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sur 163 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Alors qu'elle traverse les allées du cimetière d'Ixelles (Bruxelles), l'autrice Myriam Leroy remarque que la Pelouse d'Honneur de la Seconde Guerre Mondiale n'est faite que de tombes d'hommes. Elle s'aperçoit cependant que seule une tombe recèle le corps d'une femme avec comme épitaphe : "Décapitée".
Elle n'aura dès lors de cesse de mener son enquête pour en savoir plus, mais elle ne trouvera pas grand-chose. Elle aura tout de même l'occasion de rencontrer le fils cadet de cette femme âgé de seulement trois ans au décès de sa mère. Ces souvenirs sont-ils conformes à la réalité ou sont-ils déformés par vérité familiale ?
Quoiqu'il en soit, Myriam Leroy, va écrire l'histoire de Marina Chafroff, 33 ans à peine, exilée russe, mariée à Youri lui-même exilé russe. Il l'a charmée par sa beauté mais au fil du temps, il se comportera comme un macho et elle n'aura plus qu'à vivre à son seul service et s'occuper de leurs deux enfants. Marina souffre de ce rôle assigné.
En 1942, alors que Bruxelles est sous autorité nazie, elle se rend en s'accusant d'avoir poignardé à mort un officier allemand. Après un bref procès, elle sera décapitée sur l'ordre d'Hitler quelques jours plus tard.
Le roman est construit entre passé et présent, entre faits avérés et fiction, avec un double fil conducteur : le féminisme et l'héroïsme. Marina a été oubliée de l'Histoire, son épitaphe est courte et tombe comme un couperet : "Décapitée". Aucune reconnaissance d'héroïsme pour son acte courageux et engagé. Elle n'a pas droit au titre de martyre comme tous les hommes enterrés autour d'elle dans cette pelouse d'honneur.
L'autrice ne cherche pas à nous convaincre qu'il n'existe que sa vérité, elle nous donne des pistes possibles. Et pour cela elle a dû utiliser la fiction.
C'est un roman qui se dévore, qui nous entraîne dans une enquête passionnante et réalisée à la manière d'une journaliste d'investigation. On entre à la fois dans L Histoire - celle des versions officielles souvent écrites d'un point de vue essentiellement masculin, oubliant certaines femmes trop peu représentatives à leurs yeux – et l'histoire presque ordinaire d'une femme qui va défendre ses valeurs lors de la seconde guerre mondiale.
Il y a beaucoup d'émotions aussi - émotions d'une femme exilée qui a fondé une famille, mais aussi des émotions très fortes lors du meurtre de l'officier et de ses suites.

Merci Babelio et les Éditions du Seuil de m'avoir permis de lire presque en avant-première ce livre grâce une opération masse-critique privilégiée. Vous m'avez offert là un beau cadeau de Noël.
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Un roman qui retrace à la fois le destin tragique et méconnu de Marina Chafroff, exilée russe ayant poignardé un soldat allemand en 1941 et qui fut ensuite décapitée. et la quête de l'autrice pour rédiger ce texte. On en apprend ainsi beaucoup sur les deux femmes dont les destins se trouvent liés de manière étonnante. J'ai beaucoup aimé la réflexion sur L Histoire et la déformation possible des faits mais aussi le fait de suivre le travail méticuleux de l'enquête qui permet de faire ressurgir Marina de l'oubli.
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Ce livre de Myriam Leroy parle autant de Marina Chafroff que de l'autrice, autant du passé réveillé que du présent vécu. Porté par l'énergie de l'enquête, le livre est émaillé de rencontres, de trouvailles hasardeuses, de documents (écrits, sonores ou vidéos) transmis par des tiers. A travers le destin de Marina, on découvre la Seconde Guerre mondiale en Belgique, les caractéristiques de la période et les souvenirs laissés, triés entre ceux gardés et ceux oubliés. C'est une histoire vertigineuse qui nous est livrée.
Avec acharnement et un sens du partage particulièrement émouvant, l'autrice nous parle de cette femme, de sa légende, de sa réalité. C'est un bloc entier qu'elle nous livre, complété par ses propres conclusions. La mémoire de la Seconde Guerre mondiale est compliquée et délicate. Des légendes se sont forgées, dans un sens ou dans l'autre. Ces histoires ont valorisé certains êtres, en ont mis de côté d'autres. Dans cette injustice mémorielle, Myriam Leroy pointe le sort qui s'acharne encore plus sur les femmes.
Alors l'enquête, avec tout l'investissement de la romancière, veut rétablir des questionnements et apporter une autre possibilité de vérité. Myriam Leroy se confronte aux légendes, aux raccourcis, aux archives et aux témoins encore vivants. On revient sur le quotidien de cette famille venue de Russie, de ce couple aux airs amoureux, aux années de guerre et la relation entre la Belgique et l'Allemagne nazie.
En parallèle de cette avancée historique, Myriam Leroy partage également ses doutes, ses failles et la dureté de certaines découvertes. On n'oublie jamais que c'est une femme du présent, de notre temps qui se confronte au passé. de cette rencontre, naît alors l'émotion. Au fur et à mesure de la lecture, on voit des calques idéologiques actuels se rapprocher du passé. On discerne alors ce temps, cette évolution sociale qui n'avance pas et le poids des codes peser sur Marina. Une tragédie apparaît progressivement, lorsque le passé révélé montre ce que la mémoire du présent a omis. Il y a de l'intensité dans les descriptions de cette histoire personnelle aux dimensions nationales et européennes. Sans jamais émettre un avis définitif sur Marina et son destin, sans jamais en faire un exemple, Myriam Leroy esquisse le parcours d'une femme marquante et lui dresse un monument honorifique. Certains voyaient Marina comme un être bancal. Peut-être que ses choix, sa personnalité ont surtout montré que c'est le monde autour d'elle qui était bancal.
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Décembre 2020, Myriam Leroy visite le cimetière d'Ixelles et passe, par hasard devant le reposoir des martyrs de la seconde guerre. Elle constate que l'on y commémore des hommes, tous fusillés, sauf une femme : Marina Chafroff, décapitée à la hache en 1942.

Il ne lui en faut pas plus pour que germe dans son imagination fertile une idée de roman, un point de départ à des recherches et à l'écriture.

Marina était d'origine russe vivant à Bruxelles, probablement militante et résistante.
Myriam Leroy nous propose un livre féministe, parce que ne nous trompons pas, Marina est un sacré petit bout de bonne femme, qui n'avait pas grand-chose à dire dans la société de l'époque mais qui avait de grands idéaux et n'a pas pu s'empêcher de tenter d'oeuvrer pour le bien commun. Marina, abreuvée de discours révolutionnaires bolchéviques écoutés sur l'émetteur clandestin de la radio serbe passera à l'acte, avec courage et bravoure, peut-être un peu de naïveté aussi.

J'ai totalement adhéré à la démarche de l'autrice, je ne me suis jamais posé la question de savoir ce qui était vrai, inventé, interprété … la journaliste a mené l'enquête, fouillé les archives, relu les témoignages mais Marina n'est pas très connue et par conséquent il y a peu de ressources disponibles pour relater sa vie sans extrapoler. L'autrice fait appel à son intuition et sa créativité pour ficeler le tout dans un roman / fiction fluide, dynamique, entêtant ce qui est un comble pour une héroïne décapitée.

Le travail de Myriam Leroy m'a fait penser à celui de Tracy Chevalier dans la jeune fille à la perle par exemple. Elle part d'un tableau, ici d'un nom sur une tombe et elle brode alégrement autour de ce personnage. Elle effectue des recherches de contextualisation mais ne s'encombre pas d'une rigueur historique. J'ai constaté que certains lecteurs étaient justement frustrés de ce manque de précision et de cohérence par rapport aux faits réels, mais moi c'est cela que j'aime. Pas de dates, pas de cours d'histoire, juste un texte inspiré, qui me donne quelques pistes de réflexions et de recherches si j'en ai envie, mais qui ne m'abruti pas de réalités.
J'ai trouvé très intéressants les passages sur la vie des russes à Bruxelles, sur celle des allemands également. Connaissant un peu Bruxelles, j'ai déambulé aux côtés de Marina à la façon dont je déambule dans le Paris de Patrick Modiano.


J'ai également beaucoup apprécié la façon dont l'autrice intègre dans son texte ses réflexions concernant son travail en cours, ses hésitations quant à la tournure à donner au livre et puis finalement ses choix.

Le parcours de vie de Myriam s'enchevêtre à celui de Marina, deux personnalités intéressantes et attachantes à découvrir en parallèle, une fiction basée sur des faits adaptés, détournés, un vrai bon roman d'aventure qui m'a cueillie et m'a donné une furieuse envie d'aller rapidement jusqu'au bout. Il y a un rythme dans l'écriture, dans la succession des chapitres qui donne envie de continuer à lire même si on est fatiguée et même s'il serait plus judicieux d'éteindre la lampe et de dormir.

La plume de Myriam Leroy est journalistique et incisive. Je l'écoutais jadis quand elle chroniquait l'actualité sur la première, j'aimais ses petites capsules de quelques minutes, son écriture efficace. Je l'ai retrouvée ici, un trait d'humour, une remarque piquante au détour d'une phrase, tout ça donne de la rondeur et du dynamisme à l'écriture et du plaisir à la lecture.

Je remercie Babelio et masse critique de m'avoir permis de découvrir cette mystérieuse femme sans tête, pour un excellent moment de lecture.

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Décembre 2020, nous sommes en plein confinement, les sorties sont rares, masquées. Pour y échapper, Myriam Leroy donne rendez-vous à son amie au cimetière d'Ixelles. En passant devant la pelouse d'honneur de la seconde guerre mondiale, Myriam a l'attention attirée par un prénom féminin : Marina Chafroff épouse Marutaeff et la mention DECAPITEE... Interpellée, elle prend une photo qu'elle poste sur les réseaux. le mot "Décapitée" choque !

Mais qui était cette femme? Pourquoi décapitée ?

Un petit bout de femme d'1 mètre 56, la tête d'un gavroche, peu d'information à son sujet, si ce n'est qu'elle est d'origine russe blanche née le 30 mars 1908. Cette femme va l'obséder et elle va entreprendre une enquête. Marina est morte décapitée à la hache sur ordre d'Hitler le 31 janvier 1942.

Cela résonne en Myriam, une femme décapitée, pourquoi tant de violence? Pourquoi tant d'invisibilité alors qu'elle repose sur la pelouse d'honneur ? Comment ce petit bout de femme est-elle tombée dans l'oubli ?

Commence alors le récit d'une enquête passionnante qui va nous immerger dans L Histoire.

Marina était mère de deux enfants, mariée à Youri, l'amour de sa vie, très jeune à l'époque, trop jeune pour endosser son rôle de père. Mais l'histoire de Marina va s'imbriquer dans celle de Myriam. Avec brio, elle alterne les époques, son histoire et celle de Marina. Beaucoup de points communs les relient, des coïncidences, cela l'interpelle, des lieux de vie communs...

Ce sont deux femmes qui à 80 années d'intervalle subissent leur genre. La femme n'est pas prise au sérieux, elle est à l'époque reléguée aux tâches ménagères, subissant le patriarcat. Elle ne peut émettre d'opinion politique, la condition de la femme est dévalorisée (salaire très bas en usine durant la guerre, c'est la femme qui fait la queue pour les tickets de rationnement...)

Alternant les époques et utilisant le "tu" pour son histoire personnelle, un roman très intime, féministe.

C'est magnifiquement écrit, l'auteur nous l'annonce dès le départ, il s'agit bien d'un roman, les faits reconstitués sur Marina en fonction de l'enquête et des témoignages recueillis sont véridiques mais les pensées et les pistes qui ont été explorées sont imaginaires.

Ce roman est passionnant, captivant, une petite merveille à découvrir.



Ma note : coup de ♥


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Pendant le confinement de 2020, il était interdit de se rassembler à l'extérieur et à l'intérieur, en Belgique comme (presque) partout. Seuls les cimetières restaient ouverts. C'est dans cet espace que Myriam Leroy, l'auteur, prend l'habitude de rencontrer son amie pour discuter. Un jour, elle découvre une tombe avec une inscription insolite : Marina Chafroff, 31-01-1942, Décapitée. Il n'en faut pas plus pour lancer la machine à écrire de l'écrivain et journaliste. Qui était cette femme ? Qu'a-t-elle bien pu faire pour mourir décapitée. A la hache ? 

A l'aide de quelques documents d'époque, lettres, papiers officiels, et d'un seul blog espagnol racontant l'épopée de cette jeune femme d'origine russe, figure effacée (puisque décapitée) de la Résistance belge pendant la Seconde Guerre mondiale, Myriam Leroy offre un récit entre faits historiques et imagination. Elle tisse les liens invisibles entre L Histoire et l'histoire. Comment cette petite femme russe est arrivée en Belgique ? Et surtout, quel est son parcours jusqu'à cette issue sordide ?

Le mystère de la femme sans tête est le roman de la résistance intérieure. Marina, cette exilée, mariée jeune avec un bel adolescent de 17 ans puis, très vite, mère de deux enfants. Seule dans un pays où l'on veut à peine d'eux, seule le soir pendant que son mari écume les bistrots, seule avec sa révolte invisible. Révolte contre sa condition d'épouse soumise, révolte contre ce peuple soumis à Hitler, révolte contre le monde dans lequel elle vit. Alors, seule, encore une fois, cette toute petite femme, va assassiner un officier nazi. Puis un autre. Au péril de sa famille. Au péril de sa vie.

Myriam Leroy élève Marina Chafroff au rang des plus grandes féministes, au combat noble et héroïque et à l'issue tragique. Elle le sait, elle invente, elle fait des rapprochements, elle enjolive, elle imagine. Elle écrit. Elle écrit une biographie largement romancée et sa plume sait ponctuer ce récit de tendresse et d'humour. La tendresse qu'elle a eu pour cette femme décapitée. Et l'humour pour casser le sordide. J'ai beaucoup aimé l'écriture de l'auteur, un style journalistique et poétique. Ca ne va pas ensemble, mais c'est ce qu'offre Myriam à Marina. Et j'ai trouvé ça beau.
Lien : http://bibliza.blogspot.com/..
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De ce livre, reçu dans le cadre d'une Masse critique privilégiée, et j'en remercie vivement les éditions du Seuil et Babelio, je ne connaissais que l'auteure, dont j'avais aimé "Ariane", son premier roman, au style d'une mordante insolence, et ce titre énigmatique que l'on dirait venu d'un roman-feuilleton du début du XXe siècle.

Or le roman de Myriam Leroy se fonde sur des faits réels, clairement identifiés dans le récit, autour desquels l'auteure tisse son enquête et choisit explicitement d'en donner une version personnelle. L'entrelacement extrêmement intelligent du réel, des documents, des témoignages (qui sont déjà une interprétation) et de la fiction confère une belle profondeur à ce roman passionnant, tant par les thématiques qu'il traite que par la force de sa construction.

Cette "femme sans tête" est "enterrée au cimetière d'Ixelles". Elle s'appelait Marina Chafroff-Maroutaëff et elle est morte en 1942, à Cologne, décapitée à la hache sur ordre d'Hitler. Intriguée par cette inconnue, la narratrice commence des recherches, balisées par des coïncidences entre sa propre existence et celle de cette jeune immigrée russe, exécutée par les nazis et qui semble oubliée de tous. Fascinée par le portrait qui apparaît sur le web, "le visage d'une femme russe, l'air très jeune, un béret à la Gavroche penché sur le crâne. La fille a une gueule, une trogne. La tête de quelqu'un qui n'est pas là pour être aimé. [...]" (p. 23-24), elle recueille des miettes d'informations, des bribes de renseignements, parfois contradictoires, sur cette jeune femme, mère de deux enfants, qui a poignardé un fonctionnaire allemand en décembre 1941. Qui était-elle ? Quels chemins tarabiscotés l'ont amenée jusqu'aux prisons nazies ? Elle a agit seule et, seule, elle a été arrêtée et décapitée, mais qui s'en souvient ? A-t-elle agi pour résister à un envahisseur ? pour lutter contre le nazisme ? par une colère impulsive contre l'accumulation d'humiliations ? le mystère restera entier. Sauf que...

Sauf que la narratrice/enquêtrice, est happée par l'histoire de cette femme qui fait résonner sa propre histoire, l'histoire des femmes car "[...] il existe un lien d'humiliation unissant toutes les femmes, comme un cordon, qui se déploie de cou en cou à travers les âges. Une communauté secrète dont les archives, qu'on s'emploie à détruire, dégoulinent de pisse, de bave et de sperme. Tu ne sais plus où tu as lu que le point commun entre les femmes, le seul peut-être, c'est qu'on les traite comme des femmes. [...]" (p.134). Les femmes que l'on traite encore trop souvent comme des écervelées, des personnes "sans tête" et que l'on décapite par mots et mépris avant la hache du bourreau. le silence ignorant qui entoure la vie et la mort de Marina Chafroff-Maroutaëff en est un témoignage de plus.

Ainsi Myriam Leroy avec une sincérité pleine de colère parvient-elle à nous rendre cette femme "sans tête" très proche et à nous passionner pour son histoire, en partie reconstruite par une fiction assumée. L'écriture est à la mesure du projet et des personnages : incisive, réflexive, sarcastique parfois, mais toujours fluide et juste. Un roman brûlant et épatant !
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Livre reçu dans le cadre d'une Opération Masse Critique
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Merci aux équipes de Babelio et édition Seuil pour l'envoi de ce livre.

J'ai découvert une autrice Belge, Myriam Leroy, dont le style fluide et élégant m'a beaucoup plu.

Il s'agit bien d'un roman, non d'un documentaire ou d'un traité d'Histoire.

Chaque histoire de roman débute par une idée, une image, une découverte. Ici, c'est la tombe de Marina Chaffrof, et la mention "décapitée", qui va interpeller Myriam Leroy et va être le point de départ de son roman.

En se basant sur une photo, des documents d'archive, des témoignages, mais également sur sa propre vie, l'autrice nous reconstitue sa vision de la vie de cette héroïne de guerre, aujourd'hui oubliée.

Pour moi il s'agit bien d'un roman. Myriam Leroy n'ayant pas toutes les données sur la vie de son héroïne, va combler les trous en puisant dans sa propre expérience, tentant de comprendre les sentiments de Marina, sa place en tant que femme dans la Belgique occupée dans les années 40. Comme souligné au début du roman: " Les pensées des protagonistes appartiennent à l'autrice".

De mon côté, j'ai trouvé que cette approche, tenter de connaître les sentiments et pensées de l'héroïne en puisant dans son expérience moderne de femme, ajoutait une profondeur au récit, et nous rend Marina plus proche de nous. Les époques passent, mais ce que peuvent ressentir les femmes est assez universel finalement...
Je trouve l'approche de Myriam Leroy honnête: Elle partage son enquête, les différents témoignages et points de vue des personnes ayant connu Marina. Elle construit son point de vue grâce à cela, mais ne prétend pas détenir la vérité. Cette approche est louable.

"L'Histoire est une fiction qui sert à comprendre le présent. En fonction du présent, le passé change"

Marina est une femme de caractère, avec un sens aigu de la justice.
C'est celle qui, petite fille, ne se joint à aucun groupe, mais libère les enfants persécutés des mauvais jeux des autres.
Jeune femme, elle est du genre à tapoter sur l'épaule du gars le plus en vue du moment et de lui lancer "tu vas te marier avec moi". Elle lui fera 2 enfants, et sera de ceux qui observeront, depuis un pays "neutre", la montée du nazisme.

La Belgique, son pays refuge, va finalement être envahi par l'Allemagne en 1940.

Qu'est-ce qu'elle doit en faire Marina, du nazisme et de la guerre qui débute? Observer et courber l'échine? Ou bien se révolter?
Sans éducation, sans diplôme, Marina ne se sent pas légitime au début pour se positionner en tant que femme au foyer. C'est l'écoute de Radio Moscou, durant l'occupation allemande, qui va la révéler à elle-même, et lui rendre la dignité qu'elle avait peu à peu perdu au sein de sa famille.

Marina va partir en guerre. Au départ, ce sont des blagues faites aux Allemands occupants: donner une mauvaise direction, placer des hérissons sous les pneus des voitures allemandes, etc... Ces blagues apportent de la joie à Marina. Cette jeune mère de famille, s'échinant à l'éducation de ses deux fils et au bon mouvement du foyer, va retrouver une liberté de penser, de la facétie, et finalement un certain équilibre. Elle se positionne. Elle se lève.

Sa révolte la mènera à la décapitation, sous ordre direct d'Hitler.

Marine a sa place parmi les tombes des héros de guerre. Par son geste, elle aura donné sens à sa vie.

La lecture est émaillée de faits historiques tel que le massacre de Liepaja, que je ne connaissais pas et qui fait froid dans le dos...

Merci à Myriam Leroy pour ce moment de lecture. Cela me donne envie de lire ses romans précédents.
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Myriam Leroy nous raconte l'histoire de Marina Chafroff - Maroutaëff, cette femme belge décapitée en 1942 par les nazis pour avoir tenté d'assassiner l'un des leurs.
Elle part de cette histoire vraie, l'agrémente de ses interrogations, de ses suppositions et hypothèses pour nous livrer un roman haletant, captivant. Un roman qui serre la gorge. Un roman qui retourne le ventre. Un roman qui vrille le coeur. Un roman qui nous fait vivre d'intenses émotions et sensations. Un roman lu avec les tripes !
Un roman où l'autrice mène une enquête pour rendre hommage à cette femme, à cette héroïne tantôt incomprise, tantôt incompréhensible. Une quête de vérité, ou en tout cas ce qui s'en rapproche... mais comme souvent (toujours ?) quand il est question de vérité, d'histoire racontée, il n'y a pas qu'une version... Encore une fois, comme dans La décision de Karine Tuil ou Dessous les roses d'Olivier Adam, cette question de la vérité est venue me percuter.... de quelle manière les souvenirs que nous avons des événements passés ou des personnes qui ont fait notre vie sont-ils biaisés ?
Qui est cette femme ? Qui est Marina ? Qui est cette femme, cette mère de famille qui a laisser ses enfants "grandir, essayer de grandir après avoir été abandonné(s) au profit d'une idéologie" ? Myriam Leroy tente de nous dresser un portrait de cette femme en multipliant les rencontres de ceux qui l'ont connue... de cette femme dont il est finalement difficile de percer le mystère...
Une histoire dans L Histoire. Un bel hommage rendu à cette femme dont peu de personnes connaissent l'histoire... "Ce n'est pas tant sa mort qui est triste que sa vie, si vite oubliée"...

Merci Babelio et les éditions du Seuil pour cette masse critique privilégiée.
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C'est l'histoire de Marina Chafroff. En 1942, elle est décapitée à la hache sur ordre d'Hitler.

Le mystère de la femme sans tête est un très beau livre. de ceux qu'il faut avoir lu ... pour ne pas oublier que notre monde regorge de héros Invisibles qui oeuvrent en sous main pour nous offrir un monde meilleur.
De la démarche très touchante de son auteur qui restera sans voix devant le simple mot " décapitée" incrusté dans une pierre tombale aux recherches extraordinaires qu'elle va effectuer pour remonter à la source de ce drame, le lecteur découvre Marina.
Cette femme a offert sa vie pour que d'autres vivent et pourtant, personne ne connait son histoire.
Comment peut-on oublier un tel acte ? Pourquoi ne parle-t-on pas plus de cette héroïne ?
Un questionnement nécessaire et romancé qui rend un magnifique hommage à cette incroyable femme qui me manque déjà.
Grande et belle Marina ❤
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