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EAN : 9782021038880
267 pages
Seuil (10/04/2014)
4.07/5   7 notes
Résumé :
Sang, tissus, cellules, ovules : le corps humain, mis sur le marché en pièces détachées, est devenu la source d’une nouvelle plus-value au sein de ce que l’on appelle désormais la bioéconomie. Sous l'impulsion de l'avancée des biotechnologies, la généralisation des techniques de conservation in vitro a en effet favorisé le développement d'un marché mondial des éléments du corps humain.

Ce livre passionnant éclaire les enjeux épistémologiques, politiqu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Dépolitisation des questions de santé publique et biologisation des identités citoyennes
En introduction, Céline Lafontaine indique « Il s'agit d'analyser et de comprendre comment « la vie en elle-même », c'est à dire l'ensemble des processus biologiques propres à l'existence corporelle, est désormais au coeur d'une nouvelle phase de la globalisation capitaliste : la bioéconomie ».

Non pas la marchandisation du corps d'un-e être humain (le plus souvent d'une femme), comme un ensemble (gestation pour autrui (GPA) ou prostitution), mais le corps humain comme matière organique, le corps « décomposé en une série d'éléments (gènes, cellules, organes, tissus) ».

L'auteure ajoute « l'individu est conçu comme un entrepreneur devant investir dans son capital biologique ». Cette « responsabilité » individuelle est une des dimensions imposées par le néolibéralisme. Ici, par exemple avec le corps-marché, ou dans la notion de « capital humain » qui vise à transformer chaque salarié-e en petit-e- entrepreneur-e de sa propre vie. Dans un cas comme dans l'autre, les rapports sociaux n'existent plus et des femmes et des hommes se feraient face comme individu « libre et non faussé »…

Céline Lafontaine souligne, entre autres, l'invisibilité construite des mécanismes d'appropriation « des éléments du corps humain et la privatisation des retombées de la recherche », la légitimation sociale de « l'usage humain des êtres humains » dans les luttes contre les maladies (cancer, maladies dégénératives) ou le traitement de l'infertilité.

L'auteure analyse la place et les pratiques de l'industrie biomédicale. Et elle n'en reste pas à une analyse « économique » d'un secteur particulier. Elle montre les enjeux épistémologiques, politiques et éthiques de la récupération de tissus humains, de l'appel au don, de la production d'embryons surnuméraires. Elle parle aussi de tourisme médical, de valorisation du corps parcellisé, de sous-traitance des essais cliniques, d'exploitation du corps féminin, de vie réduite à sa productivité, etc.

En partant de l'analyse de « l'individualisme triomphant » et de « la logique identitaire associée au culte de la santé parfaite » et de ses prolongements en termes de rêve « d'une croissance illimitée et le fantasme d'une jeunesse éternelle », l'auteure dévoile un pan du fonctionnement internationalisé du capitalisme néolibéral.

Ses sources, tant médicales, que sociologiques ou philosophiques, lui permettent d'aborder globalement « la marchandisation de la vie humaine à l'ère de la bioéconomie ».

Je ne mets l'accent que sur certains points traités.

Nous ne sommes pas ici dans le monde de l'usage de la force de travail, mais bien de l'exploitation du corps « comme ressource, comme matière première ».

Céline Lafontaine parle de la plasticité intrinsèque de certaines cellules, de la capacité de la techno-science à manipuler, modifier, détourner, augmenter « les potentialités vitales des composantes du corps humains », des processus de médicalisation… Elle souligne l'importance du passage du in vivo à l'in vitro, de l'externalisation des cellules et des tissus humains, de la reconnaissance juridique de la mort cérébrale.

Je souligne les critiques de la survalorisation des individus hors de toute analyse de rapports sociaux, de la transformation de questions politiques en questions d'ordre bio-médical, de la croissance de la médicalisation de la vie quotidienne, de l'extension du droit de propriété sur le vivant, de l'autre face « du don », de la place du « consentement éclairé », des bio-banques…

Les pages sur les ovocytes, les cellules sources, la « regénération », la place de « l'enfant biologique », de l'embryon et de ses statuts juridiques sont particulièrement éclairantes. de même que celles sur les contradictions de « la condition du corps biologique écartelé entre deux mouvements opposés : celui de sa mise en valeur comme ressource biologique et celui de sa survalorisation comme support identitaire »

L'auteure traite aussi de pèlerinages thérapeutiques, d'économie de la promesse, de privatisation, des asymétries entre pays riches et pays dit en développement, d'invisibilisation des inégalités sociales

Un livre important au croisement de multiples débats actuels. Au delà des formulations de l'auteure, dont certaines me paraissent plus que discutables, une invitation à enrichir les recherches sur de nouvelles extensions du capitalisme, le corps reproductif… Pour aborder l'ensemble de ces questions, non d'un point de vue « technique », mais bien politique « La valorisation de la vie biologique individuelle participe de la dépolitisation des sociétés occidentales ». Sans oublier que « l'individu ne possède pas son corps, il est son corps »

Lien : https://entreleslignesentrel..
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Pas très facile à suivre, il faut lire le livre en prenant un peu de recul (aller vite sur certains passages) pour en comprendre l'essence ! Mais on en sort franchement effrayé, parce que les considérations économiques et politiques s'assoient carrément sur l'éthique et le philosophique, le capitalisme s'empare de notre corps sans aucune retenue.
Depuis ce livre on peut encore un peu plus jouer avec les cellules (avec Crips-cas9) et les chinois ont annoncé qu'ils avaient réussi à modifier la génétique humaine.
Tout est possible, et on ne voit pas ce qui pourrait empêcher la réalité de rejoindre la fiction (exemple du livre de Kasuo Ishigruro, auprès de moi toujours). L'approche du livre est complète et particulièrement bien argumentée et documentée.
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Je pensais qu'il s'agirait principalement de GPA. Pas du tout, c'est un propos très général sur l'opinion négative qu'il faudrait partager entre l'économie d'un système et la vie d'un individu - difficile d'être plus précis. Je peine toujours à suivre des essais qui font avancer leur argumentation à coup de citations et de pseudo-synthèses prétendument objectives à raison d'une référence par page : une page sur Agamben, une page sur Foucault, une page sur Arendt, une page sur on ne sait quelle sociologue, et puis on passe au chapitre suivant - surtout quand cela se fait avant de poser le problème. On ne saisit absolument pas de quoi on veut nous entretenir en particulier et quelle opérativité ce texte devrait trouver.
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Les nouvelles technologies et l'essor du marché ont permis la création d'une "bioéconomie" mondialisée. L'exploitation du corps des humains ne date certes pas d'hier mais, à présent que la chair dont nous sommes fait peut, comme celle des autres animaux, être assez aisément morcelée, étudiée, conservée et transportée à travers le monde, tous les processus biologiques peuvent être utilisées aux fins les plus diverses pour soigner, prolonger la vie, éventuellement la régénérer et même investir dans un "capital santé" comme on investit en bourse. Des banques de sang, d'organes, de tissus, de cellules et de gamètes ont pu ainsi être créées. Bien que la rhétorique de l'industrie médicale porte aux nues la notion de don, celle-ci repose en très grande partie, pour ne pas dire quasi-exclusivement, sur la commercialisation du corps des populations les plus défavorisées. Les femmes, à cause de leur rôle reproductif, sont particulièrement exposées à cette exploitation, leur corps pouvant être utilisé comme réserve de cellules thérapeutiques ou pour porter des enfants à la demande. Les ovules, les cellules souches embryonnaires ou foetales, ainsi que celles du cordon ombilical pouvant être utilisées aussi bien pour engendrer de nouvelles vies que pour régénérer des tissus ou des organes vieillissants ou endommagés. L'auteure se positionne en féministe matérialiste plaidant pour un retour à une vision intègre de la personne, un ouvrage de référence indispensable.
Lien : https://leventdanslessteppes..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Il s’agit d’analyser et de comprendre comment « la vie en elle-même », c’est à dire l’ensemble des processus biologiques propres à l’existence corporelle, est désormais au cœur d’une nouvelle phase de la globalisation capitaliste : la bioéconomie
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La valorisation de la vie biologique individuelle participe de la dépolitisation des sociétés occidentales
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l’individu ne possède pas son corps, il est son corps
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Associé à l'effort de guerre, le don de sang a, en quelque sorte, servie de substitut symbolique au sang versé pour la patrie dans l'imaginaire politique des États-nations.
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