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EAN : 9782021295429
272 pages
Seuil (03/03/2016)
3.87/5   42 notes
Résumé :
Prigor, début des années 1980, un village isolé du nord de la Roumanie. C'est l'endroit que choisit une sage-femme pour s'installer avec son petit garçon de six ans. Disgracieuse, un physique robuste de paysanne, Elena Cosma est la nouvelle responsable du dispensaire. Mais qui est cet enfant à la beauté si singulière que la mère ne laisse jamais seul ? Les rumeurs les plus folles courent sur lui. Elena s'acquitte sans trop d'états d'âme de sa mission consistant à me... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
On peut quitter son pays mais le pays ne vous quitte pas.
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Il y a des livres plus bouleversants qu'un ouragan. Enfants du diable est de ceux-là. C'est un livre-choc, loin des exercices livresques auxquels se livrent les écrivains à la mode, consacrés par les tops et/ou les marchés. C'est une histoire sans concessions, arrachée aux tripes, à l'imaginaire collectif d'un peuple. Une histoire découpée en petits chapitres, illuminée par l'urgence de l'écriture, comme un devoir de mémoire trop longtemps ajourné.
« Enfants du diable » est une maison hantée par les fantômes de la Roumanie des années 80.

Pendant que l'Occident dansait sur « Heart of glass » de Blondie ou « Coeur de loup » de Philippe Lafontaine, sur le versant oriental du continent, les femmes étaient obligées d'avoir 5 enfants, malgré d'incroyables pénuries, malgré le manque d'assistance et de médicaments, et beaucoup de gosses se retrouvaient à la rue, dans des orphelinats ou, plus rarement, dans des familles d'emprunt.

Au XIXe siècle, les orphelins de Dickens et Malot s'en tiraient mieux et un tel sujet aurait pu sombrer dans un « archipel du goulag » sans le talent de conteuse de Liliana Lazar et la galerie de personnages auxquels elle a greffé une âme.

Très attendue après le succès de « La terre des affranchis » (éditions Gaïa, 2009), roman de début récompensé par une multitude de prix, Liliana Lazar renoue avec la nature sauvage qu'elle connaît si bien (la couverture nous apprend qu'« elle a grandi dans une forêt du nord de la Roumanie où son père était garde forestier ») et que nous devinons — ici aussi — en harmonie avec l'animalité des hommes.

Fruit du hasard, d'un prêté pour un rendu, une maternité « au temps du choléra » (« choléra » était le surnom de la femme du dictateur Ceausescu) sera le fil conducteur d'une série d'aventures personnelles étonnantes — être mère est un voyage initiatique qui réserve une foule de surprises, surtout en milieu hostile.

Bien documentées, les données historiques de ces années-là vont croiser le fer avec les données fictionnelles pour un récit noir mené tambour battant, un récit où les syncopes et les ellipses sont légion — dans les interférences des perspectives et des trames narratives, les non-dits en disent plus long qu'on peut supposer. Et, comme dans un bon polar, le lecteur remplit les cases vides — l'auteure échange avec lui des regards d'intelligence.

Liliana Lazar écrit directement en français, sa langue d'accueil, mais elle situe ses contes au bout de l'Europe, en son pays d'origine, quelque part à la marge de la civilisation, là où l'instinct et les traditions locales font fi des lois (et parfois même des vies). Grâce à elle, à Liliana, à son microcosme fantasque qui change de méridien, grâce aux mutants du « global village », la littérature — ce bon vieux vampire toujours assoiffé — reçoit du sang neuf, un transplant de culture imprévisible, un coup de main venu d'ailleurs.

Liliana Lazar a donné corps — sensible et attachant — à des destins aux confins de l'humanité, des destins croisés qui relancent sans cesse l'attention du lecteur. Des personnages à l'équilibre fragile qui nous poursuivent longtemps après avoir fermé le livre — comme un chant de sirène, comme un appel de détresse, comme un amour raté de près.

« Enfants du diable » n'est pas que le roman d'une maternité, c'est aussi le roman d'une ère et d'une population marquée au fer, c'est aussi une écriture alerte, au scalpel, qui en fait un « page-turner » et une fable de l'existence. Avec ce deuxième ouvrage, Liliana Lazar continue de nous éblouir en explorant la matière grise et rouge sang des êtres humains.

À l'époque du « génie des Carpates »,
on appelait « enfants du diable », les enfants non désirés, lâchés, abandonnés par leurs géniteurs. Sur cette « terre des hommes », nous arrivons tous comme « enfants de dieu » mais gare aux parents indignes/de nation/d'adoption : ils peuvent à tout moment nous faire basculer dans un univers néfaste, en faisant de nous des « enfants du diable ».
Radu Bata
Lien : https://www.actualitte.com/a..
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Terrible fiction qui puise ses sources dans la réalité des exactions et des tortures commises sous le régime communiste de Ceaucescu, plus terrible et sordide encore quand il s'agit d'enfants,
Ces « bons » petits diables chez la comtesse de Ségur qui dans le Prigor de Liliana lazar sont moins diables que le diable en personne, ce diable incarné par le maire, par la sage-femme et, d'une façon générale par les adultes dont aucun n'inspire la compassion, la sympathie ou l'indulgence.
Au centre du roman, Elena, sage femme en mal de maternité, aux ordres du parti, qui vole l'enfant d'une autre et s'exile pour dissimuler son secret dans une commune rurale dont les habitants vivent, par la force des circonstances, dans le dénuement et la crainte.
Triste société, sous contrôle permanent des sbires du parti, d'hommes frustrés, pervers et violents, de femmes réduites au rôle de génisses ou de censeurs, et d'enfants, victimes expiatoires, dont le triste destin renvoie, sous d'autres latitudes, à celui des orphelins des institutions catholiques irlandaises, des enfants volés sous le régime franquiste ou, plus actuels, aux orphelins africains décimés par le sida.
Style percutant, mots simples, chapitres courts, Liliana lazar va à l'essentiel, nous mène par le bout de sa plume et nous percute la conscience et le coeur. Ces enfants sont les nôtres.

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Bucarest. Fin des années 70. La politique démographique menée par Ceausescu interdit l'avortement et la contraception pour les femmes ayant moins de quatre enfants. Elena Cosma célibataire est sage-femme de métier. En consultation certaines femmes enceintes lui font comprendre que l'enfant n'est pas désiré ou qu'elles ne peuvent pas nourrir une bouche supplémentaire. A l'aube de la quarantaine, Elena aimerait être mère. Aussi quand une femme enceinte récemment veuve lui demande de pratiquer un avortement, elle a une idée. Elle s'occupera de l'enfant comme si c'était le sien. Les rumeurs circulent quand Elena devient « mère » d'un petit Damian. de plus, la mère biologique veut souvent voir son fils. Pour se protéger, Elena demande une mutation dans la campagne à Prigor.

Damian est un enfant de toute beauté à la chevelure rousse. Agé de 6 ans, sa mère le couve et multiplie les interdictions. A Prigor, Elena est non seulement sage-femme mais aussi infirmière avec peu de moyens. Afin de bénéficier de certains avantages du Parti, elle propose qu'un orphelinat soit créé à Prigor. Les orphelins arrivent de la ville. Malingres, souvent malades et à l'orphelinat, ils subissent la faim, le froid, des mauvais traitements ou des abus sexuels. Elena est révoltée par ces conditions mais elle est pieds et poings liés. Et puis, elle pense également à elle, à Damian et à son secret.

A travers l'histoire d'Elena et de Damian, Liliana Lazar nous dépeint l'Histoire de la Roumanie sous Ceausescu : l'accident de Tchernobyl, la mort du dictateur.
A la lecture de ce livre, ces images terribles de ces orphelinats que le monde entier découvrait me sont revenues à l'esprit. L'auteure s'attache à nous rappeler cette période de la Roumanie et les traitements réservés aux orphelins.
Un roman bien mené, servi par une écriture qui s'attache aux personnages et aux faits sans aucun pathos. Et une fin percutante.

Lien : http://claraetlesmots.blogsp..
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Roumanie, dans les années 80. La politique oblige les femmes à avoir de nombreux enfants. Il leur ai interdit de prendre une contraception ou d'avorter si elles n'ont pas déjà 4 enfants, alors que les conditions les empêchent de bien s'en occuper. Les avortements illégaux sont donc nombreux, plus encore les abandons des bébés. Elena Cosma a déjà 35 ans, toujours célibataire, mais aimerait en revanche devenir mère. Aussi lorsqu'elle rencontre une femme prête à avorter, elle la convainc de lui confier son enfant à la naissance.

Enfin mère, Elena revit. Mais bientôt la mère biologique revient et Elena doit fuir dans un petit village isolé. Là, elle s'occupera de nouveau des femmes, mais surtout des enfants abandonnés, dans un orphelinat aux conditions abominables.

Ce roman nous raconte des événements vraiment horribles. Qu'il s'agisse de la condition des femmes, de celle des orphelins; de la politique, de Tchernobyl; mais aussi des personnages et de leurs agissements. le dénuement est total et l'amour d'une mère pour son fils ne suffit pas toujours. Sans tomber pourtant dans le pathos, avec un style qui donne toujours envie de lire plus, on voit la vie de cette femme se dérouler devant nous.

à vrai dire, je ne m'attendais à rien en particulier avec ce roman, on m'avait simplement conseillé l'auteur, mais j'ai été agréablement surprise. Encore une fois, dans ma quête d'originalité, j'ai apprécié être totalement dépayser et en apprendre plus sur l'Histoire, en particulier ici de la Roumanie.

Je vous le conseille vivement si vous êtes un peu curieux, et soyez sans crainte, il n'y a rien dans les mots qui choque, ce sont simplement les situations qui apparaissent crûment à nos yeux de favorisés !

Je la classe dans mon Challenge Découverte puisqu'elle est Roumaine !
Lien : https://girlkissedbyfire.wor..
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Après le remarquable « Terres des affranchis », Liliana Lazar nous plonge dans l'horrible réalité de la Roumanie d'avant 1989 avec ses orphelinats. Un récit percutant pour des personnages à la fois attachants et troublants, pour une histoire forte et qui dénonce des travers d'un pays.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Le mois d'août n'était pas fini qu'un autocar avait déjà pris la direction du village. On voyait à l'état d'excitation qui agitait les passagers que ceux-ci n'étaient jamais montés dans pareil véhicule. C'étaient des enfants qu'on déplaçait ainsi vers le nouvel orphelinat. Les accompagnateurs n'étaient pas beaucoup plus âgés qu'eux et peinaient à maintenir les gamins assis, même en brandissant la menace des pires punitions. La vue des premières maisons de Prigor les fit se lever une fois de plus et il fallut arrêter le car pour rétablir l'ordre dans les rangs. Le véhicule traversa lentement la rue principale sous les regards des villageois. Au début, ils crurent qu'on envoyait des militaires pour les aider aux travaux des champs, puis ils comprirent.
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Il aurait voulu crier pour que la femme du rêve le retienne encore un peu, mais il n’en eut pas la force et le visage aux traits féminins ne tarda pas à disparaître. L’enfant ne comprenait pas l’émotion qui l’avait submergé, car ce visage n’était pas celui d’Elena mais d’une autre femme. Une figure qui le renvoyait quelques années en arrière, quand une femme rousse se penchait vers lui pour l’embrasser tendrement. Le genre de sourire que seule une mère adresse à son enfant. Sa mère.
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Chaque jour, des femmes venaient y accoucher et il n’était pas rare que certaines abandonnent leur nouveau-né aussitôt après la délivrance. Elena avait appris à lire dans le regard de ces mères et elle savait distinguer au premier coup d’œil celles qui allaient laisser leur bébé de celles qui hésitaient encore. Quant aux femmes qui, saisies de remords, revenaient chercher leur enfant, elles étaient si rares que longtemps la sage-femme allait se souvenir de chacune d’elles.
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Chaque jour, des femmes venaient y accoucher et il n’était pas rare que certaines abandonnent leur nouveau-né aussitôt après la délivrance. Elena avait appris à lire dans le regard de ces mères et elle savait distinguer au premier coup d’œil celles qui allaient laisser leur bébé de celles qui hésitaient encore. Quant aux femmes qui, saisies de remords, revenaient chercher leur enfant, elles étaient si rares que longtemps la sage-femme allait se souvenir de chacune d’elles.
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Même son célibat forcé ne lui pesait pas autant qu’on aurait pu le croire. Toujours vierge à un âge où d’autres attendaient leur cinquième rejeton, la seule chose qui la tourmentait vraiment était de ne pas avoir d’enfants. Et si elle avait renoncé à l’idée de se marier, elle ne désespérait pas de devenir mère un jour.
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