Dès le début, l'impression dominante que la barque est trop chargée, qu'elle est très déséquilibrée d'un côté et que, par conséquent, la thématique du livre est artificiellement entretenue par l'autrice, agace et ne met pas dans les meilleures dispositions pour apprécier la lecture. Certes, nous vivons dans une société patriarcale, beaucoup d'hommes sont d'horribles machos/phallocrates, la femme est oppressée et dominée depuis des siècles, mais un peu de nuances aurait donné plus d'authenticité au sujet traité.
Car, au-delà d'une auto-fiction (
Camille Laurens est connue pour faire peu dans la fiction et encore moins dans le conte, plus subtil encore), c'est un déferlement de remarques et d'anecdotes toutes dans le même sens, comme si les hommes étaient tous à l'identique, d'affreux jojos irrécupérables. Bref, pour le dire autrement, c'est lourd, très lourdingue, ça pèse trois tonnes.
D'autant plus que le début ne fait pas vibrer. On ne ressent guère d'émotions dans ce mouvement qui tourne toujours dans le même sens. Et on poursuit sa lecture en espérant que ça s'arrangera à un moment ou à un autre. Heureusement, il y a un tournant, celui où la narratrice perd son enfant à la naissance. Je ne sais pas si cela s'est passé de cette manière atroce pour
Camille Laurens (puisqu'on sait que cette horreur lui est arrivée et que l'autrice dans ses livres parle avant tout d'elle-même), mais c'est le moment où l'émotion surgit soudain au milieu du livre, où on sent quelque chose qui vibre et se désespère au fond de soi. Hélas, cela ne dure pas et retombe assez vite dans les excès artificiels antérieurs.
La chute, qu'on sent venir quelques mètres de pages en amont, donne également l'impression d'exister pour boucler une boucle qui était déjà pourtant fermement bouclée dès le début. Presque comme une espèce de plaisanterie, un clin d'oeil qui se veut brillant.
Il en va ainsi des livres qui surfent sur une vague importante de la société, qui s'engouffrent dans un train en marche, par opportunisme ou désir d'exister. Pardonnez-moi, je suis très dur et ne devrais peut-être pas dire cela (Qui suis-je pour juger, comme dirait l'autre). Mais je crois que le mouvement féministe qui anime et ébranle notre société, sa deuxième vague après celle des années 70, mérite un peu plus de hauteur et de considération. Surtout plus d'authenticité et, quand on est auteur/trice, peut-être de parler un peu moins de soi et un peu plus des autres et de notre société. A cet égard, lire
Mona Chollet (par exemple) est plus profitable que lire
Camille Laurens.
De là sans doute vient aussi ma déception. Je n'aime pas beaucoup les auteur/trice qui ne parlent que d'eux-mêmes (pour cela, il y a Paris Match, Gala, etc). Se regarder le nombril et surtout vouloir le montrer aux autres, ça ne m'intéresse pas.