Ce petit ouvrage appartient à la collection "Les affranchis" chez l'éditeur Nil. Une demande aux auteurs : "Ecrivez la lettre que vous n'avez jamais écrite".
Il s'agit là d'une lettre sur un sujet difficile dans notre société actuelle où la famille-cocon devient le dernier refuge à défendre, où une femme se doit de devenir mère pour avoir accéder à la complétude (exigence pseudo-naturelle qui n'est pas imposée aux hommes avec pareille vigueur).
Linda Lê compose donc à contre-courant cette lettre à "l'enfant qu'[elle n'aura] pas". Situation d'autant plus douloureuse que son compagnon ressent, lui, le désir de donner la vie.
Il est frappant de noter que nombre de blogs, bien souvent féminins, n'ont pas saisi l'ironie dans les clichés maniés dans les premières pages par l'auteure. En effet,
Linda Lê explique à son ami ce refus de donner la vie avec force arguments philosophiques et sociaux : il est impensable de lancer un enfant dans un monde pareil, la vie n'est que vide et inutilité. Mais rapidement, on ressent que ce ne sont là que des excuses intellectuelles, revendiquées d'ailleurs comme telles, et répondant en joute verbale aux arguments tout aussi littéraires et pensés de son compagnon.
Non,
Linda Lê ne sera pas mère car rien ne l'y mène : ni le modèle maternel d'une "Big Mother" tyrannique luttant contre la féminité de ses filles, ni son corps, ni son mode de vie.
Pour elle qui se débat déjà avec ses démons, la grossesse, l'accouchement et le lien tissé avec l'enfant ne sont en aucun cas des réponses.
Mais il n'y a dans cette lettre, intime et touchante, nulle revendication collective. L'auteure ne s'érige pas en modèle féministe cherchant à délivrer la femme de cet aspect animal qu'on voudrait lui imposer de toute éternité. Ce non-désir d'enfant, elle le ressent ainsi, il est étroitement lié aux tours et détours de son histoire personnelle. Parallèlement,
Linda Lê dépeint fort bien le discours violent qui s'abat sans nuance sur les femmes nullipares : immaturité, incomplétude, anormalité, égoïsme.
Cependant, ce fils prend vie au cours de la lettre. L'auteure en narre l'enfance, l'adolescence puis la jeunesse possibles. Être imaginaire que
Linda Lê se refuse explicitement à assimiler à la création littéraire, il nourrit et apaise celle qui ne l'a pourtant pas engendré.
Lien :
http://los-demas.blogspot.fr..