Récit de sa longue année au Lager Monowitz,
Primo Levi livre ses souvenirs, les lois du camp de la vue des prisonniers, et explique alors tout ce que nous ne pouvons comprendre: comment ont-ils pu survivre, continué malgré tout; comment ont-ils pu s'adapter et par quels moyens; et puis on voit aussi les relations entre prisonniers, l'étrange mélange de langues, de tempéraments, les figures qui s'imposent, les “musulmans” faibles. On entrevoit un autre monde, avec un vocabulaire propre, un système différent. Et on saisit un peu leur force, la vie même au plus profond de ce qui semble être l'enfer: on comprend que ces gens voyaient toujours la petite étincelle du jour, plus ou moins forte, plus ou moins longue, mais celle qui te dit “continue, ce n'est pas le pire” (alors que de notre place, si ça l'est).
Et aussi comment les corps et les têtes ne se brisent pas à chaque nouveau coup du destin: il n'y a plus rien en eux, les coups, la soif, la faim ont atteint un tel niveau qu'ils n'en sont plus: c'est devenu autre chose, trop haut, trop grand pour qu'on le décrive, qu'on le saisisse. Mais c'est ainsi que finalement, ils tiennent bon. J'ai du mal à retranscrire ce qui est si bien dit ici, mais il y a une dimension particulière, non pas du fait de l'écriture de ce livre, mais du fait de cette histoire qui est relatée, qui a été vécue.
En effet, l'écriture est relativement sobre, même détachée, et c'est un peu grâce à cela d'ailleurs qu'on comprend que les manques sont devenus autre chose que les “manques” que l'on connaît (faim, soif…). Et puis, dans ce livre, on ne la lit pas, on la ressent: la vérité.
Vérité sur les camps, mais aussi sur la vie, l'esprit humain, la barbarie, les systèmes de trocs (au dépit d'argent) qui prennent naissance au sein même du camp, qui sont comme un parallèle de notre fonctionnement économique (et pas seulement). le fait que les vols ne soient autorisés que dans un certain sens- et qu'ils soient tout simplement autorisés par ces allemands stricts et catégoriques- rappelle les “laisser passer”, les “cartes blanches” dont jouisent de nombreux hommes et même des pays (aux vues économiques, écologiques, sociétales, politiques…). En fait, on voit comme un deuxième monde, inhumain, avec des analogismes dérangeants avec notre propre monde d'aujourd'hui, qui possède des droits, des droits humains.
J'ai beaucoup aimé, même si je ne m'attendais pas à ce genre d'écriture! Je pensais pleurer: je n'ai pas versé de larmes, mais j'en tire comme une expérience personnelle… à lire!