J'ai découvert
David le Golvan avec son précédent roman "L'agrestie". L'adhésion fut totale, de ces pages-là, j'ai tout aimé : le style, le climat, le sujet. Il y a, avec certains livres comme avec certaines personnes, des alchimies immédiates et totales.
Alors voici qu'arrive à la suite "
Brutalisme", livre à la couleur du béton. L'auteur nous met face à son personnage central, un architecte, et nous laisse seul avec lui en tête à tête, seul avec sa déconstruction, sa fissuration, l'inversement de son processus vital.
Un évènement imprévu lors d'une cérémonie d'inauguration va, par les interrogations sans réponses qu'il soulève, par la haine inexplicable qu'il développe, enfermer le personnage principal avec lui-même. En parallèle avec l'immeuble en forme de colimaçon qu'il a créé, notre héros gangréné va se cloîtrer dans sa coquille comme un escargot et entamer un long dialogue avec lui-même.
J'avoue que dans un premier temps, et jusqu'au dernier tiers du roman, j'ai posé sur l'énergumène un regard amusé et tout à la fois fortement empathique. J'ai même enfilé son costume avec facilité, allant jusqu'à partager certains de ses ressentis quant au besoin vital de retrait dans un espace intime, aux désirs de silence absolu et de rupture de communication avec tout individu de mon espèce.
Ma légèreté de lectrice a viré en désespoir quand l'irréversible a pointé le bout de son nez. S'est installé alors un sentiment nauséeux, proche du malaise oppressant qui vous extirpe brutalement d'un cauchemar et vous laisse en suspend, démantelé, à mi-chemin entre les vapeurs du sommeil et l'éveil à la réalité.
"
Brutalisme" est un livre troublant, déstabilisant tant son héros nous ressemble. le chaos instauré dans l'esprit du personnage central entraîne chez celui-ci une réponse froide, disciplinée, déterminée, du moins en apparence. C'est une équation mathématiques précise, rigoureuse, vaine et sans solution.
C'est aussi un livre qui a des effets secondaires. Ce n'est pas parce que vous en avez terminé la lecture que vous en avez fini avec lui. Celui-ci revient vous titiller les neurones avec des questionnements divers sur la mécanique du bon fonctionnement du cerveau, sur la vulnérabilité de l'équilibre psychique, sur le sens des valeurs qui servent de tuteurs à nos existences ou encore sur la violence traumatique inouïe des gestes de haine sur lesquels on ne peut mettre d'explications.
Pour conclure, "
Brutalisme" est un marécage où je me suis enfoncée sans réserves et avec délectation.
Mon conseil :
Brutalismez-vous.
Pour les architectes : uniquement sur ordonnance et après avis psychiatrique.