Ce que je peux dire de ce livre très documenté, c'est que ce récit est un vrai coup de coeur. William Dodd, universitaire, est nommé par Roosevelt, ambassadeur des Etats-Unis à Berlin en 1933. Il y restera de 33 à 37. Ambassadeur atypique, amoureux d'une Allemagne découverte quand il fut étudiant, arrivé avec l'ensemble de sa famille à Berlin, il découvrira au fil des mois ce qu'est le métier de diplomate et combien celui-ci peut être éloigné de la représentation idéalisée qu'il s'en était faite . Au milieu de politiciens et diplomates plus aguerris, plus cyniques sans doute, avec lesquels la confrontation est permanente, son regard sur l'Allemagne et le régime nazi changera petit à petit .... Dans ce récit du quotidien de William Dodd , on suit Martha Dodd , sa fille , dans les sinuosités de ses parcours intellectuels, politiques et amoureux , ne reculant devant rien et mélangeant habilement tous les critères pour décider, du sens du vent ,passant d'un jour à l'autre d'amis et amants nazis ou espions du KGB naissant , intellectuels opposants au régime hitlérien ou diplomates complaisants ... Ce formidable portrait de l'époque décrit aussi l'aveuglement des chancelleries européennes face à Hitler , vu de prime abord comme un clown dont l'Allemagne allait, pensait-on, se débarrasser rapidement. Ensuite de la période d'atermoiements qui vint après avoir pris la mesure du danger et avant qu'il ne puisse mettre en application ses thèses démentes à l'origine de millions de morts. Ce récit décrit aussi l'isolationnisme de Roosevelt et du département d'Etat américain, peu attentifs à l'antisémitisme et à la nazification, aux bruits de bottes, à la « mise au pas » de la population allemande, hypocritement rassurés par la « volonté de maintenir la paix et l'ordre » exprimée par Hitler malgré les signes évidents de réarmement, et uniquement préoccupés par le remboursement aux créanciers américains de la dette allemande . le regard de William Dodd sur l'Allemagne nazie change au fur et à mesure des manipulations, des purges et les atrocités commises par Hitler et ses sbires. La Nuit des Longs Couteaux, à l'ambiance minutieusement restituée par le style aiguisé de l'auteur, parfaitement acceptée par la population allemande désormais mise au pas, annihile définitivement tout espoir de relation possible entre lui , son pays voire l'humanité, et le régime nazi .William Dodd est
dans le jardin de la bête , les longs couteaux sont sortis, et le sang n'a pas fini d'être versé…