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Cadeau du nouvel an. Merciii. Merci qui ? Ca, je garde le secret.
Encore une autobiographie, oui mais de qui ? de David Cornwell ? de John le Carré ?
Tantôt plutôt de l'un, tantôt plutôt de l'autre ou l'un raconté par l'autre par petites touches à fleuret moucheté. Et derrière ces anecdotes de vie se cachent en secret ces grandes questions : en fin de compte, qu'est-ce qu'un homme et qu'est-ce qu'une vie ? Ne seraient-ce pas les souvenirs que l'on fabrique et que l'on garde ?

En somme John le Carré s'est regardé dans le miroir aux espions et nous dit y avoir retrouvé nombre de reflets de David Cornwell. Fascinante construction littéraire que ce kaléidoscope de papier où au fil des 350 pages nous pouvons découvrir pas moins de 37 facettes de la vie mouvementée de cet ancien membre des services secrets britanniques passé à l'écriture. Une vie riche de rencontres multiples, inattendues, interpellantes parfois, et de moments en des lieux divers, exotiques, improbables nous laisse entrevoir un message caché : rien ne vaut l'audace de vivre *.

Ne vous attendez pas à de tonitruantes révélations sur Cambridge Analytica (data brokers de vos données personnelles) ni sur Alexandre Varskoï, 31 ans, membre du Batman groupe de hackers russes qui auraient ... (voir Le Point 2314 du jeudi 12 janvier). N'attendez pas non plus la mise à jour de très anciens secrets toujours profondément enfouis. Et rappelez-vous les grands principes de base des services secrets où sont passés maître les services de sa Majesté : la traque de l'information et la dissimulation par la désinformation qui ont toujours prévalus dans l'oeuvre de John le Carré.

Ce qui me fait penser : avez-vous oblitéré la webcam de votre pc ? Est-il bien sécurisé ? Un livre très plaisant à lire, une approche de la vie avec beaucoup de tact, de pudeur d'un caractère bien trempé se protégeant derrière une parfaite ironie. Des Histoires finement écrites, reprises de cette vie sur le fil du rasoir toute en retenue et discrétion. Quelques pistes de l'écrivain sur sa manière de mélanger des éléments de réalité pris sur le vif à une construction imaginaire, jeu cérébral auquel il a été exposé dès son enfance. Bien calé en fin de bouquin le chapitre le fils du père de l'auteur m'a paru le plus personnel, celui où probablement il se livre le plus.

Un autre chapitre m'a marqué Sur le terrain, une leçon de vie et que dire de la très inspirante Yvette Pierpaoli dont on ne peut qu'admirer la bravoure et l'humanité. Des histoires riches qui méritent le temps d'être détaillées, décryptées. D'autres lecteurs trouveront sans nul doute plus leur bonheur dans d'autres histoires comme celles tournant autour du monde du cinéma et des nombreuses adaptations sur le grand écran des romans de l'auteur ou tentatives avortées. Certains seront plus enclins à celles qui se passent en des endroits lointains et exotiques dans des conditions souvent tourmentées. D'autres encore se délecteront de certaines rencontres improbables avec des puissants de ce monde ou bien seront charmés par la puissance de l'autodérision qui apparaît ci et là. Un kaléidoscope de papier où l'ordre des chapitres n'a finalement pas grande importance et comme au sortir d'un tour complet l'on en arrive à la conclusion : c'est beau. Oui au fond le voilà peut-être le message dissimulé, L'ultime secret officiel livré par John le Carré : C'est beau la vie !

Sur ce je vais le prêter à un cousin éloigné qui l'appréciera grandement car il a parfois été sur le terrain près des opérations combinées avec des militaires et je l'ai souvent remarqué, il est à la fois très bien informé et extrêmement discret. Beaucoup plus que moi qui ne peut vous cacher que comme par hasard il vient de se découvrir un grand intérêt pour les oiseaux et le baguage des pigeons.


* Marrant ces associations spontanées qui me viennent à l'esprit de faire soudain germer le titre L'audace de vivre d'Arnaud Desjardins : faudrait-il y voir un sens caché ?
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.Le tunnel aux pigeons, sous- titré modestement et malicieusement: Histoires de ma vie. Histoires, anecdotes, souvenirs de rencontres, toutes en lien avec la grande affaire de cette vie: l'écriture.
David Cornwell, alias John le Carré connut très tôt le succès, avec L'espion qui venait du froid, et ensuite "la fin de l'innocence" soit le feu des projecteurs, les questions sans fin sur le vrai, le faux de ce théâtre d'ombres de l'espionnage, que lui appelle plutôt le théâtre du réel, puisqu'en espionnage comme en contre espionnage, il s'agit surtout de raconter une histoire à un personnage qui finira par jouer sans le savoir un rôle écrit pour lui c'est à dire contre lui... Théàtre et réalité sont une bande de Moebius sur laquelle les acteurs cheminent, bande qui on le sait ne comporte qu'une seule et même face... le travail de l'écrivain s'apparente à ce théâtre du réél, si bien que John le Carré rencontrera un jour en chair et en os un personnage qu'il avait créé, avant de le connaître. Il ne s'illusionne pas sur la portée de son oeuvre quant à un démasquage de ce qui serait la vérité.Souvent accusé d'avoir trahi des secrets d'espionnage, il s'en montre amusé, lui qui ne fut que brièvement employé par le M15, puis le M16, et il rappelle à quel point de véritables traîtres furent peu inquiétés voire couverts d'honneurs. le personnage de loin le plus énigmatique de son oeuvre n'y apparaît jamais. C'est son père, auquel il consacre, aux deux tiers de cet ouvrage, un chapitre sensiblement plus long que les autres. J'ai aimé aussi sa description de sa rencontre avec Bernard Pivot.
J'ai retrouvé dans ce livre, l'élégance, l'humour, et quelque chose d'une souffrance intime de l'enfance, élevée au rang de littérature, cette manière et ce style de l'écrivain de très grand talent qu'est John le Carré, enraciné dans le questionnement de l'enfant que fut David Cornwell. On ne peut qu'admirer le travail incessant d'écrivain par lequel il a interrogé le rapport de la réalité et de l'imaginaire, comme si sa vie même avait été un long debriefing.
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A défaut de voyages lointains, je parcours mes itinéraires de proximité en m'évadant par les podcasts de France CulturePhilippe Sands parle de John le Carré qui fut son voisin . le Carré est une vieille connaissance.  

Je lis régulièrement les romans de le Carré depuis L'Homme qui venait du Froid  lu chez des amis à Glyfada à 17 ans jusqu'au Retour de Service (2019). J'ai dévoré ces thrillers et j'ai commencé à en apprécier le style quand je suis passée à la Version Originale. Pensant qu'un roman d'espionnage serait facile à lire, je me suis retrouvée avec le lourd Harraps sur les genoux presque en permanence en raison de la richesse du vocabulaire technique et de la variété des styles selon le sujet abordé. Sa traductrice interviewée lors de l'émission suivante de la série consacrée à le Carré, explique aussi que la fascination que la langue allemande exerce sur lui,  explique peut-être la complexité des phrases de l'auteur, alors que l'Anglais privilégie plutôt des phrases courtes. 

L'écoute de ces podcasts m'a incitée à acheter le Tunnel aux Pigeons qui rassemble une collection de souvenirs. Ces mémoires d'un écrivain racontent  par courts chapitres comment  il a écrit ses livres (et les films tirés de ses oeuvres) . Il livre assez peu d'anecdotes concernant sa vie familiale (sauf ce qui concerne son père, un vrai personnage de roman) rien de son passé d'espion (cela se comprend). Il construit ses romans en se documentant précisément et raconte tous ses voyages préparatoires  : lieux mais surtout rencontre de personnalités qui l'inspirent. Comme ses intrigues s'articulent  dans la géopolitique et que sa notoriété lui ouvre de nombreuses portes, il a l'occasion de danser avec Arafat, de dîner avec Margaret Thatcher, Alec Guinness ou Robert Burton, et même le président Italien Cossiga. 

Chaque rencontre est mise en scène de manière spirituelle.  On découvre une galerie de portraits  pittoresques. L'histoire de la seconde partie du XXème siècle se déroule , de la construction du Mur de Berlin à l'exil d'Arafat à Tunis, Glastnost et  Tchetchénie, le Carré égrène ses souvenirs pour le grand plaisir du lecteur. Je me régale de cette évocation historique. Il y a juste quelques longueurs pour qui n'est pas britannique quand il s'attarde sur ses anciens collègues du MI5 ou MI6 ou sur des personnalités anglaises, mais cela ne concerne que quelques pages, le reste est vraiment très amusant.

"Mais ce qui m'importait encore plus, je le soupçonne même si je ne me l'avouais pas alors, était mon amour-propre* d'écrivain. Je voulais que mes romans soient lus non pas comme les révélations camouflées d'un transfuge littéraire, mais comme des oeuvres d'imagination qui devaient très peu à la réalité dont elles s'inspiraient."

Un autre aspect du Tunnel des pigeons est la construction d'un roman, la réflexion sur l'écriture. Un personnage de roman s'impose à l'auteur, il veut le voir s'incarner, rencontre dans monde réel son équivalent, le Carré étudie sa manière de s'habiller, de parler, ses expressions. le Carré peut parcourir le monde entier pour le voir évoluer, saisir sa psychologie. C'est fascinant. Comme l'espionnage est un monde de manipulation, l'écriture est aussi une manipulation de la vérité. 

L'écrivain rend compte de la complexité du monde sans manichéisme ni jugement de valeur. Il démonte les rouages des acteurs du pouvoir, politiques, militaires, grands firmes pharmaceutiques ou magnats de Presse comme Murdoch ou Maxwell...
Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
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Ceux qui s'attendent à des révélations époustouflantes en lisant les mémoires du grand maître du roman d'espionnage (comme moi, je l'admets), seront un peu déçus. Et cela pour deux raisons : primo, John le Carré est trop un gentleman pour divulguer des vérités peu délicates ; secundo, il existe en Angleterre le 'Official Secrets Act' , qui menace de lourdes peines tous ceux qui dévoilent des réalités considérés 'top secret' par les autorités de Sa Gracieuse Majesté. Cette loi dont l'unique avantage est qu'il ne nécessite guère de traduction, est une abomination pour les amateurs d'Histoire. Ainsi, par example, John Costello, pourtant citoyen britannique, à été obligé pour élaborer sa part dans 'Deadley Secrets' (la biographie d' Alexander Orlov) de s'en remettre aux archives américaines. Autre example : ceux qui veulent connaître les dessous de la fuite de Rudolf Hess, le bras droit du Führer, en mai 1941 en Ecosse, en sont réduits à consulter les livres basés sur les archives russes.
Mais d'emblée et honnêtement, le Carré annonce la couleur, en précisant tout au debut de son livre qu'il n'a nullement l'intention d'enfreindre cette fameuse loi.
Cette remarque préliminaire ne devrait pas décourager à lire cet ouvrage, bien au contraire. le Carré y démontre avec éclat ses talents de raconteur-né et les anecdotes qu'il nous sert sont de véritables perles. Il est vrai qu'il a eu une vie peu banale et, du haut de ses 85 ans, il pourrait remplir plusieurs volumes de mémoires. En effet, peu de personnes peuvent se vanter d'avoir rencontré un si large eventail et si varié de personnalités que lui, allant de Fritz Lang et Stanley Kubrick, en passant par Sakharov, Primakov, Simon Wiesenthal, Vaclav Havel, Yasir Arafat, Sir Alec Guinness, Richard Burton, ... a Mrs Thatcher et la reine Elisabeth. Côté français, il convient de noter Jean-Paul Kaufmann et surtout Bernard Pivot. A ce dernier, il dédie un chapitre entier dans lequel il met en exergue les qualités spécifiques et multiples du présentateur célèbre, que le rouge a certainement du monter à la tête de Bernard Pivot en le lisant.
Dans cet opus, on est donc loin de l'histoire de 'L'espion qui venait du froid' , qui a établi mondialement sa réputation en 1964 , ou de 'La Maison Russie' son succès de 1983 ou de 'La petite fille au tambour' de 1989 (un de mes favoris), mais en présence d'un autre le Carré, incontestablement tout aussi captivant. Fruit d'un don d'observation remarquable et d'un style tout à fait personnel, truffé d''humour 'tongue in cheek', si typiquement british.
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John le Carré aka David Cornwell nous livre ici, plutôt qu'une autobiographie classique, des “histoires de sa vie”, c'est à dire des souvenirs épars qu'il refaçonne tels qu'il s'en souvient, en les commentant. Il s'agit surtout d'histoires liées à sa vie professionnelle, d'abord comme espion ou représentant de l'état britannique puis en tant que romancier. Sa vie privée n'est pas abordée sauf pour traiter en fin d'ouvrage de sa fuyante mère et de son escroc de père.
La vie de l'auteur fut riche et mouvementée et le lecteur se régale de ces anecdotes savoureuses ou tragiques liées souvent à de grandes personnalités politiques ou des stars de cinéma. Mais j'aurais aimé avoir plus de détails sur son processus et sa vie d'écrivain. Ici, on n'est plus dans la vie publique que dans le témoignage intime. La pudeur de l'Anglais ou un second tome est-il prévu ?
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Avis de Grybouille (Chroniqueur sur le blog Léa Touch Book) :

La chronique du p'tit Duc ne respectera pas la chronologie de cette autobiographie. Les pages que vous lirez, pourraient être une énième fiction ou au contraire une accumulation de vérités cachées…

Mais pour vous faire une idée, il va falloir tout lire et surtout bien garder en tête que tous les espions sont des manipulateurs et John le Carré « Cromwell » n'y fait pas exception.

Avec classe et retenue, so british, Mister, ou mystère John le Carré nous emmène dans le beau monde.
Un flirt où l'on s'encanaille, on trompe, on se trompe, on dine, on a fréquenté les mêmes institutions, des personnes du même monde…

Ses premiers pas, en a-t-il seulement conscience, se font à 16 ans.
Son père, Ronnie, l'envoie à Paris pour récupérer ses clubs de golf auprès d'un des concierges de l'hôtel Georges V, du matériel gardé en gage.
Dans l'histoire, un comte et une comtesse du Panama, une soirée dans un restaurant russe de la capitale, des premiers émois.
Une initiation ? Une évaluation ? Et là déjà on pourrait être dans un livre d'espionnage…
D'ailleurs comment devenir un espion ?
« Pour se faire repérer, il fallait être né coiffé. Il fallait être allé dans les bonnes écoles, de préférence privée, et dans une bonne université, de préférence Oxford ou Cambridge… »

Cela n'empêche pas les dérapages, les luttes d'idéologie tel que pour Philby et Blake qui gagnés par les idées communistes trahiront les leurs. Des cas de conscience, comme pour Nicholas Elliot, ami de Philby, impossible de le dénoncer « L'un des nôtres… »

En 1964 à 33 ans, « Cromwell » quitte l'arrière scène et John le Carré prend son envol. L'écrivain est né.

Sa vie est un livre car à chaque étape, à chaque rencontre, l'inspiration le gagne pour ses futurs romans, des personnages, des situations.

Les années 70 à 80, l'Allemagne qui est hantée par le nazisme, mais aussi l'Asie du sud-est, le Moyen-Orient.
Les années 80, l'Union Soviétique et la perestroïka qui trouble les cartes.
Les années 90, retour en Russie, « Les nouveaux parrains du crime… », le Congo.


Le style,
Mister le Carré est connu, reconnu, on ne peut se tromper.
Mais aussi un homme qui a eu ses entrées, un monde où l'on se côtoie, les portes s'ouvrent…

L'histoire,
C'est Son vécu, avec des zones d'ombre certes mais le plus honnêtement que la situation lui permette…
« La vérité vraie, pour autant qu'elle existe, se situe non pas dans les faits mais dans la nuance. »

Les personnages,
John le Carré, « L'espionnage s'est imposé à moi dès la naissance… du monde secret que j'ai connu jadis, j'ai essayé de faire un théâtre pour les mondes que nous habitons. »

Et en « guest star » Boris Eltsine, Margaret Tatcher, Rupert Murdoch, Gorbatchev, Issa Kostoïev, Kaufman, Pivot, Kubrick, Pollack, Guinness et bien d'autres…

Sa mère Olive, son père Ronnie, son frère… Des moments où l'auteur se livre dans Son livre.

Le monde comme terrain de jeu et source d'inspiration.

Ken Follet, Ludlum, Walter Mykel, Jack Higgins, Tom Clancy et bien sur John le Carré ont bercé mes soirées de lecture dans les années…
Alors pour les connaisseurs et ceux qui veulent découvrir comment se construit une légende il est urgent de se procurer cette dernière production d'un des dinosaures du style.
Lien : http://leatouchbook.blogspot..
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Difficile de critiquer un livre autobiographique, en plus de ça l'auteur a vécu une vie exceptionnelle, riche en aventures et en rencontres. le théâtre de sa vie fût riche en émotions, il me fait personnellement rêver, peut-être un peu trop d'ailleurs, j'ai toujours voulu être l'espion qui échange des documents importants sur le banc d'un parc très fréquenté, avoir la confrontation de deux mondes, celui du secret et celui des quidams, bien loin de l'image de James Bond qui tire à tout va et fait exploser la moitié de la ville, j'aime par-dessus tout ce confidentiel regard sur le métier et c'est ce que John le carré me donne dans ce livre.
Des histoires il en a vécu mais je les qualifierais plus d'anecdotes, de celles que l'on raconte après avoir bu quelques verres pour impressionner ou pour partager son expérience de vie, tout simplement. C'est parfois un peu long à lire mais toujours intéressant à mes yeux et la plume de l'auteur fait des merveilles sur moi, j'adore sa façon subtile de distiller des indices comme il le fait si bien dans ses romans.
En bref, c'est un bon livre pour apprendre à connaître l'auteur aussi bien sur sa vie que sur sa façon d'écrire. J'ai adoré suivre ses aventures, ça m'a fait plaisir d'en apprendre un peu plus sur lui.
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Autant vous l'avouer j'aime beaucoup les livres et l'esprit de John le Carré.
Cet ouvrage vient en fait couronner la liste de ses livres. Il apporte le petit éclairage qu'il accepte de nous donner sur les personnages, fictifs ou non, qui ont jalonné sa vie et sa carrière. Passionnant, seul défaut : je le lis depuis plusieurs années et il me faudrait reprendre ses titres à l'éclairage des éclaircissements qu'il nous donne dans ce dernier livre. Un monde bien complexe, la guerre froide, l'espionnage, les traîtres. L'écriture est riche mais concise, pas de divagations inutiles. Si vous ne le connaissez pas, commencez bien sûr par ses oeuvres, finissez par le « tunnel aux espions » vous en avez pour des semaines de lecture et vous voyagerez dans le monde et les époques…
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J'ai apprécié ce livre, d'abord un peu difficile d'accès, lorsqu'il raconte les premières années de John le Carré, de son vrai nom David John Moore Cornwell, en Allemagne, puis dans les services secrets britanniques.

Le livre est construit avec une grande rigueur, alors même qu'il se donne une apparence de promenade négligée dans les souvenirs de l'auteur. Plusieurs chapitres se suivent autour d'une dominante, selon les endroits où John le Carré était en poste, ou, le plus souvent, où il a effectué des recherches pour ses romans, rencontrant des personnes hétéroclites et les sondant pour en adopter des traits dans ses fictions.

Bien sûr, il a également rencontré des personnes célèbres, de grands hommes politiques, récits qui donnent lieu à des moments épiques, parfois d'une grande force émotionnelle – j'ai été bouleversée avec lui par le séjour en Palestine, la rencontre avec Yasser Arafat. Il a aussi rencontré des réalisateurs, des acteurs, pour les besoins d'adaptations filmées de ses ouvrages…

Parallèlement avec une bienveillance tranquille, il ne se départ jamais de ce fameux humour anglais, pince-sans-rire, qui confine parfois à l'ironie mordante. Il n'épargne pas les services secrets et leur sens particulier de l'honnêteté, leur usage du mensonge, du chantage… Nous sommes également aux premières loges pour voir évoluer la Russie post-Pérestroïka, gangrenée rapidement par les gangs et la corruption. Il semble que les services secrets britanniques et la CIA d'une part, le KGB d'autre part, aient passé durant la guerre froide leur temps à se chercher des noises, à se doubler, et les antagonismes ont perduré mais ne sont plus que le reflet d'un vieux monde.

Enfin, et ce n'est pas le moindre sujet, il a fallu à John le Carré affronter l'image de son père, Ronnie, pour exorciser toute la colère qu'il lui vouait, et tenter de comprendre quel homme il était vraiment, ce qu'il pourrait lui avoir légué… Ronnie était un personnage incroyable, presque légendaire, formidable escroc, qui mit souvent ses fils dans le pétrin, mais à qui il fallait toujours pardonner – le tout avec une mère qui s'était enfuie une nuit, et qu'ils n'ont retrouvée que beaucoup plus tard.

John le Carré dresse une sorte de bilan de sa vie et de sa carrière à travers des chapitres assez brefs, peuplés de personnages qu'il fait bien revivre, et traversant une grande partie de l'histoire du XXe siècle.
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Après lecture, on comprend que tout est révélé dans le double titre : pigeons et histoireS. Histoires au pluriel car ce n'est absolument pas l'histoire de sa vie, une biographie de l'espion devenu écrivain (par ailleurs écrite par Adam Sisman), mais une suite d'histoires chronologiquement décousues , « d'anecdotes vraies racontées de mémoire » illustrant la construction d'un écrivain depuis une enfance chaotique, puis une carrière « diplomatique » et enfin une errance dans « le théâtre du réel » – Cambodge, Liban, Palestine, Congo, Russie, Rwanda… Très peu de confidences personnelles : simple mention de ses deux épouses, échanges tardifs avec une mère longtemps disparue et surtout souvenirs d'un père terrifiant, « escroc de bas vol » fréquemment embastillé. En revanche un florilège d'anecdotes et de rencontres savoureuses et ironiques , parfois arrangées jamais falsifiées affirme-t-il, qui déterminent toute son oeuvre. On croisera entre autres Yasser Arafat, Thatcher, Douche, Cossiga ou Sakharov mais aussi beaucoup d'hommes de culture de Fritz Lang à Bernard Pivot. Alors laissons nous emporter par l'écrivain au style irréprochable, désabusé, sans jamais essayer d'en dégager une synthèse. « D'abord on s'invente, ensuite on finit par croire à sa propre invention » ou « Né dans le mensonge, éduqué dans le mensonge, formé au mensonge par un service dont c'est la raison d'être, rompu au mensonge par mon métier d'écrivain. » : voilà deux citations qui pourraient l'excuser s'il nous prend pour des pigeons ! Un livre riche et extrêmement plaisant.
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