Mr Gladstone et la demi-mondaine

Drôle de livre! le premier ministre britannique aime à se promener dans les rues de Londres, en quête de femmes perdues qu'il pourrait ramener dans le droit chemin, pour leur bien. C'est son plaisir, son grand plaisir.
Je suis dit, tiens! On imaginerait difficilement de nos jours, un personnage politique de premier plan s'adresser dans la rue à une personne du commun, sauf en présence de journalistes et de caméras.
Ensuite, Mr Gladstone et la désirable, la magnifique Cora Pearl partagent une caractéristique : ils ne céderont pas!
Et je me suis crue un moment dans la fable De La Fontaine, le Loup et le Chien :
"Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? Pas toujours, mais qu'importe ?
Il importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte,
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor."

Eh oui, la belle Cora a aussi une tête, bien faite. C'est réjouissant.

Lu dans le cadre de la préparation d'un goûter littéraire sur les courtisanes, je ne m'attendais à rien quand j'ai choisi ce livre (seulement sur sa couverture et son sujet). "Mr Gladstone et la demi-mondaine" est un roman très très court (il s'agirait plutôt d'une nouvelle) qui aurait mérité d'être un peu développé. Cora Pearl n'intervient que dans le dernier tiers et j'aurais bien aimé voir son personnage davantage !

Dans cette nouvelle nous retrouvons la verve so british de Roy Lewis, l'auteur illustre de Pourquoi j'ai mangé mon père, qui imagine ici la rencontre de deux figures marquantes de leur époque : celle de William Gladstone, quatre fois premier ministre et chancelier de l'Échiquier, deux des plus hautes charges du gouvernement britannique – et ce sous le règne de la Reine Victoria – , avec Cora Pearl, surnommée la « Grande Horizontale », « demi-mondaine » emblématique du Second Empire, maîtresse de nombreux hommes de pouvoir issu de la politique ou du monde économique, et peut-être même, de Napoléon III. Mr Gladstone et la demi-mondaine peut laisser pantois. En effet, il est très différent de ce qu'a déjà pu écrire Roy Lewis (et c'est tant mieux ! Rien de plus triste qu'un auteur sans imagination), mais c'est surtout sa forme qui désarçonne : entre roman de moeurs et dramaturgie. Sans obéir complétement aux règles du théâtre classique (sauf si l'on considère Londres comme seul lieu d'action), il est profondément marqué par la catharsis, cette purgation des passions.
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