Les oubliés d'Annam - Intégrale

On connaît assez peu ce qui s'est vraiment passé en Indochine pour certains de nos soldats, se croyant libérateurs et accueillis comme des occupants devant être absolument trahis, prenant conscience des tromperies de leur propre hiérarchie ou encore rejoignant les troupes « ennemies », y fondant même des familles.
Tout commence en octobre 1986 quand les corps des soldats morts au combat sont rapatriés. Certains ne sont pas là, comme le soldat Joubert dont on ne sait rien depuis les combats. Ce sera l'occasion pour Nicolas Valone, un journaliste à l'affut du « gros coup » de se lancer sur les traces de cet homme disparu.
Malheureusement les témoins qu'il retrouve disparaissent au fur et à mesure de son enquête. Ce qu'il découvrira concerne des personnages qui aimeraient bien que la page concernant ce passé soit définitivement tournée.
C'est finalement une belle page de notre histoire qui nous est contée sous forme d'un polar bien mené et auquel il ne manque rien.

Le dessin très traditionnel est très fort et particulièrement expressif. On ne s'ennuie jamais au fil de cette histoire.

Il faut également signaler le long texte d'introduction de Franck Giroud, très clair et qui est un véritable cours d'histoire comme on aimerait en avoir souvent.
C'est donc une BD de grande qualité que tous les amateurs doivent se procurer.

Sur le tarmac de l'aéroport Charles-de-Gaulle, en novembre 1986, ce sont des cercueils qui descendent de l'avion. Enfermés entre quatre planches de bois, des corps de soldats attendent depuis 35 ans d'être rendus à leurs familles. Sur le tarmac de l'aéroport Charles-de-Gaulle, une femme attend. Parmi la liste des soldats rendus à la France, elle n'a pas vu figurer son fils : Henri Joubert, ancien maquisard, disparu assurément, mais pas mort selon l'armée. Et pour cause : comme d'anciens résistants, Henri Joubert est passé à l'ennemi. Pour l'armée française, il a trahi. Mais Henri Joubert a rejoint, selon lui, ses compagnons d'armes, ses compagnons de lutte, ses frères en idées et en idéologies : il a rejoint le Viet-Minh.

Frank Giroud, le scénariste, et Lax, le dessinateur, ont choisi de donner vie à une histoire vraie, mais oubliée. Ou plutôt : cachée. Car les ralliés, ces Français qui, par idéal communiste, ont rejoint les lignes indépendantistes indochinoises, sont l'un de ces secrets que la IVème et la Vème République ont longtemps entretenus. Pour cette enquête, Frank Giroud a imaginé le personnage de Nicolas Valone, un journaliste et un fin limier qui veut retracer le parcours d'Henri Joubert et, peut-être, le retrouver. Bien vite, Valone comprend que cette histoire est toujours sensible pour certaines personnes ; à plusieurs reprises, il est averti du danger qu'il encourt. Mais, faisant fi des menaces, Valone parcourt la France, se rend à Berlin et même à Saïgon pour retrouver les traces d'Henri Joubert. Jusqu'à découvrir la vérité.

Servi par un dessin très détaillé et très réussi de Lax, l'album est bien sûr une réussite. En choisissant de traiter cette recherche par un travail journalistique, Giroud ménage le suspense. C'est un jeu de pistes où les portes se ferment parfois brutalement. Valone, le personnage principal, tient là probablement l'affaire de sa vie. S'il se prend au jeu, il est bientôt dépassé par les enjeux qui, trente-cinq ans après les faits, demeurent importants. Il n'y a qu'à voir les réactions que provoqua, en 1991, l'affaire Boudarel, accusé d'avoir été commissaire politique d'un camp de prisonniers pour le Viêt-Minh : les événements décrits dans Les oubliés d'Annam sont donc crédibles. Cela explique aussi le pessimisme ambiant de la bande-dessinée.

Ce qui renforce encore l'importance de cette bande-dessinée réside dans les réactions qu'elle suscita. Primée à Angoulême, l'oeuvre libéra aussi, à un niveau individuel, des paroles jusque là bloquées par les secrets de famille, par un refus de l'entourage d'entendre dire ces vérités-là. Elle mit en lumière des hommes (quelques centaines au plus, selon les historiens) qui, par éthique, choisirent de sacrifier leur pays mais, surtout, leurs familles. Les oubliés d'Annam, au plaisir de la lecture et de l'admiration des paysages du Vietnam, ajoutent la puissance d'une vérité qui, à coup de crayons et de mots écrits, se défait des ténèbres dont L Histoire officielle l'avait recouverte.

Cette intéressante bande dessinée traite d'un aspect méconnu et fort douloureux de la guerre d'Indochine, celui des "ralliés". Ces soldats du corps expéditionnaire français, souvent (mais pas toujours) issus des maquis communistes de la Résistance, ont choisi de rejoindre le Viêt Minh, parfois au sein des combattants, parfois comme commissaires politiques. Les exactions d'un côté comme de l'autre n'ont rien fait pour apaiser les rancoeurs, au point qu'une affaire concernant l'un d'entre eux éclatera peu après la sortie de l'album (mars 1991). Cette coïncidence est relatée par Giroud dans un dossier introductif qui accompagne la version intégrale. L'histoire dessinée par Lax et scénarisée par Giroud est une fiction, ancrée dans ce contexte réel -- certains personnages de la BD ont existé et sont simplement renommés, d'autres totalement imaginaires. Tous les ingrédients étaient réunis pour un petit chef d'oeuvre, malheureusement je suis un peu déçu, tant sur le plan du scénario que celui du dessin. Pour le scénario, le personnage principal, le journaliste Nico Valone, me paraît un peu bâclé, pas toujours très cohérent, un peu trop caricatural dans ses excès. Pour le dessin, mon jugement est probablement influencé par ma lecture récente du magnifique "L'Université des chèvres", du même Christian Lax. Ce n'était clairement pas le même talent il y a... trente ans. le travail des couleurs en particulier me semble vraiment perfectible. Rien de rédhibitoire finalement, mais c'est un peu dommage.

Orly. Les dépouilles de soldats français tués en Indochine sont rapatriées. Celle du soldat Joubert n'y figure pas ; sa mère n'a pas eu de nouvelles de lui depuis 1946. Un journaliste se met sur le coup : retracer l'itinéraire de cet homme. Ce qu'il va trouver est bien différent de ce à quoi il s'attendait… Une BD qui nous fait redécouvrir un pan de notre histoire coloniale : l'après-guerre, les F.F.I. partis finir la guerre en Asie et qui " se retrouvent dans la peau de l'occupant honni, traquant le résistant qu'ils étaient naguère ". Un exemple de ce que la BD peut donner de mieux quand elle se mêle d'histoire et de mémoire.

« Les Oubliés d'Annam » du dessinateur Christian Lax et du scénariste Frank Giroud est un double-volume qui rend hommage aux soldats français, certains encore enthousiasmés d'avoir libéré la France du joug nazi, qui n'ont pas pu supporter de servir dans une armée qui les plaçait soudain du côté des oppresseurs. Certains ont franchi le pas, déserté et sont passés du côté de la Résistance vietnamienne. Traîtres ou, au contraire, héros au coeur généreux ? En France, on a préféré fermer les yeux et oublier ces souvenirs d'une « sale guerre ».
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