« Mon frère t'es mort. […] T'es tellement mort ».
Je suis tellement fatiguée que tu sois mort.
La narratrice vient de perdre son frère. Elle a du mal à s'en remettre et cette mort devient une obsession tout au long du roman. Au fil des mois, elle se répète qu'il est mort, mais ne peut s'empêcher de s'adresser à lui.
Elle est également obsédée par leur passé commun. Une enfance difficile, car derrière la façade de famille de banlieue prospère, leur père souffrait de maladie mentale grave. À travers ses crises et ses hospitalisations, les enfants devaient faire comme si de rien n'était, montrer patte blanche.
Une histoire tragique, poignante, d'autant plus triste quand on apprend que c'est autobiographique...
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« On a eu un père volant qui faisait des arabesques dans le ciel. On a vu notre père voltiger au-dessus de la table de cuisine et réciter des formules magiques de mathématiques. Un père théorique qui s'envolait sous nos yeux ébahis. On a été éberlués à jamais. Interdits. » (p. 68) C'est avec son frère que la narratrice partageait le poids d'une enfance auprès d'un père qui avait des troubles importants de santé mentale, un père brillant mais grandement dysfonctionnel, et qui faisait des séjours fréquents en psychiatrie. Pilier de son enfance, ce frère vient de mourir. Elle lui écrit, dans ce qui prend la forme d'une sorte de journal de deuil, particulièrement éclairant sur le plan de la difficulté à se construire lorsque tout vacille. La page, non remplie, comportant un paragraphe, parfois même une phrase seule, ajoute du poids aux mots sur lesquels je me suis arrêtée davantage. Un bel ouvrage sur le manque et l'absence.
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Une mer de répétitions ! Celles-ci peuvent être la marque d'un manque de vocabulaire ou un effet de style. J'opte pour la deuxième explication. Ici, la narratrice n'a que deux sujets pour ses fragments : la mort de son frère ( à qui elle écrit ) et la maladie psychiatrique de son père qui a fait d'eux des enfants brisés. C'est bien la répétition qui donne le ton au récit et l'effet qu'elle fait sur le lecteur est multiple et prenant. Elle est tour à tour tentative d'appropriation du réel ou d'une délivrance qui ne viendra que par la parole dite et redite, constatation obsédante, désir confus de vivre dans la normalité ou encore poésie de l'absence. Et je ne saurais tout dire de ce qu'elle peut être encore, mais c'est par elle que l'émotion affleure et le lecteur ( que vous serez peut-être ) saura reconnaître son pouvoir à même ses ressentis. Si on se lasse un peu de savoir les mêmes choses, il n'en demeure pas moins que certains fragments nous happent par leur justesse et leur originalité. Ce sont souvent les plus courts.
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Dans ce nouveau livre, son quatrième, l’autrice et artiste Sylvie Laliberté lève le voile sur ce qui grouille derrière l’apparente vie tranquille et rangée d’une famille de la classe moyenne.
Lire la critique sur le site : LaPresse
On ne fait rien pour les gens qui ne vont pas bien. Ni pour leurs enfants flous qui n’ont qu’à poireauter et à être terrifiés le temps d’une enfance. Après tout, chacun ses problèmes. Et dans la classe moyenne : chacun ses problèmes, chacun ses enfants, chacun ses parents. Point. Et chacun sa voiture, chacun sa toiture, chacun sa pelouse, chacun son jardin. Chacun. Chacun. Chacun. (p. 32)
Alors les normaux ne savent pas qu’ils sont normaux, ils vivent; ils font des choses ou choisissent de ne rien faire. Toutes leurs actions sont directes; les normaux ont un accès privilégié à la réalité.
Les normaux sont les privilégiés de la réalité. Nous, on était les pauvres, les sous-alimentés de la réalité.
(Somme toute, p.121)
T'es mon enfance, t'es ma preuve de nous deux. T'es mes appels téléphoniques préférés. T'es ma vérité. On se disait la vérité. J'ai pensé te mettre ici. Je te mettrai sur chaque page. Puis à la dernière page, tu iras où tu voudras. Et moi je n'irai pas avec toi. Le plus difficile sera de ne pas te suivre. Je ne devrai pas te suivre. Je vais mettre un mur entre toi et moi: un mur de mots.
p.19
Notre mère n’avait trouvé comme solution que d’endurer notre père, nous entraînant toi et moi dans ce non-sens.
Dans l’adversité les enfants peuvent prendre la responsabilité du bonheur de la famille sur leurs épaules. Les enfants débordent de bonne volonté. Les enfants peuvent faire des choses qui ne sont pas de leur âge. De plus : les enfants savent avoir l’air heureux, si cela peut aider. Et le pire, c’est qu’ils pensent, les enfants, que d’avoir l’air heureux peut attirer le bonheur. Mais pour toi et moi ça n’a pas marché. (p. 53)
Évidemment, notre père qui n'allait pas bien ne voulait pas ne pas aller bien. Ce n'était pas son choix. Et ce sera la plus grande cruauté imaginée par les humains: rendre responsables les gens qui ne vont pas bien de ne pas aller bien. Notre père souffrait. Souffrance inépuisable, infinie et terrifiante.
À l'occasion du mois de la BD, le Salon du livre de Montréal et le Festival BD de Montréal proposaient une discussion avec Patrick Senécal et Catherine Lepage le 10 mai 2021, à 21 h, sur Instagram.
PATRICK SENÉCAL
Livres suggérés:
Aliss, Patrick Senécal et Jeik Dion, publié chez ALIRE
Blast, Manu Larcenet, Éditions DARGAUD
Pour réussir un poulet, Fabien Cloutier et Paul Bordeleau, Éditions LA PASTEQUE
Ténèbre, Paul Kawczak, Éditions LA PEUPLADE
La désidérata, Marie Hélène Poitras, éditions Alto
L'exorciste, William Peter Blatty Éditions ROBERT LAFFONT
Flots, Patrick Senécal, Éditions ALIRE
CATHERINE LEPAGE
Livres suggérés:
Bouées, Catherine Lepage, Éditions La Pastèque
Le tragique destin de Pépito, Catherine Lepage et Pierre Lapointe, Comme des Géants
12 mois sans intérêt, Catherine Lepage, Éditions Mécanique Générale
Fines tranches d'angoisses, Catherine Lepage, Éditions Somme toute
Zoothérapie, Catherine Lepage, Éditions Somme toute
Mélody, Sylvie Rancourt, Éditions Ego Comme X
Melody: Story of a Nude Dancer, Sylvie Rancourt, Drawn and Quarterly
J'ai montré toutes mes pattes blanches je n'en ai plus, Sylvie Laliberté, Éditions Somme toute
Je ne tiens qu'à un fil mais c'est un très bon fil, Sylvie Laliberté, Éditions Somme toute
Maquillée, Daphné B., Éditions Marchand de feuilles
Royal, Jean-Philippe Baril Guérard, Éditions DE TA MERE
Le plongeur, Stéphane Larue, le Quartanier
Là où je me terre, Caroline Dawson, Éditions Remue Ménage
Filmographie:
Le mal du siècle, Catherine Lepage, ONF
Parenthèse, ONF
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