Médecine apache

Il parait qu'Elmore Léonard compte parmi les écrivains préférés de Tarantino, dixit mon quatrième de couverture. Rien qu'à cette idée, j'étais toute émoustillée en me lançant dans la lecture de ses deux recueils de nouvelles de western – et vous devez surement savoir à présent à quel point j'adore le western ! Mais bon, faut croire que Mr. Tarantino et moi n'avons pas tout à fait les mêmes goûts ou que la traduction française n'a pas gâté le style de Léonard, car je n'ai pas été particulièrement enthousiasmée par cette première immersion.

Pourtant, tout est réuni pour me plaire dans ces nouvelles : une ambiance poussiéreuse et sanguinaire qui fleure bon la testostérone, des hors-la-loi virils et de belles nanas qui ne s'en laissent pas compter, des fusillades en veux-tu en voilà, des chevauchées épiques, des décors grandioses, des féroces apaches (les apaches sont de toute évidence les Chuck Norris de l'Ouest : quand un serpent mord un apache, c'est le serpent qui crève…), etc. On sent beaucoup de potentiel dans chacune des petites histoires contées par Elmore Léonard et je ne m'étonne pas qu'elles aient donné lieu à tant de bons films, entre autres le très sympathique « 3h10 pour Yuma », mais, telles quelles, je les ai trouvé un peu décevantes.

Il faut admettre que la concision n'est pas ma tasse de thé et on fait difficilement plus concis que Léonard, stylistiquement ou narrativement : sujet, verbe, complément, tchac ! Introduction, retournement de situation, conclusion, tchac ! J'ai à peine le temps de prendre pied dans l'histoire et de faire connaissance avec ses personnages qu'elle est déjà finie… Ce n'est pas mauvais, loin s'en faut, et je suis plutôt satisfaite de les avoir lues, mais je n'ai pas très envie pour autant d'explorer le reste de la bibliographie d'Elmore Léonard.

Au temps de Far-West la justice pouvait prendre bien des formes. C'est ce que l'on constate au fil de cette dizaine ou presque d'histoires d'indiens, d'éclaireurs patentés, d'officiers sortis de West Point, de Mexicains énervés et de cowboys aventuriers. D'un réalisme saisissant, on a chaud en lisant ces lignes, le goût du sable du désert s'insinuant entre nos lèvres . . . bon enfin.. La vie n'était pas facile en ces temps. Pour personne et chaque récit en donne la preuve.

Chaque nouvelle comporte une certaine morale, incarnée dans une chute généralement ironique et très pince-sans-rire. Les histoires sont toutes intéressantes, concises, variées. L'ensemble dresse un tableau de l'époque où la vie était rude, les règles tacites bien codifiées. On y apprend beaucoup sur la mentalité apache dans ses bons cotés comme les moins bons. L'écriture est simple mais efficace, les dialogues dépouillés, représentatifs de cette culture. Pour qui aime les westerns à saveur historique et policière, ce livre est du bonbon !

Les neuf nouvelles de ce recueil sont autant de petites pépites sorties tout droit de la Sierra Madre, qu'on lit comme on avalerait un verre de mescal, cul sec. Dans ces récits, ciselés comme des éperons mexicains, ce sont surtout les luttes contre les apaches qu'Elmore Leonard met en scène, avec des personnages parfaitement convaincants. Point de poncifs, les protagonistes sont tels qu'ils étaient et ne se partagent pas entre le camp du bien et le camp du mal. Terreau passionnant que ce peuple apache, qui fut le dernier à se rendre. Autant de rencontres brutales, décrites avec maestria, sur un ton parfois acerbe et ou l'humour, souvent noir, peint sur le visage du lecteur un sourire narquois. Zuni, "ennemi", ainsi étaient désignés ces indiens terribles et véritablement terrifiants. Connus pour être de fabuleux chasseurs et guerriers, les apaches se caractérisaient aussi par leur endurance à la fatigue, à la douleur, aux privations, capables d'avaler des dizaines de kilomètres dans le désert sans manger et pratiquement sans boire, tout en sachant comment trouver l'introuvable. Elmore Leonard n'a pas écrit que de très bons polars, ses nouvelles sur l'ouest ont donné lieu à de nombreuses adaptations cinématographiques qui ont contribué à ancrer le western dans le mythe du rêve américain. Medecine Apache est une très bonne médecine. Toi prendre.

Ça ne vaut peut-être pas le coup que je vous donne ma note pour chaque nouvelle au cas par cas, enfin je peux dire que cela tourne autour de trois et quatre, mais de deux choses l'une que je peux affirmer avec ce livre: d'abord je ne suis pas du tout une aficionado de nouvelles, je n'aime plutôt pas ça, et pas fan non plus de western, et pourtant j'ai aimé le recueil. Deuzio, il semblerait, contre toute attente, que j'apprécie l'écriture et le phrasé d'Elmore Leonard, que je n'avait jamais lu. Il y a quelque chose dans son humour ou ses choix de récits qui me plaisent bien. Donc si comme moi vous avez trouvé que les frères sisters de Dewitt c'était pas terrible, et que vous cherchez des lectures courtes et un peu de séquençage, vous pouvez vous rabattre sur ce condensé de western que j'ai trouvé bien plus délectable!