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4,1

sur 572 notes
S'il fallait n'en lire qu'un ce serait celui-là, LE roman sur la vengeance, LE roman noir sur la guerre d'Algérie, LE meilleur roman écrit sur la ville de Bordeaux.
Dans les années cinquante, la ville se remet de la guerre, même si elle a laissé des traces sur les murs et dans les mémoires.
Le commissaire Albert Darlac, fasciste convaincu qui exècre la faiblesse et se place toujours du côté des plus forts, a su s'enrichir pendant la guerre entre marché noir et saisies. Jamais inquiété lors de l'épuration, il règne sur sa ville grâce à sa connaissance du milieu et des secrets les plus inavouables des notables du coin. Mais une silhouette fantômatique semble rôder autour de lui, surveiller sa famille, tuer des gens qui lui sont proches.
Darlac est un homme sans état d'âme qui n'a pas l'habitude qu'on le menace. Pendant qu'il met toute sa hargne et son réseau d'informateurs à la recherche d'une piste, les jeunes français reçoivent leur feuille de route pour l'Algérie. Daniel Delbos, dont les parents ont été assassinés à Auschwitz, travaille comme apprenti dans un garage et s'interroge. Pourquoi combattre? Doit-il déserter ou faire son devoir? le premier chapitre du roman, une scène d'interrogatoire musclé au cours de laquelle Darlac et ses sbires torturent un suspect, préfigure ce qui se déroule de l'autre côté de la Méditerranée. Les destins de Daniel, un amoureux du cinéma hanté par le souvenir de ses parents défunts et de Darlac, ogre dénué d'empathie semblent liés.
Inutile de dévoiler davantage l'intrigue complexe et la remarquable construction du roman, Après la guerre est le récit d'une vengeance obstinée dont la justice n'est pas le but. Ce beau roman sombre est rempli de personnages complexes, de belles figures féminines et de fantômes qui s'attachent aux semelles des vivants. On retiendra la pudeur et la délicatesse de le Corre lorsqu'il dit la déportation et le retour à la vie lorsque l'on préférerait être mort.
On retiendra aussi l'évocation de la guerre d'Algérie, si rare dans les romans français, l'arrivée des jeunes recrues sans tambour ni trompette alors que leurs parents se remettent difficilement du conflit précédent, leur quotidien, leurs craintes et leurs cas de conscience dans un conflit qui les dépasse: "Il aimerait bien aller parler avec eux, ces étudiants peinards, mais il ne sait pas ce qu'il leur dirait: la chaleur, la soif, les ampoules aux pieds, la peur, la poussière, la crasse, les insomnies, la bêtise, l'alcool, la solitude et les larmes et les sourires quand le courrier arrive, selon ce que racontent les lettres..." Après la guerre, c'est encore et toujours la guerre.
Impossible désormais d'oublier l'évocation sans concession de Bordeaux, surnommée autrefois "la belle endormie". La ville de l'oubli qui a préféré jeter le voile sur le commerce triangulaire, sur les exactions de Pierre-Napoléon Poinçot, chef de la Section des Affaires Politiques, auxiliaire zélé de la Gestapo qui torturait Cours du Chapeau-Rouge, sur le maire Adrien Marquet qui prônait la collaboration avec l'Allemagne nazie, s'est refait le pucelage en élisant le résistant Jacques Chaban Delmas à l'Hôtel de Ville. Au delà des façades XVIIIème et des demeures bourgeoises, Hervé le Corre ressuscite une ville qui n'existe plus, le port dont on a oublié qu'il fut autrefois si vivant, Bacalan, les Capus, Bordeaux et ses banlieues populaires dans une langue riche et dense saupoudrée d'un bordeluche jamais "folklorique" qui colle si bien à la réalité.
Un des plus beaux romans lus ces dernières années.
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C'est ma première rencontre avec Hervé le Corre et ce ne sera pas la dernière tant cette lecture m'a passionné et même impressionné.
Il s'agit d'un roman noir, très noir même, je ne dirai que le minimum de l'intrigue pour ne parler que de mon ressenti, pour commencer c'est remarquablement écrit et très bien construit, l'auteur va prendre son temps pour poser le décor et nous présenter les trois acteurs principaux de cette sombre histoire.
J'ai aimé pour plusieurs raisons, la première c'est que l'auteur va planter l'essentiel de son décor à Bordeaux et nous parler de la ville de façon quasi documentaire et ça j'apprécie énormément, apprendre et désapprendre des choses, vous je ne sais pas mais moi je pensais que Bordeaux était une ville calme et bourgeoise, je ne savais pas qu'il avait pu y avoir une "pègre" et des bas fonds dans cette ville prospère.
La deuxième raison c'est l'aspect historique, la collaboration vue de Bordeaux avec une Gestapo et des flics particulièrement zélés pendant l'occupation, et le parcours de ceux (nombreux) qui sont passés au travers des mailles du filet lors de "l'épuration", nous en retrouverons certains pendant cette histoire.
La troisième raison est que le récit est habilement structuré, lentement, en alternant le récit souvent introspectif des trois personnages principaux avec de nombreux flash back qui petit à petit vont nous dresser un tableau d'une grande précision et d'une force émotionnelle certaine.
La dernière raison est que les personnages sont formidablement dessinés, Jean le "revenant", homme torturé et avide de vengeance, Darlac le flic pourri, probablement la plus belle ordure de "papier" que j'ai rencontré, et enfin Daniel, un jeune homme dans la tourmente émotionnelle.
Si je devais oser une image, ce serait qu'il faut vous attendre à marcher dans la boue (ou autre chose c'est selon) et à avancer avec une pince à linge sur le nez, c'est sombre et parfois amoral, en un mot c'est parfaitement réussi dans son genre.
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Ça commence glauque, ça finit glauque, et au milieu c'est glauque. Donc a priori là on est plutôt sur du glauque.

Bordeaux, si lumineuse aujourd'hui, est aussi noire ici que dans mes souvenirs d'enfant, où l'urbanisme bourgeois de la belle endormie se morfondait en façades couleur de suie. Mais des années plus tôt, dans ce temps flou d'après-guerre où nous entraîne l'auteur, le noir sévit aussi dans les âmes, au sein d'une société disloquée et corrompue jusqu'à la moelle.

Et puis si la guerre – la seconde – est bel et bien terminée, il y a l'autre, celle d'Algérie, histoire de prolonger les réjouissances. On se marrait bien dans les années cinquante.

De son côté l'ami lecteur progressera donc d'intrigues en péripéties entre Bordeaux et Alger, suivant la trace de divers personnages parfaitement campés et judicieusement répartis sur l'échelle de la coolitude, de niveau “abject” à échelon “attachant”, c'est selon.

Seul élément immuable dans ce roman qui secoue pas mal quand même, le talent d'Hervé le Corre qui parvient miraculeusement à associer une prose délectable et presque poétique à des thèmes d'une noirceur quasi permanente. C'est une des belles surprises que m'a réservées ce bouquin, mon premier le Corre, et pas le dernier, c'est certain.


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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Ne pas se fier à sa première impression ! Après la guerre n'est pas une série noire à deux balles comme le premier chapitre a failli me le faire juger : lieux sordides, personnages barbares, scènes insoutenables de violence, écriture argotique. Certes, ce roman est un polar noir et un thriller percutant. Il est aussi une éblouissante démonstration littéraire.

Dans Après la guerre, Hervé le Corre, ancien prof de lettre, auteur de plusieurs romans policiers à succès, embarque le lecteur dans sa ville, Bordeaux, à la fin des années cinquante. Loin de la métropole à l'image raffinée et élégante d'aujourd'hui, c'est alors une ville grise, repliée sur elle-même. L'intrigue se situe dans les quartiers populaires : habitations ouvrières fatiguées, ateliers et entrepôts délabrés, rives sinistres de la Garonne, entrelacs mystérieux de voies ferrées, troquets miteux mal famés.

Le souvenir de la guerre pèse encore sur les esprits. Des malfrats enrichis par un commerce indigne avec les Allemands ont passé sans dommage le filtre de l'épuration, et ceux qui ne se sont pas entretués depuis sont toujours aux affaires, protégés par les mêmes policiers que pendant l'Occupation. Il avait bien fallu, à la Libération, privilégier la continuité du Service Public.

Dans ce contexte glauque, deux personnages sont frénétiquement à la recherche l'un de l'autre. Leurs intentions sont claires et ils sont prêts à tout pour atteindre leur but. Y parviendront-ils et comment ?

Le commissaire Albert Darlac est un flic corrompu, un homme brutal, amoral, infect à tous points de vue. Un ancien collabo très malin, qui a su rebondir après la guerre, grâce aux dossiers qu'il a constitués sur les uns et les autres. On le déteste et on le craint. Il privilégie toujours ses intérêts personnels. Gare à qui se met en travers de son chemin, rien ne peut l'impressionner, pas même un tueur mystérieux qui s'en prend à des proches…

André, alias Jean, est revenu de déportation sans sa femme, gazée à Auschwitz. Tous deux avaient été raflés sur dénonciation, il en est convaincu. Après une dizaine d'années à tenter de se reconstruire à Paris sous une nouvelle identité, il est de retour avec l'intention de régler des comptes. Avec aussi l'espoir de retrouver le petit garçon qu'ils avaient mis à l'abri avant d'être arrêtés.

Et justement, en contrepoint, un troisième personnage : Daniel, vingt ans. Il se souvient à peine de ses parents et il est persuadé qu'ils sont tous deux morts en déportation… Et c'est à nouveau la guerre ; en Algérie, cette fois. Daniel découvre la vie en garnison, les bidasses plus bêtes que méchants, le bleu fascinant de la mer et du ciel, vite effacé par la poussière et l'incandescence. Les premières images d'horreur sont un traumatisme qui instille la peur, la terreur. S'en suit la haine, le désir de vengeance, le réflexe de tuer pour ne pas être tué. Comment s'en sortir ?

Les chapitres sont consacrés tour à tour aux trois personnages. Avec un réalisme saisissant, l'auteur y dévoile sous forme narrative, l'évolution de leurs réflexions et de leur état d'esprit. Il adapte son style d'écriture à chacun, dans la continuité des dialogues, où les langages reflètent carrément les personnalités. L'affreux Darlac jacte « façon tontons flingueurs ». André/Jean parle peu ; à son retour des camps, il s'était mis à écrire ; des textes sobres aux mots justes et aux phrases bien tournées, qui ne peuvent contenir l'émotion, ruisselante.

Hervé le Corre m'a tenu en haleine pendant les cinq cents pages du roman. Ses digressions, nombreuses, sont autant de promenades plaisantes. Elles rendent aussi bien compte de l'atmosphère crépusculaire des bas-fonds bordelais que de la lumière étincelante du djebel algérien. Elles m'ont fait suivre avec curiosité le quotidien d'une famille de sympathisants communistes – en ces années, le Parti était la première formation politique française –. Elles m'ont accompagné dans l'intimité de Daniel, dans les remords d'André/Jean, dans les stratagèmes tortueux de Darlac, un personnage qu'elles m'ont fait haïr et dont j'ai attendu désespérément la chute… Jusqu'à la dernière ligne…

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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« - Quoi ? Les petites filles ? Bien sûr que c'est vrai. Il a déjà fait du gnouf pour ça. C'est de famille, la saloperie, chez les Penot. Son frère, il était auxiliaire chez Poinsot, la Gestapo française, ici. Cours du Chapeau-Rouge ils avaient leurs salles de torture. Et celui-là, il rabattait pour les schleus, en se servant au passage. C'est le genre de type qui va au bout de son vice quand les circonstances le permettent. Et pendant l'occupation, toutes sortes de saloperies étaient permises et ces mecs-là ont poussé sur le fumier. » mais il y a aussi « Il retrouverait pas sa bite dans son slip si on lui faisait croire qu'elle a disparu ».


Voilà, ces quelques phrases donnent le ton du livre d'Hervé le Corre. C'est noir, très noir, mais c'est extrêmement bien construit, très bien écrit, et d'un réalisme qui fait froid dans le dos quand on pense que tous les protagonistes font partie de la même espèce humaine que nous. Malheureusement, rien n'a changé sous le soleil et l'auteur n'hésite pas à nous le rappeler! Mais il y a aussi des braves gens comme Roselyne et Maurice.


Hervé le Corre ne pouvait trouver mieux que cette période d'après guerre à Bordeaux pour y situer son roman. Toute l'histoire se passe dans les années 50. La belle capitale girondine bénéficie d'un passé particulièrement glauque: Gestapo efficace, salauds, collabos qui sont passés à côté de l'épuration, zèle de la police quant à l'organisation des rafles de juifs – notre concitoyen Boris Cyrulnik en sait quelque chose.

Alors l'auteur nous concocte un roman noir qui n'a rien à envier aux grands écrivains de thrillers du moment. Il y a des pages jubilatoires à la « Michel Audiard » où chaque lecteur peut s'imaginer la scène et distribuer les rôles mais il y a aussi de très belles pages écrites dans un français choisi chargées d'émotions.

Certains chapitres sont extrêmement poignants : je pense à Hélène qui survit depuis son retour des camps. Hervé le Corre nous entraîne dans ses pensées et la question lancinante surgit : « comment vivre après avoir vécu toutes ces horreurs ».

J'ai une pensée pour Marceline qui vient de nous quitter. Elle a suivi de peu sa grande amie, Simone. Quel courage et quelle force psychologique pour rester debout après ce qu'elles ont vécu !

Et puis il y a la guerre d'Algérie, j'avoue avoir sauté quelques pages trop difficiles à lire sur les atrocités commises. Les descriptions des corps mutilés, déchiquetés, la jouissance que donne la possession d'une arme, tout participe à nous restituer l'atmosphère de cette terrible guerre.

C'est un très grand livre à mes yeux qui sous le vocable de « Thriller » est un véritable concentré d'humanités et d'abjections, un cri de détresse devant les horreurs commises, devant la noirceur de l'âme humaine, devant la souffrance des victimes.

Encore une belle découverte d'un roman sombre et intense et c'eut été dommage de passer à côté. Un grand merci à Pecosa et Michfred !
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Du très grand polar , âpre dans son action , bouleversant dans son histoire .
On reste scotché par la force de ces descriptions , sur le Bordeaux de l'après guerre , sur ses quartiers et ses truands et demi sel , sur la guerre d'Algérie qui prend dans ces descriptions sa vraie dimension de Guerre . Un roman qui apporte ses lettres de noblesse sur un genre " le Polar " que l'on qualifiait il y a quelques années de mineur , c'est plus encore que ça ....
On pourrait rêver d'une adaptation au cinéma , mais ce Polar est tellement dense , massif , puissamment décrit , évoqué et mis en image que la tâche d'en sortir un scénario et une adaptation filmée serait périlleuse pour ses éventuels auteurs . S'il faut ne lire qu'un Polar c'est celui la , un voyage d'émotions , merci Mr le Corre .
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Une mémoire qui dérange et un fantôme
qui réclame ... vengeance.
A travers trois personnages,
Darlac, un commissaire formé aux méthodes fascistes
Daniel, une jeune recrue qui s'apprête à partir en Algérie
et un revenant de l'enfer qui sort ses griffes
et joue au chat et à la souris...
Le Corre a tissé une intrigue
qui se déroule dans les années 50,
entre l'oubli de la période trouble de l'occupation
et la fuite en avant dans la guerre d'Algérie.
En tête d'affiche Bordeaux
Un Bordeaux savamment blanchit
qu' Hervé le Corre décape avec force
et lui redonne ses couleurs d'antan
le noir, la honte et la crasse
qu'il fait remonter à la surface...
Et fait revivre un Bordeaux populaire d'après la guerre
ses quartiers et bars louches avec son lot de misère
Un Bordeaux crapule avec des mines patibulaires qui se sont bien servis,
des salopards comme le Corre aime en décrire, des intrigants et beaux parleurs qui sombrent , des revenants de l'enfer , des gueules cassées, des déglingués, des angoissés et traumatisés et des petits princes de la vidange...
Et décrit d'une plume réaliste l'horreur de la guerre d'Algérie vécu par un gamin de 20 ans qui passe par tous les états, exaltation, doutes et cauchemars
Un roman puissant servi par une grande plume du roman noir français.
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"Après la guerre, parfois la guerre continue. Silencieuse, invisible. Le passé se présente à votre porte avec la sale gueule d'un sale flic; même les morts reviennent. Pas toujours ceux qu'on espérait revoir."

Trois hommes, trois guerres, trois enfers.

Et une seule ville pour les réunir tous dans l'embrassement poisseux de leurs retrouvailles : Bordeaux la négrière, la portuaire, la bistrotière. Bordeaux la ville de Papon, et celle de Poinsot, le tortionnaire.

Bordeaux la collabo' qui tente de se racheter une conduite avec son nouveau maire "jeune et beau, au physique de représentant d'aspirateurs, résistant irréprochable, chargé par de Gaulle de retaper la virginité de cette grande traînée et de sa marmaille de morveux et de bourgeois, de négociants en vin, de flics, de journalistes locaux toujours contents au bout de leur nouvelle laisse."

Bordeaux, le dernier cercle de trois enfers.


L'enfer....

L'un, Jean alias André, en revient : son enfer à lui se nomme Auschwitz et il y a laissé une part de lui-même à jamais.
Le jeune Daniel, lui, y va: c'est l'enfer de la guerre d'Algérie,une guerre coloniale injuste et cruelle qui ne dit pas son nom et le marque de ses stigmates indélébiles.
Quant à Albert Darlac, un flic ripoux, psychopathe, fasciste, sadique et pervers, il y mijote depuis toujours : son enfer c'est lui-même.

Sombre, violent et impitoyable récit, découvert , avec son auteur, grâce à Pecosa : une noire pépite, somptueusement écrite et qui fait la part belle à tout ce qui donne du poids, du corps et du prix à un (excellent ) polar, à savoir : une époque bien cernée-ces années 60 mal decrassées des années glauques de l'Occupation et déjà embourbées dans les "événements" d'Algérie -, une ville bien campée -inoubliable portrait au vitriol de Bordeaux- et surtout un style, une patte, une griffe, bref une vraie langue qui donne de la chair aux personnages, de la tension à l'intrigue, de la gouaille aux dialogues -et le Corre a tous ces talents à revendre!

Une belle découverte stylistique, un choix très politique, une vision très noire de notre peu reluisante espèce humaine!
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Roman sur la vengeance avec en toile de fond la collaboration pendant la seconde guerre mondiale, la guerre d'Algérie, la cruauté des hommes. La ville de Bordeaux comme témoin de ces destins brisés. Tout cela raconté avec une force narratrice bouleversante. le style dense, brillant passe d'un récit à l'autre sans que le rythme n'en souffre le moins du monde et portés par des personnages d'une incroyable complexité, font d' «Après la guerre » un très sacré bouquin. Il y a longtemps qu'un roman m'avait autant remué. Au sommet de votre PAL !
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Splendide ! Noir ! Et quel titre ! "Après la guerre", la guerre n'a pas de fin, visiblement...
Quand j'ai lu Charlotte Delbo, rescapée, comme le personnage principal du livre, d'Auschwitz, j'ai été naïvement horrifiée de voir le silence qui avait entouré le retour des camps, et peu à peu j'ai compris ce que le Corre nous dit ici : qu'après la guerre, pendant plus de vingt-cinq ans, ceux qui marchaient dans la rue étaient les mêmes que pendant la guerre. Et pas que dans la rue, partout, dans la police en particulier, dans les grands corps de l'Etat. D'où le silence. Qui depuis a été levé, car ils ne sont plus très frais, tous ces braves gens. Alors maintenant, on y va pour la mémoire. Devoir de mémoire. Vieux motard que jamais. Avant la guerre.
Bref, c'est exactement ce que nous dit Hervé le Corre. Bordeaux, 1960, 61. Une chape de plomb sur la ville si marécageuse que jamais métro ne put y être construit. Une sorte de Derry français, si je puis me permettre cette comparaison kingienne, avec un coeur vicié par le commerce triangulaire, entre autres. le commissaire Darlac, Albert Darlac, y fait régner sa loi. Il a beaucoup collaboré quinze ans auparavant, beaucoup profité, beaucoup spolié...Il a épousé une "pute à boches" qu'il maltraite et méprise rigoureusement, et a une fille, Elise. C'est un violent, le commissaire. Personne ne songerait à l'embêter. de toute façon, il tient tout le monde, parce que tout le monde a quelque chose à se reprocher, quelque chose de sale à cacher.
Cependant...Une ombre s'est faufilée en ville, et a assassiné une petite ordure d'ex milicien proche du commissaire...Puis a failli étrangler Elise et lui a dit de prévenir son père qu'il était là revenu pour se venger...L'ordre fragile fondé sur les marais pestilentiels est-il menacé ?
Mais en fait, ce sera plus complexe que cela. Parce qu'il faut ajouter la nouvelle guerre qui s'amorce, celle dont on ne parle jamais vraiment, celle qui, aujourd'hui, dans une belle mise en abîme du roman sur nous-mêmes, est étouffée dans le silence, la guerre d'Algérie... C'est un troisième personnage, totalement lié aux autres, qui y est embarqué, Daniel, fils de deux déportés , dont la mère est morte dans les chambres à gaz, et qui va lui-même se retrouver face à des mères et des enfants, arme à la main...
L'auteur dépasse largement le cadre du genre pour poser des questions essentielles sur une époque qui est presque la nôtre, qui pourrait devenir la nôtre. Sa vision de la nature humaine est caractéristique de notre temps : atroce. Aucun espoir, entre les lâches, les flambeurs insouciants, les violents, les idiots, les profiteurs, les tueurs, les fous. Enfin si, il reste les femmes. Totalement écrasées par l'ordre patriarcal, elles réussissent quand même à émettre un peu de lumière dans la nuit. Mais bon, c'est peut-être le rêve d'un auteur masculin...
Magnifique livre ! Mais j'espère bien que nous ne sommes pas avant la guerre...
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