Pour commencer, et parce-que j'essaie toujours de vous donner un avis objectif sur mes lectures, je me dois de vous signaler le petit point (minuscule) qui m'a aux premiers abords gêné dans ma lecture. Au début de celle-ci, j'ai eu du mal à comprendre certains passages et notamment certains dialogues entrecoupés de passages narratifs sans coupures évidentes. Cela n'est pas un problème dans la plupart des récits que je lis habituellement, parce qu'ils sont à la troisième personne, mais ici le texte est à la première personne. du coup, mon cerveau a dû s'habituer à une certaine gymnastique afin d'être particulièrement vigilante pendant les dialogues. En soit, au bout de deux dialogues "pièges", ma lecture devint fluide.
Je vous dis tout cela parce qu'une fois mon cerveau prêt à affronter cette lecture, les pages se sont tournées toutes seules. J'ai dévoré 293 pages en quasiment une seule journée. J'ai été happée par ce monde si lointain (en apparence) du mien. J'ai oublié les "je". Même mieux, j'ai vécu à travers eux. Je me suis reconnue face aux doutes, aux recherches qui semblent perdues d'avance, aux tentatives d'être détective (j'adore notamment la poursuite en voiture dans Madrid – lisez, vous comprendrez) . Je me suis reconnue face à ces peurs, ces signaux d'alerte que j'ai moi-même ressentis. J'ai eu envie, après avoir fermé ce livre, de le montrer et de le prêter à tout le monde – et surtout aux professeurs de mon entourage. J'ai eu envie de leur dire : nous ne sommes pas les seuls à le dénoncer et pour la première fois, vous ne serez pas les seuls à vivre cette vie étrange, confinée dans un collège ou dans un lycée et envahie par des milliers d'adolescents pleins d'énergie, de peurs, de doutes, de violence, de frustrations et en pleine recherche identitaire. Vous ne serez plus seuls, et pour une fois, d'autres comprendront et, je l'espère, d'autres réagiront.
L'âge de la colère n'est pas qu'une simple histoire d'adolescents. En fait, elle est si complexe que pour la comprendre, même les dernières lignes ne suffisent pas. C'est une totale remise en question : de nous mêmes, mais aussi et surtout du système scolaire (qui de l'Espagne à la France présente les mêmes défauts) et des valeurs de tolérance que le monde crie mais renie quand il s'agit d'agir. Ce livre ne traite pas uniquement des adolescents. Il montre simplement à travers eux toute l'hypocrisie que nous vivons chaque jour. Il montre à quel point, même adultes, nous sommes parfois incapables de faire face à la colère, à l'injustice, aux discriminations ou aux monstruosités.
L'âge de la colère est une claque, débutant sur un texte qui l'est tout autant. Une rédaction d'un élève, Marcos, qui s'est retrouvé être la proie des médias. La cause ? le meurtre qu'il a commis : il a tué son père à l'aide d'une machine à écrire et a blessé gravement l'un de ses frères à l'aide d'une paire de ciseaux. Personne ne comprend ce qu'il s'est passé. C'est un journaliste, Santiago, qui va tenter d'élucider ce mystère. Qu'est-ce qui mène à la folie ? Qu'est-ce qui provoque tant de haine chez cet adolescent – mais aussi chez tous les autres ? Rappelons-le : ce fait divers n'est malheureusement pas isolé et les adolescents agressent amis, professeurs et parents "fréquemment". Une véritable enquête débute. Nous ne sommes pas dans le regard d'un policier, mais dans celui d'un journaliste qui, par dessus tout, cherche à élucider ce mystère. Un journaliste qui, petit à petit, va recueillir les témoignages de l'entourage de Marcos. Ils vont apporter une lumière aux faits et donc – irrémédiablement – une plus grande part d'ombres à ceux-ci. Car tout n'est ni noir, ni blanc. Un manichéisme inexistant que le narrateur ne cesse de nous rappeler. Il ne cesse aussi de dénoncer des faits : homophobie, racisme, violences, système scolaire inadapté et professeurs désabusés. A travers ces (presque) 300 pages, nous cherchons tous à comprendre, à savoir pourquoi cela est arrivé.
Cette histoire, écrite par
Fernando J. López, est digne d'un grand thriller. Il mérite (
et doit être lu par tous ceux qui, eux aussi, pensent qu'en "ouvrant une école, on ferme une prison" (pour paraphraser
Victor Hugo). C'est un texte qui nous fait réfléchir sur les valeurs véhiculées par l'école. Pas les théoriques, tolérantes et conventionnelles qui sont censées être véhiculées, non. Celles qui parviennent parfois aux oreilles et aux esprits des adolescents qui se cherchent et qui sont à l'encontre même de celles que nous chérissons.
C'est un texte qui nous met une claque. Qui nous tient en haleine et qui finit par nous dire : ce n'est pas fini; à toi d'écrire la suite.
C'est un texte qui donne envie de se battre.
Je remercie l'auteur pour cela et l'éditrice pour cette merveilleuse découverte. Merci pour cette lecture.
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