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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Dans la torpeur tropicale d'Haïti, riches et pauvres, corrompus et serviles se côtoient ou s'ignorent.

Incorruptible, le juge Berthier a été assassiné alors qu'il enquêtait sur le meurtre d'un informaticien. 

Dans un roman qui met tour à tour en lumière des personnages de tous les milieux, on croise Brune  Berthier, fille du juge et chanteuse, son amoureux Cyprien, un avocat qui rêve de belles voitures, Pierre son oncle, qui a dû quitter l'île dans sa jeunesse pour courir ses amours loin de ses parents ...

Pierre, malade, est revenu au pays et enquête sur la mort de son beau-frère. Il réunit autour de lui les amis de Brune, Ezéchiel le poète maudit chef de file des manifestations, Cyprien, Ronny l'américain pour qui Haïti est une seconde patrie, Nerline, une militante féministe tandis qu'à leur périphérie rôde Joubert, l'homme de main à la gâchette facile ...

On y verra comment les rêves de chacun peuvent tourner la réalité en cauchemar, comment les rêves de richesse et de belles voitures font perdre la pureté de l'âme, comment les amours naissent et meurent, comment la plastique parfaite et artificielle leurre les hommes avides de sexe ...

Un roman qui m'a plongée dans cette atmosphère poisseuse où la mafia locale n'en porte pas le nom mais use des mêmes méthodes que ses consoeurs italianisantes, où la corruption poilitique et judiciaire risque d'entraver encore longtemps l'espoir d'évolution qui ne peut se trouver que dans l'exil ... 

Un roman qui s'achève sur la tragédie du Bataclan, signe que la violence t l'horreur sont planétaire et que nul n'en est à l'abri. 

Un auteur que je viens de découvrir mais dont je vais m'empresser de rechercher d'autres ouvrages, tant sa prose poétique, fine et délicate m'a plu dans sa description d'un pays aimé et décevant.   
Lien : http://les.lectures.de.bill...
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« Je suis d'un lieu que je ne peux plus toucher, dont je ne peux plus sentir le souffle. » Ce lieu, c'est Haïti, non pas celui des télévisions et de brochures de vacances, pas même celui des journalistes qui viennent conforter leurs lieux communs sur les dictatures, mais celui de tous les jours, avec ses misères, ses injustices, sa corruption, mais aussi ses petits plaisirs au quotidien, ses rêves, sa chaleur humaine… Celui à qui Yanick Lahens avait déjà donné la parole dans Bain de lune. Une énigme, ici encore, sert de fil rouge au récit, une de ces violences quotidiennes sur lesquelles il est sage de ne pas s'arrêter. le juge Berthier a été assassiné. Sa fille Brune, chanteuse au Korosòl restau-Bar, veut savoir par qui, et pourquoi, aidée par son oncle, homosexuel désabusé qui vit reclus dans sa maison où se retrouvent périodiquement quelques amis.
Autour d'eux gravite tout un monde d'amis, de parents, d'amants ou de vagues connaissances. Cyprien, élève du juge Berthier et stagiaire dans un cabinet d'avocats, est l'amant de Brune. le profil idéal pour mener l'enquête, mais il n'espère qu'une chose : échapper à sa condition et gravir les échelons sociaux. Pour cela, il vaut mieux n'avoir rien vu et montrer patte blanche à la mafia locale. Alors, Francis, le journaliste français envoyé en reportage ? L'enquête, c'est son métier, mais il n'est pas là pour résoudre un meurtre : il rêve de découvrir le « vrai Haïti », conscient toutefois qu'il doit conforter ses lecteurs dans leurs stéréotypes. Et puis, Ézéchiel Estinvil, le poète ; Nerline et Waner, qui militent pour le droit des femmes et la non-violence ; Rony, l'exilé américain ; Thérèse, la veuve du juge… Tous sont prisonniers de leur monde, d'un rêve qui les aide à vivre, d'une histoire douloureuse qu'il est plus urgent d'affronter. « Ici, vivre, c'est dompter les chutes ». le roman progresse par petites touches, petites scènes, qui ont l'air ne n'avoir aucun rapport entre elles mais qui conduisent à leur rythme vers la solution de l'énigme.
On peut trouver cela confus, ou en tout cas décousu. Mais le roman est à l'image du pays : « Ici, il faut tout prendre. » Caractéristique de cette confusion volontaire entre des personnages enfermés dans le même chaudron, l'incertitude des pronoms personnes, le je, le tu et le il pouvant, dans un même paragraphe, désigner la même personne dans un discours direct ou indirect libre, ou dans une apostrophe à lui-même… Passant sans cesse du récit au ressenti et du rêve à la réalité, le lecteur soit s'abandonner au rythme que lui impose la romancière. D'ailleurs, l'énigme elle-même n'est qu'un artifice vite oublié, et vite réglé à la fin du roman. Un crime ? Allons donc ! « le seul crime, sous nos cieux, c'est celui d'être né et d'être sans pouvoir. »
Ce n'est pas dans l'intrigue qu'il faut chercher le fil rouge du récit, mais dans une image, celle du chaudron, et dans un leitmotiv, celui des voitures. le chaudron est l'image de la société haïtienne : « il faut viser l'écume pour ne pas aller racler le fond », est-il précisé d'entrée de jeu. La métaphore est filée tout le long du livre : la vertu du chaudron est de tenir au chaud les uns contre les autres ; regarder en arrière risque de faire retomber au fond ; la promotion sociale se mesure à la puissance du climatiseur, car « au-dessus de l'écume, on ne transpire pas » ; et lorsque la danseuse d'un cabaret chic ôte son slip, le chaudron n'existe plus. La métaphore est parfois un peu trop insistante, mais accompagne l'ascension de Cyprien et apaise ses éventuels remords.
Quant aux voitures, elles incarnent le statut social de chaque personnage. Cyprien saura qu'il est dans l'écume quand il troquera son Audi contre une Porsche. Il en va de même pour tous les protagonistes. La vieille guimbarde borgne est à l'image de Nerline, Waner et Ézéchiel qui s'y entassent ; Jojo Piman Piké, le petit tueur sans envergure, se fait appeler chef, patron ou direk (directeur) au volant de sa Suzuki Vitara, « son bijou, son passeport » ; les voitures officielles aux vitres teintées font la loi, mais qu'importe ? personne ne sait qu'il existe un code de la route. D'ailleurs, la voiture n'est-elle pas le symbole même de l'île, comme le clame une publicité ? « Tu es Audi, tu es Haïti, le pays de la quattro. » Les publicités finissent par « rendre l'improbable tout à fait vraisemblable ». Aussi, quand vers la fin une Audi « traverse une autoroute tout à l'intérieur de Cyprien », on se dit que son pays continue à vibrer tout au fond de lui…
Celui qui, peut-être, donne à ce roman la troisième dimension qui l'empêche de tomber dans l'article de magazine, c'est Francis, l'étranger, qui incarne notre regard sur un monde à mi-chemin du cliché touristique et de l'analyse idéologique. Devant un tel amas d'injustice, de misère, de révolte, il est persuadé que la révolution est proche, et se demande quand elle va éclater, avec ce mélange d'inquiétude et d'espoir de la vivre en direct. La réponse de son guide est une gifle. « Tu ne sais pas, eh bien, moi non plus, Francis. D'ailleurs, commence par la faire chez toi, la révolution, et après, on verra. » Touché ! Nous aussi, alors, nous nous demandons si tout va si bien que cela en France, et quel regard poseraient sur nous les Haïtiens, quels conseils ils nous donneraient… Pour certains d'entre eux, la France reste sans doute le rêve d'un lieu où « les vies ordinaires pouvaient encore être épargnées du fléau ». Non sans humour, le monde occidental leur évoque ces « barbelés-démocratie » importés par les troupes américaines… Fait-il vraiment rêver ? D'ailleurs, le roman se termine sur les attentats du Bataclan. le rêve né des magazines et des télévisions éclate soudain, et peut-être cela permet-il une salutaire lucidité. Car « chaque rêve qui porte sa part d'oubli du monde le détruit à petit feu, en mille morceaux ».
Alors, le rêve d'ascension sociale de Cyprien, le rêve de justice de Brune et de son oncle, sont-ils des pièges qui empêchent de voir le monde en face ? La réponse est dans un livre de Kopano Matlwa invoqué par la romancière : à l'institutrice qui demande à la petite Fikile ce qu'elle veut devenir quand elle sera grande, celle-ci répond : « Blanche, madame Zola. Je veux devenir blanche. » On se moque d'elle, bien sûr, mais n'est-ce pas ce que répondraient bien des personnages de ce roman, et sans doute de Haïtiens, qui rêvent des pays occidentaux ? « Je veux aller du bon côté de l'histoire. Une fois parti, je regarderai l'île à la télévision. M'exprimerai avec discrétion sur la conjoncture. » Quant à Brune, elle vivait dans son propre rêve de gloire internationale quand son père a été assassiné. C'est alors qu'elle a grandi. « Là, sous leurs yeux à tous, elle est devenue une femme. Comme si un arbre avait poussé ses racines tout à l'intérieur. » Alors, si elle finit par partir, c'est en semant des petits cailloux dans toutes les villes du monde pour ne pas perdre le chemin du retour.
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Le roman démarre par une sorte de prologue : une lettre que Raymond Berthier a écrit à sa femme car il sait ses jours comptés en raison de son combat contre la violence. La suite se déroule six mois plus tard. "Le juge Berthier a été assassiné, coupable d'être resté intègre dans la ville (Port-au-Prince) où tout s'achète." Je m'attendais à mener une forme d'enquête pour découvrir la vérité sur son assassinat. Si effectivement en refermant la dernière page, je connais les faits, Yannick Lahens, que je découvre à travers ce livre, nous invite à faire tranquillement connaissance de nombreux personnages. Tout d'abord Brune, la fille unique de Raymond et qui a bien du mal à se remettre du décès brutal de son père. Heureusement qu'elle a le chant pour continuer à donner un sens à sa vie. Pierre, le frère de Raymond, contraint à l'exil parce que son homosexualité était mal vue par la petite bourgeoisie haïtienne. Ezéchiel, le poète déterminé à échapper à son quartier misérable. Nerline, militante des droits de l'homme. Cyprien, le petit ami de Brune, jeune avocat qui rêve de s'offrir une belle voiture. Sans oublier Ronny l'Américain chez lui en Haïti, Francis, un journaliste français et Joubert, alias Jojo Piman piké. J'ai parfois eu du mal à m'y retrouver parmi tous ces personnages et en même temps, j'étais tellement sous le charme du style de l'écriture de Yannick Lahens que je trouve très poétique que cela ne me dérangeait pas vraiment. Au bout d'un moment, je me suis laissée bercer par les mots, les images qui me venaient à l'esprit, les odeurs et les saveurs que cela m'évoquait. Il est question de pauvreté, de violence, de corruption, de peur, de prostitution mais aussi d'amour, de chant, de poésie, d'amitié et le tout en 224 pages.
Encore une fois je suis conquise par le choix éditorial de Sabine Wespieser et je viens de réserver Bain de lune à ma médiathèque préférée pour prolonger mon chemin de lecture avec Yannick Lahens.
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En suivant une écriture parfaite au rythme soutenu je découvre l'Ile d'Haïti proche de la Colombie et de la Jamaïque ; sombre, dangereuse et mafieuse qu'il faut fuir.
L'âge aidant, la mémoire incertaine, m'impose des retours en arrière. Alors, la lecture plus lente, je découvre des pépites d'humanités qui donnent envie d'aller au fond du chaudron.
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Francis, un jeune journaliste français, vient d’arriver en Haïti lorsqu’il entend le soir de son arrivée, dans le resto-bar le Korosol, la voix intense de Brune, la chanteuse au charme magnétique. Il tombe sous le charme.
Le juge Berthier, qui n’est autre que le père de Brune, peut-être un des rares de son métier à être resté totalement intègre malgré les risques, vient d'être assassiné. Brune tente de continuer sa route malgré la douleur, le choc, la soif de comprendre. Cependant elle ne se résigne pas, et tente de comprendre pourquoi cet homme qui lui a tout appris est mort de façon aussi violente. Elle est aidée en cela par Pierre, son oncle. Ils sont assistés et soutenus par un cercle d’amis, proches et fidèles.
Cette enquête, et ses personnages sont un alibi parfait pour l’auteur qui va nous faire découvrir la face cachée de cette ile qui n’est ni paradisiaque ni horrible, mais bien un mélange subtil de tout cela. Là où semblent régner corruption et misère, pauvreté et solitude, l’auteur distille peu à peu les raisons sordides qui ont mené au meurtre, dissèque les relations entre ceux qui, intègres ou voyous, côtoient pour le meilleur et pour le pire ceux qui ont réussi. Dans Port-au-Prince, chacun cherche un nouveau souffle pour sortir de la pauvreté, dans ce paysage qui n’est ni idyllique, ni catastrophique, et dont le lecteur sent toute l’énergie et le souffle bouillonnants de vitalité.
chronique complète ici https://domiclire.wordpress.com/2018/01/19/douces-deroutes-yanick-lahens/

Lien : https://domiclire.wordpress...
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À Port-au-Prince, la violence n'est jamais totale. Elle trouve son pendant dans une « douceur suraiguë », douceur qui submerge Francis, un journaliste français, un soir au Korosòl Resto-Bar, quand s'élève la voix cassée et profonde de la chanteuse, Brune.
Le père de Brune, le juge Berthier, a été assassiné, coupable d'être resté intègre dans la ville où tout s'achète. À l'annonce de la mort de ce père qui lui a appris à « ne jamais souiller son regard », la raison de sa fille a manqué basculer. Six mois après cette disparition, tout son être refuse encore de consentir à la résignation.


Dans ce Port-au-Prince meurtri, on croise des personnages hauts en couleur : l'oncle de Brune, Ezéchiel le poète, Ronny l'Américain, Nerline militante des droits des femmes. Tous se questionnent sur ce que devient le pays. Tous s'interrogent sur ce qui a pu amener à la mort du juge. Tous se perdront dans les langueurs de la ville, dans cette douce déroute qu'est la condition d'être humains. « Un moment d'attendrissement, un pied qui glisse faute de vigilance, et hop, la chute ».

J'ai retrouvé avec plaisir la magnifique écriture de Bain de Lune, prix Fémina 2014, qui nous avait déjà emmené dans la capitale haïtienne. Comme pour son roman précédent, elle ne nous cache rien de la violence qui y règne, mais aussi de la musique et de la poésie sous-jacentes, qui nous entraînent dans la beauté de la langue française mêlée à des rythmes insulaires.

« Les mots éclairent tous les avants. Avant les orages. Avant les tempêtes. Avant les incendies du monde. Avant les grisailles de l'âge. » « Les mots s'enchaînent d'un poème à l'autre. Ces mots qui ne disent que cet amour qui manquera toujours à tout amour. Toujours. D'une voix à l'autre. Brûlants. A couper le souffle. A hurler. A mourir là, sur place, en silence. »

Yanick Lahens nous transporte dans un Haïti que les médias ne rendent pas, un Haïti du quotidien, loin des lieux communs. En bref, encore un très beau roman de cette romancière prometteuse, que je suivrai avec attention à l'avenir !
Lien : https://missbouquinaix.com/2..
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