisent le même motif de fuite mais d'une façon plus directe. C'est en masse qu'on les oblige à quitter leur lopin de terre, y compris par la force brute (légale et illégale dans la forme), dans le but de transformer cette même terre en grandes exploitations pour exporter des produits de consommation servant aux besoins du marché mondial et de ses gros salaires.
Ce sont les masses de réfugiés fuyant la guerre civile, la misère et les ravages causés par l'économie qui provoquent l'intervention de l'impérialisme d'exclusion occidental.
L'Union Européenne, soucieuse d'entacher le moins possible l'image de l'idylle démocratique, s'efforce de plus en plus de repousser un peu plus loin la vilaine frontière de son impérialisme d'exclusion et d'externaliser le sale boulot vers les pays voisins.
L'ensauvagement progressif des appareils sécuritaires débridés, les atteintes au droit à tous les niveaux et la "mafiaisation" de la politique se superposent à la "normalité" démocratique : la société devient une image trompe-l’œil où des moments de dictature et de représentation parlementaire, de violence délimitée et de positivisme juridique se fondent les uns aux autres.