La nouvelle coupe la nuit en deux.
L'appel téléphonique fatal
que tout homme d'âge mûr
reçoit un jour.
Mon père vient de mourir.
J'ai pris la route tôt ce matin.
Sans destination.
Comme ma vie à partir de maintenant.
Dès que j'arrivais dans un nouvel appartement
je disposais mes bouquins sur la table.
Tous déjà lus et relus.
Je n'achetais un livre que
si l'envie de le lire était plus forte
que la faim qui me tenaillait.
Pour les trois quarts des gens de cette planète
il n'y a qu'une forme de voyage possible
c'est de se retrouver sans papiers
dans un pays dont on ignore
la langue et les moeurs.
On se trompe à les accuser
de vouloir changer
la vie des autres
quand il n'ont
aucune prise
sur leur propre vie.
La nourriture est la plus terrifiante des drogues. On y revient toujours : pour certains au moins trois fois par jour, pour d'autres une fois de temps en temps.
Chacun porte en soi la même somme d'énergie à dépenser sauf que la flamme est plus vive quand son temps pour brûler est plus bref.
Le dictateur m’avait jeté à la porte de mon pays. Pour y retourner, je passe par la fenêtre du roman.
Si un gosse de riche qui se fait kidnapper par un gang devient, après deux semaines, chef de gang à cause du syndrome de Stockholm, alors pourquoi un criminel qui passe des années en prison ne devient-il pas policier à sa sortie?
C'est quand même étonnant, cette absence de la faim comme thématique qui pourrait intéresser les artistes toujours en quête de sujets. Très peu de romans, de pièces de théâtre, d'opéras ou de ballets ont la faim comme thème central. Et pourtant il y a aujourd'hui un milliard d'affamés dans le monde. Est-ce un sujet trop dur? On exploite bien la guerre, les épidémies, la mort sous toutes les formes possibles. Est-ce un sujet trop cru? Le sexe s'étale sur tous les écrans de la planète. Alors pourquoi? Parce que cela ne concerne que des gens sans pouvoir d'achat. L'affamé ne lit pas, ne va pas au musée, ne danse pas. Il attend de crever.
Scène 8 : Dans un bar, on discute de suicide. Je suis toujours impressionné par ce que cela prend de courage pour se donner la mort. Ce type à côté de moi me dit qu'il a déjà fait deux solides tentatives de suicide, mais qu'il ne pourrait supporter une seule journée d'exil. Moi, c'est le contraire, je ne crois pas pouvoir survivre au suicide.
La littérature, comme le crime organisé, à son réseau.