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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
“Selon la Déclaration d'Antonia, il n'y a de propriété que d'usage. Chaque être humain est libre et maître de son travail ; le sol, l'air, l'eau, les animaux et les plantes ne sont pas des ressources.” Nous allons suivre Umo dans cette utopie, de son enfance à sa vieillesse. Nous le découvrirons à travers ses rencontres et ses expériences, et à travers ses yeux, nous allons comprendre une société différente de la nôtre. Par exemple, dans cette société, il y a un salaire universel, plus de mariage, et les parents n'ont plus de propriété sur leurs enfants. La relation au travail est aussi très différente et je trouve, plus saine.
J'ai découvert ce livre dans une vidéo de “Les Mots de l'Imaginaire” et je l'ai acheté dès que je l'ai trouvé en librairie. Aussitôt acheté, aussitôt lu ! Ce livre est très probablement ma meilleure découverte et ma meilleure lecture de l'année 2023. J'ai traversé toutes les émotions possibles et j'ai été très triste de quitter Umo et les autres à la fin du livre. (Oui, j'ai pleuré pendant 20 minutes). À tous les gauchos, n'hésitez pas et foncez l'acheter ! Camille Leboulanger a fait un travail fantastique de recherche !
Quant à l'histoire en elle-même, les personnages sont imparfaits, touchants et très réalistes, très humains. On peut se retrouver un peu en chacun d'eux. J'ai adoré Gob, Livia et tous les autres.
Je ne sais pas si j'ai fini le livre avec l'espoir d'un monde meilleur ou la tristesse que ça n'arrive jamais.
Et dernier point pour dire que c'est un livre inclusif ! Allez go dévaliser Argyll maintenant !



Lien : https://saladedelivre.com/
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Ce roman a pour moi été une claque.
Si vous aimez l'anticipation, mais que vous avez envie de quelque chose de neuf et même quelque chose de positif, ce roman est fait pour vous.
On dit souvent qu'il est plus facile d'imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme. Ce roman propose le contraire.
Suivez l'histoire de personnages attachants dans une utopie assez complexe pour paraître réelle et possible.
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J'ai lu ce livre il y a quelques mois et je n'arrive pas à l'oublier, alors here i am

Je ne vais pas rentrer dans les détails car les autres critiques le font parfaitement. Néanmoins il faut avouer que ce livre ne laisse pas indemne, sauf si les thématiques ne nous parlent pas du tout

Pourtant c'est un pavé de 600 pages qui ne raconte pas grand chose si ce n'est la vie entière d'Umo, et quelle vie ! Se fut 600 pages intenses et riches où l'on traverse différentes villes, où l'on rencontre une myriade de personnes et où on découvre la vie d'une société radicalement différente de la nôtre. Et celle-ci fait franchement rêver, malgré quelques défauts et questionnements que le livre laisse en suspens (mais je pense que ce n'était pas le sujet principal de l'histoire).
En tout cas on se laisse porter et ce livre est un voyage fabuleux, la fin en est d'autant plus douloureuse car le retour à la réalité est difficile, j'ai lâché quelques larmes après un tel voyage.

Après ma lecture, je suis allée lire le chef d'oeuvre d'Ursula K. Le Guin "Les Dépossédés", incontournable de la SF cité par de nombreuses féministes et auteurices. Ce livre qui a largement inspiré Camille Leboulanger pour Eutopia, j'ai plus qu'adoré voir la connexion de ces deux livres.

Je recommande chaudement la lecture de ce livre à toustes celleux qui adorent les thématiques qui y sont abordées. Il y aura néanmoins quelques (rares) longueurs, et beaucoup de descriptions, ce qui peut bloquer pour certain·es.
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Bon les enfants, en ce moment c'est pas trop la fête dans ma petite tête (j'aime pas l'hiver que voulez vous) et je me suis dit qu'un postapo utopique ne pouvait pas faire de mal.
J'ai découvert la plume de Camille Leboulanger grâce à une masse critique de Babelio, Bertram le Baladin, et depuis j'aime tomber sur ses écrits.
Et de fait, on se balade à lire ce gros livre sans souci. Ce n'est pas un post apo en fait mais plutôt un post capo', un après monde de maintenant, comme si l'humanité avait enfin choisi de ne plus niquer la planète.
Ce n'est pas vraiment un post capitalisme non plus mais "juste" le récit de la vie d'un homme, Umo, que l'on suit de l'aube au crépuscule de son existence. Ainsi à le voir voyager de villes en villages, d'occupations en métiers, on comprend comment est construit ce monde proposé. de ses modes de vie, pensées, activités, amours et tout. En fait on a bien de la chance, c'est le personnage idéal pour nous faire découvrir ce monde Eutopique. L'homme a periclité suite à une convention signée il y a quelques générations où la propriété a disparu, les naissances contrôlées et l'éducation partagée (en mode tribu). le salaire est universel car tout le monde travaille même si son activité ne produit rien. Aussi Umo, l'idéal personnage, va vivre plusieurs vies. Tour à tour jeune adulte, inventeur, fée du logis, artiste, aventurier ou politicien. Hétérosexuel, asexuel, polyamoureux. Il va nous faire découvrir ce nouveau monde. Nous le faire rêver. Cette possibilité de changer de voie à tout âge. D'apprendre si on le souhaite. D'être faillible. Ambitieux ou un peu sauvage tout en ayant toujours sa place

Néanmoins c'est là que Camille Leboulanger est fort. Tout n'y est pas parfait, cette société l'est par consensus, mais rien n'est fixé. Et certains comme Gob ou même des villages entiers ne se retrouvent pas là dedans, et y sont malheureux. Et donc même si principalement toute l'histoire suit une vie, celle d'Umo, une vie dans une société mieux pensée, on aborde aussi les travers. Et moi Gob je l'aime beaucoup. Elle incarne les paumés de chaque ère de notre société d'hommes. de ceux qui, malgré les belles couleurs sur le papier, ne trouvent pas leur place. Qui se révoltent même de ne pas avoir les clés. Ou de ne pas s'en servir comme les autres. Même la liberté est un moule dans lequel il faut rentrer.

Donc voilà. Ça m'a pris énormément de temps car j'ai du mal à lire en ce moment mais j'ai beaucoup aimé lire cette vie, j'ai été émue d'en lire les dernières phrases


Pour finir je vais citer une des citations en exergue.
« Aujourd'hui, il nous semble plus aisé d'imaginer l'absolue détérioration de la Terre et de la nature que la décomposition du capitalisme tardif; peut-être cela est-il dû à quelque faiblesse de notre imagination. »

Quand on voit le théâtre de grand guignol auxquels jouent tous nos puissants. Comment croire qu'on peut vraiment tout changer sans avoir d'abord tout anéanti ? Ce n'est pas un manque d'imagination (sauf peut-être en littérature) c'est juste un impuissant désespoir.


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Je ne pensais pas autant aimer ce livre. C'est un gros pavé, où on suit l'histoire de toute la vie de Umo qui grandit et évolue dans ce nouveau monde utopique où les principes appliqués sont ceux de la Déclaration d'Antonia (en gros : salaire à vie, propriété uniquement d'usage, principe de l'équilibre entre la planète, les animaux et les humains, égalité réelle, et le plus étonnant à mes yeux : abolition de la famille). Je m'attendais à trouver l'ennui dans un si gros livre où l'action et les rebondissements ne sont pas très présents.

Et bien non. Je me suis trompée. Je n'ai pas pu m'arrêter une fois que je l'ai commencé.

C'est formidablement écrit (même si pour ma part, je suis gênée par le choix de l'auteur de féminisation de la langue française - ce qui n'a rien à voir avec l'écriture inclusive, là il s'agit accorder en genre et nombre les participes présents par exemple, mais aussi de feminiser quelques mots tels que "les gens"). J'ai pleuré (à de nombreuses reprises) et ri tant les émotions du personnage se font ressentir.

On va donc lire le récit de vie d'Umo. Ses amours, ses expériences, ses voyages, ses amitiés, ses découvertes. Et tout cela donc basé dans un monde meilleur où personne ne meurt de faim, ou personne n'est à la rue et où les personnes se respectent.

C'est aussi un beau clin d'oeil à Bernard Friot et Réseau Salariat qui parlent du salaire à vie. À travers cette histoire, on constate que malgré le fait que tout le monde perçoit un salaire de sa majorité à sa mort, les gens ont tout de même envie de travailler, d'entraider et de faire vivre le collectif. C'est une bonne réponse à ceux qui s'opposent à ce principe en prétextant que les gens finiraient pas "ne rien faire" et que la société irait à sa perte...

La seule chose qui m'a mis mal à l'aise, mais visiblement je ne suis pas seule puisque Gob, une des personnages (très importante) de ce roman est aussi dérangée par cela : la disparition de la famille. Dès qu'un bébé est sevré, à ses 3 ans, il quitte ses géniteurs et part grandir chez différents adultes au grès de ses envies. Je comprend l'argument de ceux qui defendent cela : lutte contre le inégalités entre les enfants selon leurs familles (milieux sociaux, culturels...) et protection des enfants face aux parents maltraitants. Mais j'ai vraiment du mal à comprendre qu'on puisse réellement souhaiter la fin de la famille, car par la famille il y a un lien que les enfants ressentent, il y a de l'amour, bref je trouve ça triste. Je n'en tiens absolument pas rigueur à l'auteur et ça ne change rien à ma note car chacun est bien libre d'imaginer l'utopie qui lui correspond.

Bref, une magnifique histoire qui m'a touchée profondément.
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Eutopia, gros pavé dans lequel Camille Leboulanger imagine un futur différent, présenté à travers l'histoire d'une vie somme toute assez banale.
Je m'étais fait la réflexion il y a déjà quelques temps qu'il était rare de trouver, en littérature, de nouvelles sociétés imaginées dans un futur plus ou moins proche qui ne donnent pas lieu à une dystopie. Comme si on ne pouvait pas imaginer une société différente sans se focaliser sur comment elle pourrait mal tourner – ou a minima comme si on ne pouvait pas raconter quelque chose d'intéressant dans une société alternative sans que celle-ci soit à la source des problématiques. C'est ici un contre-exemple flagrant : le but de l'auteur est clair, réfléchir à une société qui pourrait fonctionner, et qui sert de cadre plus que de moteur à l'intrigue – bien que, ne nous leurrons pas, cette réflexion reste le sujet premier du livre, et l'intrigue vient plutôt servir d'excuse pour en montrer les différentes facettes, dans une sorte d'inversion des dynamiques habituelles, mais sans tomber non plus dans l'écueil du scénario sans intérêt qui se contente de balader le lecteur pour lui montrer des choses, que je reproche souvent à des « livres-univers » (je ne citerai personne). Un équilibre difficile à trouver, en tout cas pour qu'il me satisfasse, mais c'est réussi ici : même si la vie d'Umo n'est pas trépidante, il ne s'agit pas uniquement d'une suite de péripéties artificielles, et j'ai aimé me plonger dans son histoire, le suivre dans les grandes étapes de sa vie, de son enfance à sa vieillesse, accompagné par une galerie de personnages secondaires forts attachants. Et ce, malgré le fait qu'il s'agisse d'un narrateur, racontant son histoire à la première personne (!) et malgré parfois quelques tendances à un peu répéter certains éléments.
Sur la société présentée, donc : tout d'abord, il faut l'admettre, je doute que ce livre puisse convaincre quiconque ne souhaite pas l'être. Il serait facile de choisir certains éléments, certaines imprécisions ou certaines facilités, et de dire « Nananère, ça marche pas » ou autres « Pfff n'importe quoi ». Mais pour quelqu'un conscient·e des problématiques actuelles et comprenant que la décroissance et le changement radical de modèle sont les seules alternatives viables, alors le cadre est extrêmement intéressant, en ce qu'il présente, sous beaucoup d'aspects, une proposition de société répondant à ces problématiques – sans s'abstraire du passé, et donc en tenant compte de l'existant. Et même si, oui, certains points semblent démesurément facilités et paraissent invraisemblables à l'homme d'aujourd'hui (en particulier, l'acceptation et la bonne volonté de chacun·e), c'est une vision optimiste qui fait plaisir, tout en faisant réfléchir : pourquoi cela parait-il si invraisemblable ? Et si j'ai regretté l'absence quasi-totale de certains sujets de société dont il m'aurait paru intéressant de réfléchir à leur imbrication dans cette « eutopie », comme la place des personnes âgées dépendantes, on peut se réjouir du fait que tout conflit et tout résistance n'est pas occultée, et qu'à plusieurs reprises apparaissent des individus ou des groupes entrant en désaccord avec les principes fondamentaux de cette nouvelle société.
Au final, la plus grosse tache au tableau pour moi est dans le travail d'édition : derrière cette jolie couverture, j'ai trouvé qu'il restait beaucoup de coquilles, mots manquants ou surnuméraires, et autres détails qui auraient dû disparaître après les relectures.
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Une expérience de pensée science-fictive passionnante, pour imaginer, fondamentalement, en roman d'apprentissage à l'échelle d'une vie entière, la possibilité radicale d'existences collectives et individuelles alternatives, après avoir évité de justesse l'effondrement écologique du siècle des camps.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/07/04/note-de-lecture-eutopia-camille-leboulanger/

Le monde a eu très chaud, littéralement. À l'extrême bord d'un effondrement total, climatique et écologique, un sursaut radical a pourtant eu lieu : de nombreux responsables de grandes villes (dont nous apprendrons en temps utile, au fil de quelques plongées historiques, certains éléments particuliers de leur background), avec un immense soutien populaire, ont signé, les pieds déjà dans le gouffre, la déclaration d'Antonia, dont le premier article abolissait toute propriété autre que d'usage, prononçant ainsi, entre autres choses et de facto, la fin du capitalisme.

Bien des années plus tard, en une sorte de vaste roman d'apprentissages multiples, nous suivons un groupe d'enfants, de l'école primaire à leur vieillesse, qui vivent au quotidien cette utopie / eutopie, dans les joies et les difficultés, les lumières et les incompréhensions, la déconstruction de vieilles lunes qui furent jadis de fausses évidences et le questionnement paisible mais sans relâche des nouveaux paramètres de la vie collective devenue de nouveau possible.

Au fil de ces 600 pages minutieusement inscrites dans une vie matérielle quotidienne et dans un questionnement tous azimuts de nos fausses certitudes encore si dominantes (comme le rappellent les cris d'orfraie dénonçant à qui mieux mieux le radical « terrorisme » de celles et ceux qui ne veulent pas aujourd'hui se résigner à la destruction écrite par le capitalisme tardif), Umo, Gob, Ulf, Livia, Shauna, Budur, Merlin et les autres nous invitent à une passionnante exploration, loin des théories (ce qui n'exclut jamais de pouvoir en discuter au moment approprié de leurs vies et du récit) et au plus près du quotidien, d'un monde débarrassé de la propriété privée et de l'esclavage du salaire à gagner quoi qu'il en coûte par ailleurs.

Publié à L'Atalante en octobre 2022, le sixième roman de Camille Leboulanger, un an et demi après « Ru » et « le Chien du Forgeron », tente un pari un peu fou, et le réussit magnifiquement : pour faire mentir l'adage attribué tantôt à Fredric Jameson tantôt à Slavoj Žižek, et même occasionnellement à Jean Ziegler ou à Mark Fisher – qui, lui, l'attribuait correctement (en substance, « Il est plus facile d'imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme »), il nous propose une approche fictionnelle méticuleuse – et passionnante – d'une utopie / eutopie en train d'avancer sans la domination de la plus-value économique, en réécrivant le code-source du roman d'apprentissage et de l'ampleur méthodique qui l'accompagne classiquement.

« Eutopia » avance naturellement sous le double signe d'Ursula K. Le Guin (« Les dépossédés », 1974), sans l'ambiguïté propre au travail effectué sur l'anarchie d'Anarres vivant à l'ombre du capitalisme féodalisant d'Urras, et de Kim Stanley Robinson (« La trilogie martienne », 1992-1996), mais en se concentrant sur l'après-émancipation, et non sur l'émancipation en train de se faire (c'est dans les parties du roman se préoccupant, uniquement historiquement, de la sortie du « Siècle des Camps » – le nôtre, grosso modo, avec tout ce qu'il a déjà produit et ce vers quoi il semble conduire si inexorablement – que le parallélisme avec la complexe « révolution martienne » se révèlera à son tour). Encore davantage sans doute, « Eutopia » s'inscrit dans une double lignée marxienne et braudélienne, tant la « vie matérielle », si négligée le plus souvent par la science-fiction, y joue un rôle essentiel. En un mouvement qui rejoint curieusement le travail désormais au long cours d'une Becky Chambers, il s'agit bien ici aussi de vaincre la malédiction littéraire du « Les peuples heureux n'ont pas d'histoire », en se penchant sur des rituels de partage de thé comme sur la création de lampes articulées individuelles : le geste artisanal qui caractérise, le moment venu, toute une chacune et tout un chacun, dans un univers où le salaire universel est une évidence (et où le « Tour de France » de la tradition du compagnonnage ouvrier trouve une résonance neuve), joue ici un rôle à part entière, aussi discret soit-il.

Camille Leboulanger ressuscite ici, pour notre grand bonheur, la plus riche tradition de l'expérience de pensée science-fictive. S'il maîtrise quasiment tous les codes de la « grande narration », il ne se croit pas obligé, comme y incite tant de nos jours le mimétisme souvent quelque peu moutonnier des ateliers d'écriture – et comme s'y refuse aussi Kim Stanley Robinson -, à tout sacrifier au sacro-saint « Show Don't Tell » : sans aucune « scène d'exposition » de triste mémoire ailleurs, il tire pleinement parti des possibilités de la discussion, de l'échange productif de vues, de différences, de subtilités, qui fait partie de la littérature comme de la vie, quoiqu'en disent les maîtres simplificateurs. Si l'enfer est peut-être pavé de bonnes intentions, il semble certain que le paradis ne peut faire l'économie de la confrontation des points de vue (ligne de survie qui habite d'ailleurs l'utopie radicale au sens si productif d'Alice Carabédian).

Joliment soutenue par le motif du « Moonchild » de King Crimson (qui n'a ici absolument rien de gratuit, tant ses paroles collent poétiquement au propos du roman – rien d'étonnant après tout pour une longue chanson de 1969 dont deux parties s'intitulaient « le rêve » et « L'illusion »), ne dédaignant pas de traiter précisément de la possibilité de la désillusion (on songera peut-être à certains moments à l'étrange retour du kibboutz, si poignant et si intelligent, de l'Israélienne Yaël Neeman dans son « Nous étions l'avenir » de 2011), « Eutopia » s'attaque ainsi, frontalement ou dans un jeu interstitiel selon les cas, aussi bien à l'évidence fondamentale du vivant qu'à la notion même de parc naturel, au goût (qui ne nécessite pas uniquement une critique sociale de son jugement – coucou, Pierre Bourdieu) comme à son articulation avec le végétarisme ou le véganisme, aux différences de genre et à leur inscription dans la vie affective, aux renouveaux possibles de la notion de commun et de celle de commune, en inscrivant l'ensemble dans une véritable approche systémique (où l'on retrouve encore cette jubilation de lectrice ou de lecteur face à l'intelligence englobante de la « Trilogie martienne »), où l'enfance est la clé, une fois franchies les serrures carnivores des cellules familiales questionnables et de la connaissance historique indispensable.

Si le leitmotiv de cette quête collective incarnée avec soin et talent dans des individus est bien la réduction de l'impact humain (que souligneront savoureusement les clins d'oeil aux soviets, à l'électricité et à la division – socialiste – du travail), « Eutopia » parvient à s'imprégner joliment d'une douce mélancolie qui n'a rien de défaitiste, bien au contraire, à résoudre le paradoxe apparent d'un nouvel espoir qui s'enracinerait dans les désespoirs d'Antoine Volodine et de Giorgio Agamben, et à nous proposer une magnifique réflexion sous-jacente sur ce que nous font les récits et la littérature. Une oeuvre essentielle, à beaucoup de points de vue, qui relève avec courage et tendresse les véritables défis de la science-fiction contemporaine.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Mais quelle merveille que ce livre. Je crois que ça passe ou ça casse. Notamment parce qu'il est possible de trouver le personnage principal agaçant et dans ce cas c'est peine perdue... J'ai adoré et adhéré dès le départ. C'est très intelligent, nuancé, riche. Cela fait longtemps qu'un livre n'avait pas changé ma vision du monde. Je suis émerveillée et chamboulée. Pour moi c'est un chef d'oeuvre.
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C'est ma dernière lecture que j'offrirais bien à l'humanité toute entière, juste pour en entendre encore longtemps parler, et en rêver non pas comme d'une "utopie" de fiction arrachée à tous nos crimes futurs, même si elle est très réaliste de ce point de vue également, mais d'une nécessité absolument raisonnable, et surtout tellement désirable envers ce qui pourrait advenir... (mais qu'on ne s'y trompe pas : l'auteur évoque aussi un long et très douloureux "âge des camps" avant d'en arriver là !)

Dans un style toujours aussi limpide et clair comme le jour, il nous raconte une vie faite de multitudes de possibles. Multitudes de métiers et de moyens de les apprendre, de connaissances et de moyens de les exercer, de rôles sociaux et de moyens de les incarner, d'amours et de moyens de s'y engager etc..., qui sont autant d'expériences d'un commun post-post-apo avec ses nouveaux contre-usages de la propriété.

L'utopie mérite son nom avec un grand E dans l'exhaustivité des thèmes abordés, des plus systémiques aux plus singuliers, qui souvent se rejoignent dans le flux des expériences ou dans la bouche de personnages lumineux, à travers des axiomes tels que : "le travail c'est de l'amour, et l'amour c'est du travail".

Nul besoin d'antihéros ni de grand vilain avec une telle apocalypse de la pensée. C'est une immense exploration mais on va toujours à l'essentiel avec Umo à la première personne, qui nous guide dans son existence sans injustice sociale ni contrainte financière individuelle, à la merci de lois qui l'obligent à assumer et à exercer sa liberté infinie dans ce commun sociétal auquel il doit tant. Son histoire à lui est aussi exceptionnelle qu'anodine, aussi engagée que dégagée de la vie urbaine et politique, parfois longtemps dans l'un ou l'autre de ces modes et de ces lieux, parfois dans des interstices, mais toujours avec passion. On le suit, voilà tout, et c'est déjà très merveilleux.

La lecture est légère, facile au point que des enfants ou des ados pourraient aimer certains passages, rêver aussi de cette école sans pressions, ou de l'anecdote de Ulf dans un bras de rivière... L'utopie sait se faire conte philosophique, aventure à part entière.

Mais la grande magie de cette fiction, c'est surtout qu'il n'y en a pas ; du moins aucune autre que nous ne puissions déjà imaginer aujourd'hui dans un futur sans dieux ni extra-terrestres, ce qui ne devrait pas laisser une grande marge à l'optimisme... Mais envisagez un instant que tout cela soit derrière nous, que d'écocides en génocides, une idée ait émergée du fond des enfers, et que des êtres humains en soient sortis assez nombreux et assez éprouvés pour se mettre d'accord sur la cause et l'origine première de cette Histoire infiniment reproduite dans ses modes de fonctionnements désastreux.

Cette idée fondatrice, c'est l'affirmation que les êtres vivants et les choses matérielles ne doivent appartenir à personne en dehors de leurs usages, communs et réciproques. Ces humains là ont fait le pari qu'une fois libérés de la possession et de l'accumulation pour elle-même, les nécessités se déploieraient naturellement sur le mode de la bienveillance, à toutes fins utiles.

Pour émerger des enfers, ces hommes et ces femmes du futur ont donc décidé de mettre fin à la propriété en tant que pouvoir et moteur des existences humaines ; voici pour le background anthropologique de cette société qui nous est racontée plus tard, une fois l'apo-capitalisme consommée (à tel point que la notion historique de "propriété" donne bien du fil à retordre à ses chercheurs pour en saisir les logiques, et les sortir de l'obscurantisme ou de l'absurdité sous lesquelles elles apparaissent désormais à leurs contemporains).

Il n'y a pas de propriété mais il y a de confortables logements et des villes, et même d'assez grandes villes puisque ce nouveau monde a décidé de recycler tout ce qu'il pouvait à partir des matériaux de l'ancien. Dans ces lieux et ailleurs, mais pas partout pour limiter les impacts environnementaux de l'homme dans une zone bien définie (je laisse Ulf et Umo vous emmener au-delà, dans l'aventure que j'ai trouvée la plus troublante du roman), il y a des moyens de transports et des magasins, un système monétaire qui ne sert jamais à gagner plus d'argent, des cartes pour s'acheter à manger et se faire plaisir avec des restaurants, des meubles, des instruments de musique, des jeux de console ou des livres. Il y a des industries de manufactures et d'artisanats, des trains de marchandises, des entrepôts de distributions, des administrations et des ingénieurs, et quelques grands chantiers comme celui du démantèlement d'un gigantesque parc éolien offshore, ou la reconversion d'une centrale nucléaire.

Il y aussi des grades qui peuvent ou non déterminer un nouveau niveau de salaire lorsque quelqu'un le désire (B.Friot est dans la bibliographie de l'auteur), un réseau informatique et des ordinateurs portables individuels qu'on répare et qui durent plusieurs décennies, des écoles et des universités libres, et des potagers, beaucoup de potagers, de toutes dimensions et partout où on a décidé que ça serait possible, c'est à dire presque partout ! :D

Il n'y a pas de propriété, mais c'est donc autant de choix et de décisions pour les individus qui font usage de tout cela dans leurs existences. du plus global - les lois d'Antonia et des assemblées de citoyens tirés au sort pour 3 ans - au plus local - la cuisine ou le tableau des tâches d'entretient- , la propriété n'est plus mais les hommes et les femmes sont donc tenus de vivre dans "l'exercice" de cette multitude d'usages de leurs pouvoirs en tant que nécessité commune.

Il y a donc aussi des conflits, des incompréhensions, des tabous, des étapes difficiles (celle du première salaire à vie par exemple, vécue comme une responsabilité intimement lourde à assumer pour se justifier soi-même de son existence et de ses besoins matériels dans ce commun), et des aventures tragiques ou merveilleuses, au-delà et en-deçà de toutes ces frontières d'un "âge propriétariste" aussi lointain que menaçant.

On comprend vite que c'est aussi simple et aussi contraignant que ça en a l'air, comme dans n'importe quelle société humaine où il faut constamment composer avec des intérêts individuels multiples et des incompréhensions réciproques. Sauf que, lorsque ces décisions ne sont plus déterminées par les possessions de chacun et les statuts personnels qui en découlent, quelle peut donc être la "mesure" de tout cela ? Sans magie ni extra-terrestre, quelle ressource assez extraordinairement puissante et infinie pourrait permettre à tous ces pouvoirs de se déployer sans violence ?

Dans Eutopia, cette mesure est très vite annoncée et on la rencontre à tous les stades de la journée ou de la vie de chacun : c'est le temps. le temps est à la fois cette ressource trop illimitée à l'échelle de l'humanité, et trop limitée à l'échelle individuelle, pour qu'elle ne soit pas le premier corollaire, sinon la condition, au fonctionnement de ce nouveau monde post propriétariste. Dans Eutopia, "prendre le temps" est plus qu'une règle, c'est un devoir et un art de vivre, une valeur qui n'est pas dite mais expérimentée à chaque action et à chaque souffle qui l'inspire.

L'auteur d'Eutopia semble avoir consacré beaucoup de temps et beaucoup de travail pour nous offrir cette oeuvre de plus de 600 pages. Je me suis jusque là gardée d'en révéler l'une ou l'autre de ce qu'on pourrait appeler "intrigue" mais, pour conclure, je me sens finalement obligée de le faire un peu aussi : c'est une histoire d'amour, de travail et d'enfant, au sens le plus désirablement problématique de chacun de ces trois termes. Finalement, c'est une histoire qu'on devrait vouloir se raconter à l'infini, pour se souvenir d'un futur qui pourrait l'être.
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Eutopia est l'histoire d'Umo, que nous découvrons dans l'enfance et que nous allons suivre jusqu'à la fin de sa vie. Umo n'a rien d'exceptionnel, mais il va être un guide extraordinaire pour nous faire découvrir une utopie en marche.
Son monde est le nôtre, après l'effondrement, après le temps des camps où se sont retrouvés enfermés les réfugiés. Ces camps dans lesquels les oubliés ont recréé une nouvelle société dont la forme politique a remplacé toutes les autres après « La déclaration d'Antonia ».
C'est donc cette nouvelle civilisation qui a déjà quelques siècles qu'Umo va nous faire découvrir. Une utopie ? Peut-être, mais c'est une utopie en marche, comme un système écologique où le lent mouvement d'évolution à la fois conserve et transforme un équilibre instable par nature.
Le fondement de cette utopie est l'absence de propriété. « Il n'y a de propriété que d'usage ». Et c'est à partir de ce premier article de « La déclaration d'Antonia » que toute la société s'est construite.
Si la base de ce roman est bien politique, ce n'est cependant que le support du roman d'une vie, la vie d'Umo. Umo qui nous relie aux personnages, aux lieux, au passé, au futur, à travers ses actions, ses réflexions, ses voyages et surtout ses rencontres et ses amours.
Je vous invite à découvrir ce livre, comme un livre d'aventures, sans héros ni coups d'éclat. Aventures quotidiennes, qui par petites touches successives, comme un tableau pointilliste, nous laisse découvrir une aventure collective encore plus grande.

Pour finir.

Il est des livres singuliers, Eutopia en fait partie. Singulier, ce roman l'est à plus d'un titre comme vous le découvrirez.
Roman post-apocalyptique, puisqu'il se situe après l'effondrement d'un monde, il se distingue du genre en se plaçant après la reconstruction d'une nouvelle société.
C'est un récit à la première personne, une vie entière de la petite enfance à la vieillesse, un cheminement individuel à travers un monde futur d'où l'urgence a disparu.
Umo, notre guide dans ce nouveau monde, n'est ni un héros, ni son opposé. Son chemin est fait de rencontres et c'est toujours à travers ses rencontres que nous découvrons sa vie.
Deux devises sous-tendent l'ensemble de l'ouvrage. « Nous avons le temps » et « Le travail, c'est de l'amour. L'amour, c'est du travail. »
Le monde décrit dans « Eutopia » est trop beau pour être vrai et pourtant tellement vraisemblable, aimerez-vous y vivre autant qu'Umo ?
Lien : https://mediotopia.com/bibli..
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