Il attend, il rêve les yeux fermés à la jeune fille aux cheveux d'or belle comme une fée, qui reviendra demain dans le parc. Peut-être qu'elle tournera son regard pâle pour chercher du côté des grands arbres, et lui n'y sera pas.
Le soir, la nuit tombait d'un coup, elle sortait de l'épaisseur de la forêt et elle éteignait les reflets sur le fleuve.
Le soir, la nuit tombait d'un coup, elle sortait de l'épaisseur de la forêt et elle éteignait les reflets sur le fleuve.
A la baie Malgache, les vagues sont très proches, elles s'allongent sur les cailloux noirs si près l'une de l'autre que ça fait un seul fracas doux, sans respiration, un bruit de moteur.
De l’autre côté, les jardins, les arbres aux frondaisons noires contre le ciel clair, et j’entends les glapissements des merles que l’arrivée de la nuit angoisse. C’est un autre soir, encore un soir dans la série des soirs.
La vie est une quête cruelle de la lumière, lumière des villes, lumière des déserts, lumière du sable qui emplit la bouche de ceux qui tombent. Lumière des rêves.
Pourquoi les berceuses sont-elles souvent tristes ? Est-ce parce que la vie qui attend, au-dehors, au sortir des bras chauds et des mamelles douces, la vie est dure et mauvaise, violente, terrible ? Ou bien parce que la porte du sommeil s’ouvre sur les cauchemars, sur la solitude, et quelquefois entrer dans la nuit c’est entrer dans la mort ?
"De l'autre côté de la mer, on arrivera dans une grande ville pleine de jardins et de maisons, des maisons où on pourra entrer, parce que tout le monde nous attendra..."
"Il y aurait des arbres, on pourrait vivre dans les arbres..."
"Oui, il ne ferait pas froid, on ne serait jamais malades."
"Il y aurait beaucoup d'enfants, chacun pourrait avoir sa famille..."
"On dormirait dehors, sous les arbres..."
"Ou bien dans de grandes chambres avec des lits, des coussins, des rideaux."
" On n'aurait pas besoin d'argent pour vivre, on aurait à manger tout ce qu'on veut, même si on ne voulait pas travailler."
" Il n'y aurait jamais d'avions."
"Une ville, sur un grand lac d'eau douce, et les gens sont dans des barques, ils apportent les fruits, les légumes dans les barques..."
"Les enfants ont des jardins immenses, il y a une fête chaque jour, de la musique, les filles vont danser."
" On peut aller à l'école, on sait lire les livres."
"Il n'y a plus de batailles, personne n'est ennemi."
"On a chacun son cheval, on peut galoper dans les forêts."
"Les animaux sont apprivoisés, même les serpents, même les chacals."
J'avance vers ma fin. La fin d'un jour, la fin d'un rouleau, la fin d'une tâche.
Je ne sais plus. Je brûle de regarder, j'ai mal d’accommoder. Je ne suis plus qu'une pupille qui se dilate et se contracte au rythme de mon cœur. Même quand tout s'éteint, quand toute la vile dort, je guette. Je guette chaque passage, chaque frisson sur la pierre, chaque papier qui boule, poussé par la respiration des corridors. Mon esprit ne peut pas s'arrêter. Je suis prise dans une sorte d'éternelle, invincible insomnie.
Chuche se demande s'il peut comprendre le langage des bébés quand ils sont encore dans le ventre de leur maman. Ce doit être un langage très doux parce que Juanico reste longtemps à écouter, puis il s'endort, et Chuche passe ses doigts dans ses cheveux bouclés