Chacune voyait la vie à sa façon mais leur connivence était demeurée intacte, leurs façons opposées d’appréhender un sujet servant de fil conducteur dans des discussions qui pouvaient durer des heures. Pourtant, argument contre argument, elles parvenaient toujours à un consensus. Malgré les tentations, il n’y avait jamais eu de compétition entre elles pour séduire un garçon. Leurs différences s’exprimaient dans leurs élans amoureux et ni l’une ni l’autre ne marchait sur les platebandes de son amie. Leur amitié était indéfectible.
Il repensa au comportement chaleureux de cette femme lorsqu’il avait vacillé en la découvrant sous la tonnelle et au silence qu’ils avaient partagé, assis sur le banc dans le jardin. Elle avait respecté son émotion. Il avait eu, alors, tout loisir d’observer l’intruse en douce. À la réflexion, il l’avait trouvée bien jolie ! Et plutôt agréable à regarder. Mais lorsqu’il avait compris qu’elle avait été invitée par Guillaume,il avait chassé les sentiments de sympathie qu’il avait éprouvés et se retrouvait à la case départ, plongé dans le conflit qui s’était annoncé avec son frère.
Le péage s’annonça enfin. La circulation était plus dense et Antoine dut se concentrer sur sa conduite, faisant le vide dans sa tête.
Elle avait décidé de laisser les événements venir à elle, suivre leur cours naturellement. Malgré sa peur de s’engager dans une nouvelle relation amoureuse, elle avait bien conscience que le blocage sur un passé négatif n’était pas la solution et que ce que sa raison lui dictait ne correspondait pas du tout à ce que son cœur et son corps lui disaient. Le temps avait coulé depuis qu’elle était sortie de son conte de fées devenu cauchemar au fil du temps. Les dégâts provoqués par cette relation toxique s’étaient estompés et, petit à petit, elle avait retrouvé le goût de la vie et lorsqu’un jour elle s’était entendue rire, elle avait su qu’elle était sur le chemin de la guérison.
— Tout cela est étrange, effectivement. Mais tu connais notre frère. Quand il a une idée en tête, rien ne l’arrête. Et je crois plusieurs choses : premièrement, il aime l’argent et en veut toujours plus, quelles que soient les conditions dans lesquelles il l’obtient ; secundo,cette fille est ravissante et il a certainement dans l’idée de la mettre dans son lit... Enfin, je suis désolée d’émettre cette hypothèse, mais j’y crois : il veut rayer toute trace commune du passé. Notre mère, toi et moi, on est des erreurs de sa vie !
Il y a certaines choses qu’on ne peut pas raconter par SMS, entre deux câlins, même à sa meilleure amie... Tu as compris, quand même, qu’Antoine avait sonné à ma porte le lendemain du vol, alors que j’étais en train de m’endormir,lessivée. Il n’avait pas prévenu et je ne te dis pas l’air stupide que j’ai dû avoir quand je l’ai vu derrière la porte ! Il a profité du fait que quelqu’un entre dans l’immeuble pour y entrer sans avoir à sonner à l’interphone. Il tenait à son effet de surprise ! Il n’a pas été déçu...