Si vous êtes cinéphile, vous connaissez certainement
Ira Levin. Non ? Alors, sachez que ce romancier et dramaturge est l'auteur d'oeuvres qui ont marqué le grand écran (et le petit), surtout le cinéma de suspense, de fantastique, de policier mâtiné d'étrange, voire de science-fiction : «
La couronne de cuivre » (1954) (adapté en 1991 par James Dearden sous le titre « Un baiser pour mourir ») ; « Un bébé pour Rosemary » (1967) (adapté en 1968 par
Roman Polanski sous le titre de « Rosemary's baby ») ; «
Un bonheur insoutenable » (1970) (un très beau roman dans la lignée de « 1984 » ou du « Meilleur des Mondes », pas encore adapté au cinéma) ; «
Les Femmes de Stepford » (1972) (adapté en 1975 par
Bryan Forbes sous le même titre) ou encore «
Ces garçons qui venaient du Brésil » (1976) (adapté en 1978 par Franklin Shaffner sous le même titre). Tous ces romans, même s'ils abordent des genres différents, ont en commun un sens aigu du suspense, notamment de la montée de l'angoisse, doublé d'une bonne perception de la psychologie des personnages, deux qualités qu'ont appréciées certainement les adaptateurs de ces romans !
Rosemary et Guy sont un couple de jeunes mariés : lui « Charmant, jeune, traînant tous les coeurs après soi » (comme dit Racine), elle, « elle a les trois J : jeune, jolie et jantille » (comme dit mon copain Robert qui est fâché avec l'orthographe). Elle voudrait bien avoir un enfant, lui préfère se consacrer à sa carrière d'acteur qui n'a pas encore démarré. Dans leur nouvel immeuble ils sont accueillis par un couple de voisins A.D.O.R.A.B.
L.E.S ! les Castevet. En plus, ce couple, très attentionné et un peu envahissants, leur porte bonheur : un acteur tombe tout à coup aveugle et son rôle échoit à Guy. Cerise sur le gâteau, Rosemary tombe enceinte. Mais une série d'évènements bizarres et le changement d'attitude de Guy commencent à éveiller les soupçons de Rosemary, en plus des inquiétudes naturelles liées à une première grossesse. La vérité peu à peu se fait jour : les Castevet sont adeptes d'une secte satanique, et ont circonvenu son mari. Pire l'enfant qu'elle attend n'est pas de Guy, mais de... enfin vous le saurez bien assez tôt...
Ira Levin a un talent certain pour faire monter la pression, sans y toucher. Nous suivons Rosemary dans ses inquiétudes, puis dans ses soupçons, puis dans ses angoisses. Nous découvrons peu à peu les pièges dans lesquels elle s'enfonce malgré elle. Et nous prenons conscience avec elle, que non, elle n'est pas folle, non, elle n'est pas paranoïaque comme on voudrait lui faire croire… Et pourtant elle a un petit être qui vit en elle. Qui est-il ? La grossesse est une chose que nous les hommes nous ne pourrons jamais appréhender, même de loin. En plus cette grossesse-là… L'étude psychologique du personnage est très bien rendue. Nous sommes totalement solidaires de la pauvre Rosemary. Cette même étude est tout aussi intéressante concernant les Castevet, maîtres manipulateurs, qui arrivent à mettre Guy dans leur jeu, mais se heurtent à la résistance de Rosemary. Mais jusqu'à quand ?
On comprend très bien ce qui a attiré
Polanski dans cette histoire, surtout le parti pris scénaristique qu'il pouvait en tirer : sans quasiment rien changer au scénario, il suffisait d'y appliquer son talent ou son génie de cinéaste pour en faire un chef-d'oeuvre du cinéma. Il ne s'en est pas privé, et aujourd'hui, « Rosemary's baby » est un des plus grands films « d'ambiance » jamais réalisés.
Et dire que tout ça était dans le roman !
Ira Levin a écrit une suite « le Fils de Rosemary », paru en 1997. Je ne l'ai pas lu, mais d'après ce que j'ai pu en apprendre par ailleurs, et notamment sur Babelio, il est loin d'égaler le premier volume.