Un livre se morfondait dans ma bibliothèque depuis plus de quatre ans.
Au revoir là-haut de Pierre Lemaître.
Il me tendait ses pages, et moi ingrat, je choisissais
Eric-Emmanuel Schmitt,
Amélie Nothomb,
Michel Houellebecq et bien d'autres. Il faisait partie des livres qu'on achète et qu'on oublie de lire, peu importe la raison. On l'oublie car d'autres oeuvres se présentent et nous séduisent à cet instant. Puis un jour, une critique sur Babelio me rappelle à cet ouvrage que j'avais mis aux oubliettes. Je le retirai de son étagère et le lus.
Ce fut une explosion, en plein figure. Grandiose.
Pierre Lemaître a un énorme talent. le prix Goncourt est amplement mérité. J'ai couru aussitôt chez le libraire pour acquérir ses deux romans suivants "
Couleurs de l'incendie" et "
Miroir de nos peines".
Il me semble que les fantômes de
Zola et/ou
Balzac inspirent et guident cet auteur. Comme
Zola,
Pierre Lemaître peint ses personnages tels qu'ils sont, peu importe s'ils sont laids et sordides. Il ne triche pas avec la réalité. le réel est sa substance, son fondement. Même l'emploi du langage gouailleur du début du siècle sonne vrai.
Parmi les personnages:
Albert, le poilu, timide, sans ou peu d'ambition, enterré vivant dans un trou d'obus et sauvé in extremis.
Édouard, l'artiste, la laideur, la gueule cassée, instigateur de l'escroquerie, une revanche sur la vie.
Henri, le profiteur de la guerre et des petites gens, sûr de lui, abjecte, sans morale... le salaud
Le père, l'industriel et le banquier, le riche, qui culpabilise, n'arrive pas à se pardonner la mort de son "fils pas comme les autres".
Madeleine, la fille, très proche son frère, puis l'épouse amoureuse ...au début, enfin la future mère, usée, fatiguée d'être méprisée, humiliée qui n'aime plus et déteste encore plus fort qu'elle a aimé.
Merlin, le fonctionnaire, le contrôleur, sale, taciturne, aigri d'être point reconnu à sa juste valeur, mais droit, honnête, fier et digne.
Louise, la petite très jolie, enfant débrouillarde pour qui Édouard est un Grand Frère complice (ou peut-être un père !) qui confectionne, avec l'aide d'Édouard, des masques qu'elle peint afin d'oublier la laideur et faire renaître le beau, la gaîté.
Pierre Lemaître est un excellent conteur. Son talent, sa plume nous entraînent au plus près du réel dans une époque de guerre, d'après-guerre, de réadaptation à la vie normale, des magouilles, du patriotisme.
Monsieur Lemaître, vous portez bien votre nom.
PS: Après ces louanges dithyrambiques, j'avoue que je fus déçu par la fin, l'épilogue. Quelque peu bâclé à mon avis. le fantôme de
Zola a délaissé notre ami sur ce coup là.
Je soupçonne bien un Éditeur pressé d'Éditer en être la cause.