J'avais adoré Au-revoir là-haut. Il était tout naturel de me jeter sur sa suite, Couleurs de l'incendie (le temps qu'il sorte en poche et que le soufflé des éloges retombe un peu, pour pouvoir le lire avec un regard délesté de l'influence des critiques).
Mon ressenti m'évoque immédiatement une allégorie culinaire. Il y a quelques années, j'avais préparé un excellent plat à base d'ingrédients du moment cuisiné à l'inspiration. Tout le monde m'avait félicité (y compris moi-même !), et je m'étais empressé de noter les grandes lignes de ma recette pour pouvoir la reproduire à l'occasion. Et dernièrement, j'avais les mêmes ingrédients à la maison, et j'ai voulu reproduire ce fameux plat. J'ai ressorti ma bonne recette, que j'ai suivie en complétant avec mes souvenirs et mon inspiration du jour. le résultat était bon, mais à la limite du décevant. La pincée d'aromates qui avait fait le succès de la première tentative donnait cette fois au plat un arrière-goût presque écoeurant, accentué par ma main trop lourde sur le sel et les épices ; les ingrédients n'avaient peut-être pas la même saveur, ou bien je ne l'ai pas dégusté dans les mêmes conditions. Toujours est-il que je n'ai pas retrouvé le plaisir de la première fois.
J'ai retrouvé ce ressenti avec Couleurs de l'incendie, lu environ deux ans après Au-revoir là-haut. J'ai eu l'impression que Lemaître était tout fier d'avoir trouvé une recette qui marche (le Goncourt, quand même !) et s'était empressé de la reproduire, en essayant de l'améliorer. Résultat : c'est à la fois lourd et insipide. Ce style qui m'avait emballé dans le premier opus est devenu pesant ; ces personnages que j'avais trouvés touchants sont devenus de vulgaires caricatures, à la limite de la vraisemblance ; ces situations dont la dramaturgie m'avait marqué se sont approchées trop près de la démesure : tout rebondit trop dans tous les sens, laissant trop souvent de côté la question de la cohérence et du réalisme. J'ai trouvé que l'auteur en faisait trop.
Le point qui m'a le plus gêné, je pense, c'est Madeleine. Dans Au-revoir là-haut, les problèmes touchaient tout le monde, tout du long, de façon à peu près régulière et homogène. Et surtout des hommes, dont la plupart l'avaient bien cherché. Là, dans la première partie, j'ai eu l'impression que Lemaître s'acharnait sur une pauvre Madeleine qui ne méritait pas de recevoir ainsi sur le coin de la tronche tous les drames possibles et imaginables au maximum de leur intensité. Ai-je été gêné parce que c'était une femme qui était ainsi maltraitée ? Parce que je la trouvais plus "innocente" que les personnages du premier volet ? Parce que les coups du sort étaient moins équitablement répartis entre les personnages et les temps du récit ? Quoiqu'il en soit, ça m'a vraiment mis mal à l'aise, et en cumulant ça avec l'abus d'édulcorants utilisés par l'auteur, c'est sans grand enthousiasme que j'ai poursuivi et achevé ma lecture. le changement de dynamique pour tous les personnages (sans grande surprise) ne m'a pas réconcilié avec le bouquin. Je n'ai pas particulièrement hâte de voir le troisième volet s'il poursuit dans cette veine...
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