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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
L'actualité du texte est impressionnante et s'impose dès le début du propos. A ces lignes, qui ne pense aux dictateurs passés, présents et à venir.
Qui ne pense au peuple russe aujourd'hui, serviteur de Poutine. Ou encore au peuple chinois.
Comment ne pas penser à la résignation du peuple juif pendant la montée du nazisme.
Dans un autre registre, ne peut-on affirmer, comme le fait La Boétie, que l'habitude est vecteur de tyrannie, cette habitude aujourd'hui est aussi celle de l'emprise médiatique et des objets connectés.
La tyrannie pyramidale est parfaitement démontrée avec pour fondations jeux, favoritisme et corruption.
Alors suffit-il de dire non et de désobéir pour assister à l'implosion littérale d'un régime autocratique? Est-il si facile de dire non quand l'intégrité physique est en jeu?
Le diagnostic est implacable mais les moyens de lutter au delà du « non » individuel sont explicitement limités.
Toute l'ambivalence du texte est là.
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Etienne de la Boétie, passé à la postérité pour sa célèbre amitié avec Montaigne, que l'on a bien évidemment tous en tête, est devenu un peu moins célèbre que son grand ami car mort trop jeune, à 33 ans, mais il fut tout de même dans ce cours laps de temps sur terre, magistrat et homme de droit. Toutefois ce texte, qui est son unique et lui a valu sa renommée posthume, fut écrit bien avant à seulement 18 ans !
Car selon Montaigne, c'est en 1548 lorsqu'une révolte populaire contre la gabelle éclate et qu'elle se trouve réprimé dans le sang, que La Boétie aurait commencé à écrire son discours.
Dans ce texte, somme toute très court, une quarantaine de pages à peine, ce qu'il cherche à comprendre et à expliquer c'est pourquoi nous, les Hommes, acceptons-nous l'asservissement. Oui, pourquoi ? Vaste question qui pourrait remplir une bibliothèque entière, mais à laquelle La Boétie tente d'apporter quelques réponses. Il va le faire en puisant ses source de réflexion principales dans l'Antiquité. D'ailleurs ce texte aurait pu s'intituler « Discours de la servitude volontaire dans l'Antiquité » tant elle est omniprésente ! Si c'est un procédé qui a l'avantage de fournir un grand nombre d'exemples et de conférer à ses observations une aura intemporelle, il a en revanche l'inconvénient de devenir rapidement obscure pour quiconque n'aurait pas, comme lui, une vaste culture antique. Ce qui fut en l'occurrence mon cas, et bien que La Boétie explicite plutôt clairement ces anecdotes, j'ai déploré qu'il n'ait pas utilisé plus d'exemples contemporain pour étayer ses propos (car ce n'est pas les tyrans qui doivent manquer en ce milieu de XVIe siècle dans le monde !).
Quoi qu'il en soit de tous ces exemples greco-latins, il en tire un certain nombre de pistes : tout d'abord — et c'est ce que j'ai trouvé le plus intéressant —, il y a selon lui trois types de tyrans. Celui parvenu par les armes, celui parvenu par l'hérédité et enfin celui parvenu par élection. Encore une fois j'ai eu l'impression qu'il parlait davantage les deux premiers cas que du dernier, j'ai trouvé ça dommage car en tant que lecteur d'aujourd'hui c'est ce dernier qui nous parle le plus.
Quoi qu'il en soit, dans le fond, les conclusions qu'il en tire s'appliquent aux trois formes.
Et quelles sont donc ces conclusions ?
La Boétie estime que si les tyrannies perdurent et prospèrent c'est principalement du à l'habitude qui se forment chez les populations asservis. Autrement dit une forme d'accoutumance qui endort et ramollit toute velléité de résistance ou de réveil. Et pour peu que le régime tyrannique dure sur plusieurs générations, voilà toute notion de liberté réelle perdue, oublié dans le fond des âges, et la servitude transmise, collectivement et volontairement acceptée. Dans un phénomène paradoxale la masse en théorie plus forte que quelques uns, voit sa volonté faiblir et annihilée. Et effectivement, c'est à la fois très juste et très vraie, l'habitude chez l'homme, qu'elle soit collective ou individuelle, est la source de bien des maux et ce qu'il y a de plus difficile à corriger. L'aborder ici du point de vue de la société est original pour le siècle je trouve, en plus d'être extrêmement pertinent.
Cela dit, La Boétie nous montre que le pouvoir des tyrans repose sur de fragiles fondations ; l'adhésion par la peur (ou le mensonge), la longévité par l'habitude, l'abrutissement par les jeux et les plaisirs, des êtres pas ou peu aimé, toujours craint et bien moins protégé qu'on le croit. Finalement ce que l'on comprend entre les lignes et qui passe quasiment pour évident c'est qu'il suffirait de se soulever.
La Boétie ne le dit pas vraiment pas plus qu'il ne propose d'alternative, car ce texte est effectivement comme son titre l'indique, un discours, un plaidoyer plus qu'autre chose, l'amorce à une réflexion et à un recul sur notre propre condition.
La Boétie estime, tout comme Rousseau, que la liberté est l'état naturel des hommes, alors forcément toute entrave y serait par définition contre nature et effectivement on peut se demander si le fait même d'avoir des dirigeants, aussi lointains soient-ils de nos vies quotidiennes, n'est-ce pas une forme d'asservissement ? Je dis volontairement dirigeants et non tyran comme La Boétie car beaucoup de ce qu'il décrit et dénonce s'applique aisément de nos jours à ceux que l'on appelle simplement « dirigeants » ou « présidents ».
C'est pourquoi c'est un texte dont la résonance est intemporelle, hormis les références antiques, sa substance et les des idées qui y sont développées sont terriblement actuelles, et le seront, je pense, tant que les hommes vivront sur terre.
On lit et l'on ne peut s'empêcher de penser, pourquoi acceptons par simple habitude, par résignation, par passivité, le pouvoir de ceux qui ne nous font aucun bien ? Et combien de dictateurs dans le monde pourraient être renversés en moins de temps qu'il ne faut pour le dire si seulement leurs peuples se rendaient compte qu'ils leur sont supérieurs en force et en nombre ? C'est vertigineux.
Bref, c'est un texte qui ouvre une quantité de réflexion sur la nature de l'homme et sur nos sociétés, un texte passionnant, fondateur et que tout citoyen éclairé, ou qui veut l'être, devrait lire !
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Le "Discours de la Servitude Volontaire" de Étienne de la Boétie, oeuvre philosophique d'une profondeur remarquable, demeure un texte incontournable de la pensée politique. Ce traité offre une réflexion saisissante sur la nature du pouvoir et de la soumission. La Boétie n'avait il me semble que 23 ans lorsqu'il l'a écrit, impressionnant!

Dans un style éloquent, La Boétie expose la question centrale de la servitude volontaire, démontrant avec une clarté remarquable comment les peuples, par leur consentement tacite, peuvent se soumettre à des régimes tyranniques. À travers une analyse minutieuse des mécanismes de domination, l'auteur met en lumière la complicité des gouvernés dans leur propre asservissement, dévoilant ainsi les fondements psychologiques de la soumission.

Le discours de la Boétie transcende son contexte historique pour offrir une réflexion intemporelle sur les rapports de pouvoir et les dynamiques sociales. Sa pensée, d'une lucidité saisissante, résonne encore aujourd'hui dans les débats sur la liberté individuelle et la résistance à l'oppression.

Oeuvre d'une rare pertinence, le "Discours de la Servitude Volontaire" continue d'exercer une influence profonde sur la pensée politique moderne, invitant les lecteurs à questionner les fondements de l'autorité et à défendre les valeurs de liberté et de dignité humaine. L'avoir étudié en classe préparatoire m'a beaucoup apporté!
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Ce texte de la Boétie est étonnant. Au coeur d'un 16ème siècle où la royauté est omnipotente, cet auteur proclame en gros, libérez-vous du joug du tyran. Si une, 100 ou mille personnes cèdent au pouvoir d'un, voire de plusieurs dictateurs, un million de citoyens peuvent faire tomber ce pouvoir omnipotent.

Aujourd'hui, quelques personnes, possédant la presque totalité des richesses, font la loi sur toutes les autres, minoritaires en matière de biens mais largement majoritaires en nombre de citoyens. Ces conquérants des biens matériels, donc politiques, ne s'intéressent ni aux gens, ni au réchauffement climatique, ni à la perte de la diversité. Qu'attendons-nous pour appliquer les préceptes de la Boétie ? Comme Stéphane HESSEL auquel j'assimile ce jeune homme du 16ème siècle, "Indignons-nous !"
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Je n'avais jamais lu ce classique de l'histoire des idées, c'est chose faite. Ce petit livre est très marqué par son époque dans son style d'écriture, mais le propos n'a pas pris une ride. Concernant le style, Étienne de la Boétie s'adresse à son lecteur presque comme au cours d'une conversation : il multiplie les exemples, digresse, revient à un argument déjà évoqué, au point que ces détours rendent la structure de l'ouvrage difficile à appréhender. Non que cela rende la lecture déplaisante ou le propos obscur, mais on est loin d'une démonstration au sens propre du terme. Une autre marque de l'époque, propre à sa culture dominante, est le recours systématique à des exemples tirés de l'Antiquité. de nombreux commentateurs ont remarqué que cela permettait également à l'auteur de s'éviter les foudres de ceux de ses contemporains qu'il visait plus ou moins directement.

Le Discours de la serviture volontaire est un grand texte, écrit par un tout jeune homme qui y fait preuve d'une étonnante maturité. Si je peux me permettre un conseil (de lecture), il sera utilement complété par Lune noire, petit livre de John Steinbeck qui me semble illustrer parfaitement le propos de la Boétie, quelques quatre cents ans plus tard.
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Discours de la servitude volontaire est mon essai préféré, tout simplement parce qu'il est limpide, concis et d'une portée imparable pour les esprits qui l'ont lu. Ce petit manuel relativement court devrait être obligatoire au programme des collégiens ou des lycéens, tellement il éclaire sur les mécanismes de servitude des citoyens au pouvoir en place qui nous dirige.
C'est d'ailleurs sûrement, une des raisons, pour laquelle les politiques n'en parlent jamais, trop dangereux, le peuple pourrait décider de ne plus obéir servilement.
Le génie de ce texte est d'expliquer avec clarté les différents types de dirigeants auxquels nous pouvons être soumis et les conséquences qui en découlent :
- Les tyrans qui s'emparent du pouvoir par la violence,
_Ceux qui dirigent par succession héréditaire
- Et enfin les derniers, élus par le peuple.
Mais là ou résonne le mieux ses propos, c'est dans la croyance bête des citoyens de penser qu'une fois leurs représentants élus, ils seront bien gouvernés dans le sens de leurs intérêts. En fait l'auteur nous démontre le contraire, une fois élus, les dirigeants commandent souvent selon ce qu'ils croient bon pour nous et vont donc dans une direction néfaste pour le peuple. C'est là, que La Boétie nous tance, en arguant du simple fait, citoyens ne vous soumettez plus, ne servez plus votre chef présumé, créant la première désobéissance civile officielle de l'histoire tout en insistant bien sur la nécessité de ne pas recourir à la violence contre des dirigeants élus.
Son mot d'ordre est simple : brisons pacifiquement les chaînes que tous nous nous sommes données !
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Étienne de la Boétie est un jeune homme de 16 ou 18 ans quand il écrit cet essai, il sera publié entièrement après sa mort.
La Boétie s'interroge sur la raison profonde qui force les peuples à se remettre entièrement à un tyran, à donner consciemment leur liberté contre une vie de servitude. Il tente de nous dire que les animaux eux-mêmes ne vivent pas bien la servitude, qu'ils nous le rappellent. Que seuls une poignée d'animaux s'y habitue. Il prend l'exemple des chevaux fiers d'êtres parés ainsi, réduits à l'esclavage par l'homme.

Il semble trop tôt dans l'Histoire pour parler de mythe de l'État de Nature, mais ce que nous dit La Boétie c'est que l'homme avant d'être sous le joug d'un tyran est libre. Il nous dit que l'homme avant cette condition de servitude est indépendant et libre. Il ne va pas plus loin dans cette réflexion, mais nous pouvons imaginer qu'un État préexistant à la servitude existe dans l'esprit de la Boétie, mais pas forcément comme le mythe de Rousseau.

Bien entendu, le seul tyran ne pourrait faire appliquer sa loi à tout le peuple par sa seule force, il a besoin de bras. C'est de cette manière que se constitue une société pyramidale qui repose sur des privilèges, des avantages pour garder ces gens loyaux. le tyran va avoir quelques ministres qui vont eux-mêmes avoir des gens autour d'eux et ainsi de suite jusqu'à arriver à une force conséquente. Ces forces ne reposant que sur l'intérêt pécuniaire, le tyran ne pourra jamais être entouré d'ami et ne pourra jamais faire confiance à quiconque.

Il pousse à la réflexion sur le consentement que l'on a à donner notre pouvoir politique, au sens d'administration de la cité, à des personnes qui ne le méritent pas forcément. Mais finalement qu'est-ce que donner sa liberté ?

La Boétie prend l'image caricaturale d'un despote qui prend les jeunes filles, envoi les fils à la guerre et tue les parents sous l'impôt. À partir de cette image, il en fait découler un argumentaire qui montre que le peuple ne devrait pas s'en remettre à ce genre de personne. Mais nous pouvons imaginer que la liberté fait peur. En effet, être libre c'est être indépendant, c'est ne dépendre de personne, devoir s'occuper de tout, tout seul. La liberté peut être effrayante pour certains. Et je vous renvoie à la fable du chien et du loup là-dessus.

Mais ce qui m'a le plus intéressé c'est la manière dont il décrit le pouvoir et l'organisation qui se fait autour. La manière dont des personnes vont profiter du pouvoir du dominant pour tirer la couverture à eux. C'est pour cela qu'un tyran peut rester des années durant au pouvoir, parce que le fait qu'il soit au pouvoir permet à d'autres d'en tirer quelque chose, des revenus, du pouvoir politique, des privilèges. Et que ces ministres vont en faire profiter d'autres personnes, tout cela jusqu'à la base de la pyramide. C'est de cette manière que des personnes vont collaborer au pouvoir sans vraiment partager les idéaux du tyran. Mais ils vont être sûrs de ne pas être trop lésés par le pouvoir de celui-ci en faisant partie de sa cour.

Ce livre est aussi présenté comme étant humaniste, nous sommes en effet dans la bonne période. L'introduction qui démarre sur l'Odyssée et Ulysse ne peut que nous faire penser aux humanistes. Il nous parle aussi de Thémistocle, de Léonide. C'est un condensé de culture helléno-latine qu'il nous livre.

C'est un texte plaisant et particulier puisque c'est un questionnement sur le pouvoir et la manière dont les gens normaux se soumettent à lui. L'auteur, en pleine jeunesse, ne comprend pas pourquoi l'on refuse la liberté pour se laisser dominer par un monarque. Et c'est en cela que c'est plaisant de le lire puisque c'est une critique, un peu naïve, mais qui pousse à réfléchir sur la manière dont les peuples tolèrent des dirigeants qui ne leur sont pas forcément bons. Et surtout sur la manière dont les peuples peuvent un peu trop facilement léguer leur liberté au premier « héros » venu.
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Petit brûlot contre la tyrannie.
La Boétie montre que celle-ci ne peut s'établir que parce que les peuples volontairement se soumettent au tyran, qui n'a pas les moyens de faire respecter sa volonté par lui-même - par paresse, par habitude, parce qu'ils n'ont jamais connu que la servitude. Il montre aussi comment le tyran corrompt et attire tous les hommes qui lui ressemblent et ainsi peut établir son pouvoir et le maintenir grâce à la collaboration de milliers de "petits tyranneaux" qui tentent de tirer leur épingle du jeu.
C'est une vision assez pessimiste quant au jeu politique car la tyrannie paraît inéluctable. Ceci dit, je le trouve un peu optimiste sur la nature humaine quand il pense que, libres, les hommes seraient capables de vivre en harmonie mais passons…
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Étienne de la Boétie (1530-1563) fait partie de ces célébrités dont la brièveté de l'existence ne leur a pas empêché de marquer l'histoire. La Boétie a vécu une vie brillante et brève comme celle d'une comète. On connaît tous ce que Montaigne disait à propos des liens d'amitié qui le liait à La Boétie : « Parce que c'était lui, parce que c'était moi ». Cette amitié intellectuelle et humaine s'est révélée très tôt, Montaigne est impressionné par le discours de la Boétie sur la servitude volontaire rédigé vers l'âge de 18 ans. Ce texte d'une vingtaine de pages est resté célèbre à la fois pour sa critique violente du pouvoir politique, mais aussi pour l'érudition et la profondeur de pensée dont témoigne cet adolescent. Curieusement, la citation qui résume le mieux l'oeuvre de la Boétie et qui lui est attribuée à tort a été formulée par un député girondin Pierre Vergniaud en 1792 « Les grands ne sont grands que parce que nous sommes à genoux ». La thèse de la Boétie est la suivante : Les gouvernants conquièrent et maintiennent leur pouvoir en entretenant la peur afin de maintenir dans la suggestion le peuple qui se soumet au pouvoir en place par la force de l'habitude et de l'éducation. D'une certaine manière le peuple est responsable de son aliénation, car il n'ose pas s'insurger contre une minorité qui organise une hiérarchie à plusieurs niveaux pour assurer sa domination. On peut dire que La Boétie a inspiré le courant philosophique de l'anarchie qui soutient que si l'homme est rationnel il n'a pas besoin de gouvernant pour gérer sa vie.

Le génie de la Boétie tient dans des idées simples, parfaitement exprimées et démontre un certain courage à une époque ou toute rébellion à l'autorité était sévèrement réprimée.

Ce texte est incontournable pour tous ceux qui s'intéressent à la politique et à la philosophie et ne représente pas un très gros effort de lecture. Toutefois je conseille de le lire dans une édition en français moderne ce qui n'est pas le cas du texte publié dans la collection Librio qui reproduit quasiment le texte du manuscrit d'origine avec les tournures de phrases et le vocabulaire du début du XVIe siècle. J'ai dû consulter souvent des dictionnaires anciens pour déchiffrer certains passages comme celui-ci : « … Lesquels pensera-l'on qui plus gaillardement iront au combat, ou ceux qui espèrent pour guerdon de leurs peines l'entretènement de leur liberté, ou ceux qui ne peuvent attendre autre loyer des coups qu'ils donnent ou qu'ils reçoivent que la servitude d'autrui ?... » (Page 11/12). Ce qui en français moderne pourrait être ainsi traduit : « Lesquels iront le plus courageusement au combat : ceux qui espèrent pour récompense le maintien de leur liberté, ou ceux qui n'attendent pour salaire des coups qu'ils donnent et qu'ils reçoivent que la servitude d'autrui ? »

Il est évident que lire le texte dans sa formulation d'origine ne présente d'intérêt que pour le lecteur qui s'intéresse à l'ancien français. Ce choix de l'éditeur est étonnant pour une collection de vulgarisation qui vise un public de lycéens ou de lecteurs qui souhaitent améliorer sa culture générale et non pas se présenter au concours d'entrée de l'école des chartes.

Le texte est complété par un discours de Benjamin Constant sur la liberté et la démocratie comparés entre l'antiquité et nos jours prononcé en 1819 et par la fable De La Fontaine « Le loup et le chien », si ce dernier texte était utile pour illustrer le propos de la Boétie, le discours de Benjamin Constant n'est là surtout que pour rajouter quelques pages à un volume très mince, mais il est vrai très bon marché (2 euros).

Si vous souhaitez lire la Discours de la servitude volontaire, orientez-vous vers une édition en français moderne complétée par un appareil critique.

Je note 4 étoiles pour l'oeuvre de la Boétie, mais je ne mettrais que 1 ou 2 étoiles pour le travail de l'éditeur.

— « Discours de la servitude volontaire », Étienne de la Boétie, Librio (2015), 73 pages.
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« En 1548, sous le règne d'Henri II, éclate à Bordeaux une révolte populaire contre l'impôt sur le sel, qui fait l'objet d'une sanglante répression par le connétable de Montmorency ; c'est à cette date, selon Montaigne, que la Boétie commence à écrire le Discours de la servitude volontaire ou Contr'un. »

Voilà donc, selon la courte biographie intégrée au livre, l'origine de cet essai qui a traversé les siècles, le plus souvent en classe économique, pour arriver jusqu'à nous. Ce texte que je découvre est impressionnant de force et de conviction ; une réaction pamphlétaire aussi violente que l'acte odieux qui l'a provoquée. La charge est lancée contre l'absolutisme bien avant que ce terme ne soit effectif. C'est le gouvernement d'un seul qui est honni : la tyrannie.
Étienne de la Boétie s'étonne et s'offusque qu'il soit possible à un seul homme de priver de liberté une foule, une nation. Il suffirait que la foule dise « non », et s'en serait fini. Pourtant ce type de gouvernement d'un seul existe largement. Pourquoi ? Essentiellement parce que le peuple se laisse faire, est trop paresseux, trop mouton, accepte l'inacceptable avec philosophie. C'est le peuple lui-même qui s'enchaine.
Plus loin, il convient que le seul tyran n'est jamais si seul ; il attire à lui d'autres hommes qui trouvent un profit à exploiter ceux plus bas qu'eux dans la structure pyramidale du joug. Mais il ne remet pas en cause son idée première malgré cela.

On ne peut qu'apprécier (j'espère) ce coup de semonce contre les régimes tyranniques abusant de leur autorité. Les exemples continuent d'empuantir le monde. Mais j'ai eu l'impression qu'on pouvait interpréter ce texte comme l'affirmation que la liberté individuelle est naturelle et suprême, dans le sens où on ne doit jamais obéir à personne. Un discours d'anarchie absolue où la notion de loi même ne devait pas exister car elle limite forcément les mouvements de la liberté absolue. C'est la notion transportée par le diction « la liberté s'arrête là où commence celle des autres » qui m'a semblé battue en brèche.
Après réflexion, je ne pense pas que La Boétie souhaitait aller jusque là.

J'ai parfois tiqué sur l'argumentation. J'ai repéré des sophismes. J'ai trouvé certaines interprétations de l'Histoire antique un peu trop restreintes. Je comprends par exemple que l'auteur applaudisse l'union des Grecs affrontant la Perse, mais il ne dit rien de l'impérialisme d'Athènes – une démocratie – sur la ligue de Délos. Faut-il considérer que, selon lui, les cités grecques libres passant des siècles à se battre en elles représente une situation enviable ? Lorsque Étienne de la Boétie dit qu'il hait Jules César et adore ses assassins qui défendaient la République, considère-t-il que la République aristocratique qui se moquait probablement du peuple était un meilleur modèle ? Cela peut se discuter.

Vu la violence de l'assaut sur la royauté, je me suis demandé quelle avait été la réception du texte par les Valois. C'est la mini biographie qui m'a éclairé : il n'y a pas eu réception. le texte n'a pas été publié. Après la mort de la Boétie, son grand ami Montaigne ne le publie pas de crainte qu'on en fasse un usage subversif. Il n'est publié dans son intégralité qu'au XIXe siècle. de fait, la vie de la Boétie est tout à fait intégrée au système. Elle n'a rien d'anarchiste. Cela plaide pour une interprétation de ce texte comme un « coup de sang » généré par l'événement décrit au début de ce billet, et par extension comme un appel au peuple pour qu'il reste en alerte, qu'il ne se laisse pas endormir et surveille ses dirigeants.
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