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J'avais suivi son intervention à " La Grande Librairie", je m'étais dit qu'il était bon que je lise ce roman qui parle de l'horreur de Birkenau, horreur encore perceptible quand on visite par un temps glacial, vêtue d'une bonne doudoune bien chaude et qu'on a encore dans l'oeil la tenue rayée des prisonnières. Il y a peu d'efforts à faire pour imaginer l'état d'esprit d'une jeune fille de quinze ans se retrouvant là, moins bien traitée que du bétail.
Mais Marceline a décidé qu'"il fallait juste qu'il [son corps] tienne, qu'il soit sec et solide."
Elle est rentrée, ainsi que Simone Veil, et chacune à sa façon a choisi de continuer à vivre, même si au début, le suicide a fait partie des possibles...Et comment se donner de bonnes raisons de continuer, sinon, vivre pleinement, en aimant, un peu , beaucoup, sans obligation, mais avec bonheur. C'est le sujet de " L'amour après" que l'auteur, à 89 ans, nous rapporte à travers les lettres que lui ont adressées les hommes qu'elle a aimés ...et qui l'ont aimée. Belle leçon de vie, pleine de gouaille, de fougue, de jeunesse ...Elle a eu le temps de nous dire tout ça avant de mourir à 90ans, fin 2018.
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À 15 ans elle connut la haine, la haine et le paroxysme de la violence qui auraient pu la détruire, celle des camps nazis, ou seules la force de caractère et beaucoup de chance permettaient de survivre à l'horreur et, plus tard, de témoigner. Elle partagea cette douloureuse expérience dans "Et tu n'est pas revenu"...Elle y parla aussi et surtout de son premier amour masculin, de son père qui, toute la vie lui manqua, et dont l'absence détruisit la famille.
À 89 ans, elle ouvre une vieille valise à laquelle elle n'avait pas touché depuis plus de cinquante ans, sa "valise d'amour" dans laquelle se mêlent, lettres, mots reçus, pneumatiques (seuls les plus anciens d'entre nous s'en souviennent), des attentions reçues de personnes qui partagèrent quelques instants ou quelques années de vie avec elle, de personnes qui, toutes, comptèrent pour elle.
Au retour des camps, la haine, la rancoeur, le repli sur soi auraient pu l'emporter, mais l'amour de la vie fut bien plus fort. "C'est parmi les survivants que j'ai commencé à chercher l'amour. Ce n'était pas un choix, juste une question de cercles, de Juifs entre eux, de familles juives entre elles qui rêvaient de marier leurs enfants."
Mais c'est ailleurs qu'elle le trouvera.
Et c'est de cet amour de la vie dont elle nous parle, des autres amours de sa vie, de ses deux maris, Francis Loridan, jeune ingénieur en travaux publics, toujours à droite ou à gauche sur des chantiers à l'étranger, mari trop absent dont elle divorcera et Joris Ivens, cinéaste aux côtés duquel elle découvrira les métiers du cinéma, et réalisera plusieurs films ou documentaires, notamment sur des peuples luttant pour leur liberté...Elle gardera comme nom, jusqu'à sa mort, les deux noms juxtaposés de ces deux hommes. Elle n'était plus Marceline Rozenberg, mais Marceline de deux amours.
La jeune femme croquant la vie, eut également quelques amants de passage, après la séparation de ses conjoints.
De nombreuses autres rencontres remplirent sa vie d'amours, mais surtout d'amitiés vraies et durables. La plus importante fut sans aucun doute la rencontre de Simone, Simone Veil complice des camps. Une complicité qui allait même, elle vous l'expliquera, par une proximité des chiffres tatoués sur les avant-bras...Faut-il croire à la numérologie ? Une amitié jamais prise en défaut. La politique les séparait, mais jamais elle ne put rompre cette proximité qui les unissait.
Mais il eut également des amis, Jean-Pierre Georges Perec, Jean Ferrat, Jean Wiener, Roland Barthes, Edgar Morin, et j'en passe. Chacun eut sa part d'importance dans sa vie.
Cette frêle femme en apparence était aussi une boulimique de travail, une boulimique désireuse de connaître notre monde et de faire connaître d'autres cultures par l'intermédiaire du cinéma, aux côtés de son mari Joris Ivans, et aussi une boulimique de la liberté et des droits de l'homme, notamment lors de la guerre d'Algérie "...une Juive survivante d'Auschwitz a tout fait pour sauver des femmes arabes de la torture et du viol. Il est là le sens de l'Histoire, et de l'humanité..." et aussi à l'occasion de celle du Vietnam.
Une vie d'engagements
Cette dame était admirable, il est impossible de ne pas l'aimer encore plus après cette lecture, de ne pas l'admirer, de ne pas regretter de ne pas l'avoir rencontrée.
Certes ce livre est moins connu, que "Et tu n'es pas revenu" que car beaucoup plus récent, il n'a été édité qu'en janvier 2018.
Il mérite, sans aucun doute d'être mis en lumière, il donne à chacun une belle leçon de vie.
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Alors qu'elle vient de perdre partiellement la vue lors d'un séjour à Jérusalem, Marceline Loridan-Ivens, 89 ans, se plonge dans ses souvenirs en fouillant dans une valise délaissée (sa "valise d'amour") dans laquelle elle retrouve des programmes de spectacle et des articles de presse jaunis, des brouillons de lettres qu'elle n'a jamais envoyées, des lettres qu'elle a reçues de différents hommes, de son mari et d'amies qui forment une sorte de choeur de femmes.

Elle se définit comme une fille de Birkenau où elle a été déportée avec son père alors qu'elle n'avait que quinze ans, c'est dans ce camp qu'elle a rencontré Simone Veil. A sa libération, il lui a fallu ensuite survivre seule, vivre comme une survivante qui a perdu son innocence et qui trimballe son enfer avec elle avec son numéro tatoué sur le bras "tous les jours qui passent ne sont pas la vie, mais du rabe qu'on lui a laissé et qu'elle n'a pas le droit de gâcher", surmonter la mort de son père, résister à l'envie de mourir et supporter la folie suicidaire d'une partie de sa famille.

Déportée à quinze ans sans avoir jamais connu l'amour, "J'ai tout vu de la mort sans rien connaitre de l'amour", " j'étais un très jeune bourgeon que la guerre avait gelé sur pied. Et pour longtemps.", de retour du camp, elle cherche l'amour d'abord parmi les survivants qui forment son entourage proche, s'oppose à sa mère qui voudrait la voir reprendre immédiatement une vie normale et n'imagine comme seul avenir pour elle que mariage et enfants, alors qu'elle a besoin qu'on lui laisse du temps. Assoiffée de liberté, elle s'amuse dans les bars et dans les soirées à St-Germain-des-Prés et rejette les conventions "il n'y eut, après les camps, plus aucun donneur d'ordres dans ma vie". Arrachée de l'école à quinze ans, c'est aussi un énorme désir d'apprendre qui l'anime, une énorme soif de culture "je préférais me pencher sur ce que je n'avais pas appris que sur ce que j'avais vécu", ainsi elle établit des listes de livres à lire pour combler son retard.

Elle évoque ses premières expériences sexuelles où elle ne ressent rien dans l'impossibilité qu'elle est de s'abandonner, submergée par la peur de se laisser aller et qualifie son corps de "sec et raide". Avec ses amies elle vit les débuts de la révolution sexuelle, l'avortement et les premiers combats féministes qui flamberont quelques années plus tard. Elle raconte son mariage avec Francis qu'elle qualifie d'épistolaire tellement ils ont peu partagé de mois de vie commune en cinq ans d'union puis l'histoire de son grand amour avec Joris Ivens.

Après avoir découvert le genre humain sous son pire aspect alors qu'elle n'était qu'adolescente, alors qu'elle n'avait connu que très peu de choses de la vie, Marceline Loridan-Ivens a choisi de laisser l'ombre de la guerre derrière elle, sans rien oublier, sans rien renier, pour VIVRE. J'ai aimé la distance avec laquelle elle se penche sur son passé, sur les conséquences qu'a eu sa déportation sur sa future sexualité, sur son rapport à son propre corps, sur les formes qu'a pris l'amour après les camps où elle avait connu violence et domination. J'ai aimé la détermination de cette femme qui n'a jamais voulu se contenter du destin que lui traçait sa mère et qui a tout fait pour retrouver sa part d'humanité. J'ai aimé la pudeur avec laquelle elle effleure ce qu'elle a subi ou vu dans les camps. J'ai aimé la personnalité hors du commun de cette femme qui a aimé plus que tout sa liberté.
Ce récit sur l'amour après les camps, sujet peu abordé dans la littérature, est servi par une écriture tout simplement sublime dans ce texte court mais très dense.
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Marceline Loridan-Ivens nous a quitté récemment alors sortir son dernier livre de ma PAL pour le lire est une façon modeste de lui rendre hommage. Et j'ai bien fait car "L'amour d'après" est un récit passionnant écrit avec Judith Perrignon. Marceline Loridan-Ivens ne revient pas sur les conditions de sa déportation à Auschwitz mais nous raconte L'aprés, sa vie reconstruite malgré l'horreur inoubliable. C'est là que l'on découvre la force de cette femme.
Alors qu'elle est âgée et devenue presque aveugle, elle réussit à retrouver ce qu'elle appelle joliment sa valise d'amour. C'est une vraie valise où elle a gardé les lettres et documents de son passé amoureux. En l'ouvrant, les souvenirs remontent.
Dans les années 50, à Saint-Germain-des-Prés, Marceline dit qu'elle va choisir de se pencher sur ce qu'elle n'a pas appris plutôt que sur ce qu'elle a vécu. Elle fréquentera les intellectuels germanopratins mais pas seulement car elle aura pour amies celles que l'on nomme les filles perdues.
Elle se souvient aussi qu'elle n'hésite pas à faire l'amour, ce qui était plutôt rare à l'époque. Pourtant elle découvrira le plaisir physique tardivement car son corps n'était pas disposé ; elle l'avait laissé dans les camps de concentration.
Il faut dire qu'elle a aimé et été aimée et j'ai été très impressionné par les lettres de ses amants éperdus dont Georges Perec et Edgar Morin.
Ce récit pourrait être sous-titré La jeune fille et la survivante ; c'est ce qui revient souvent et on le comprend aisément. D'ailleurs, elle garde des contacts avec des personnes qu'elle a connues en déportation comme Simone Veil a qui elle rend un bel hommage. Et puis il y a surtout son grand amour, le cinéaste Joris Ivens de 30 ans son aîné. Avec lui elle pourra développer sa créativité de scénariste et réalisatrice.
Marceline Loridan-Ivens dit que les livres sont faits pour nous empêcher d'oublier et c'est ce qu'elle nous prouve en femme libre.




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Merci Marceline pour cette belle leçon de vie. c'est une renaissance après avoir passé près de 2 ans dans l'enfer, la souffrance des camps de concentration et avoir perdu la vue à 90%. Ce bourgeon gelée sur pieds comme elle le dit est une rebelle de la vie. Elle a besoin de se prouver qu'elle vivante. Elle revient d'un endroit (les camps) où tout était imposé, aucun respect, l'enfermement. Sa mère ne peut pas la comprendre, elle n'a pas été déportée. Elle reste sur les coutumes des juifs. Marceline a besoin de vivre, de sortir, d'être libre. Elle aussi une soif d'apprendre, elle se sent inférieur autres (ex: son amie Simone Veil qui a fait des études). Il y a aussi ce père qui a été déporté avec elle et qui n'est pas revenu.
Marceline ouvre cette valise après avoir perdu partiellement la vue, elle à 89 ans, elle va nous parler de l'amour après les camps. Comment apprendre à aimer, comment apprendre à s'aimer. Il y a deux âmes en Marceline :
-l'âme noire, sensible, meurtrie : deux tentatives de suicides, ce passé qui lui colle à la peau, qu'elle veut donner en héritage ( n° de matricule 78750), ce père qui lui manque tant, une mère qui ne la comprend pas qui veut la marier à tout prix.
- l'âme pétillante : apprendre à aimer, l'amour la 1e fois, les hommes, tous ceux qui étaient "collants" ou qui voulaient la dominer, elle les jetait, elle refuse de les revoir, les oublis... Elles portera les deux noms des deux hommes qui vraiment comptés dans sa vie :
- Francis Loridan, son 1e mari qui lui a permis de se libérer de sa mère ( elle est cassée, le principale pour sa mère). Elle ne l'aimait, ils n'ont quasi pas vécu ensemble....
- Et Joris Ivens, l'amour de sa vie qui a su la protéger, la comprendre, lui laisser sa liberté, qui a accepté un triangle amoureux. Ils avaient 30 ans de différence. Comme lui a dit son frère Henri, tu as trouvé ce père qui te manque tant au travers de Joris.
Pour moi, Marceline devrait à faire vivre son héritage et donc le nom de père, Rosemberg qui lui manque tant. Si parfois, Marceline fume un joint, ce n'est pas par manque ou nécessité mais pour oublier ce qui est marqué au fer rouge dans son coeur.
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Déportée à 15 ans, Marcelline Rozenberg est revenue de Birkenau comme coupée en deux : elle était en même temps une jeune fille et une survivante. Comment concilier les rêves et les envies de l'une avec les profondes blessures et les cauchemars de l'autre ?
En replongeant dans ses souvenirs et des parcelles de son passé (lettres, mots doux, photos) contenues dans une valise, Marcelline, alors octogénaire, nous décrit son combat pour faire cohabiter les deux. Elle nous parle d'amour, comme le titre l'indique, mais aussi d'amitié.
L'amour, c'est celui que l'on cherche dans l'élan de la jeunesse : la séduction, les histoires d'un soir, la découverte des corps, la recherche de la jouissance, difficile, fuyante et qui semble, à force, désespérément et définitivement inaccessible. Comment jouir avec un corps et un esprit marqués par la souffrance?
L'amour, c'est aussi celui qui s'écrit avec une majuscule, c'est l'homme unique, le compagnon parfait dont la jeune fille rêve aussi. Il n'est pas plus facile de le trouver.
L'amitié, ce sont les autres filles perdues qui écument St-Germain-des-Près comme le fait Marceline. Ce sont aussi des liens avec des hommes, anciens amants ou non, qui restent fidèles et à l'écoute au fil des décennies. Et l'amitié, ce sont les autres survivantes, aux parcours parfois totalement différents, sérieux, bourgeois, rangés. L'une d'elles est Simone Veil.
L'amour et l'amitié, Marcelline Loridan-Ivens en parle magnifiquement, avec franchise, parfois crûment, parfois avec espièglerie, toujours avec lucidité, honnêteté et une grande tendresse pour les multiples personnages de sa vie hors normes.
C'est beau, touchant et porteur de réflexions profondes sur le sens de ces deux sentiments.
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Une belle leçon d'humilité sur la façon toute personnelle que Marceline a de se raconter, sans fards.
On l'y découvre éternellement marquée par son dramatique vécu, et avec une certaine acceptation d'avoir été amputée à ressentir les sensations de l'amour, jusqu'à la rencontre avec Joris. Là quelque chose semble se mettre en place qui lui permettra de toucher du doigt un certain bonheur, le bonheur d'être celle qu'elle est, d'être libre de se développer comme elle l'entends.
Une remarquable introspection sur les souvenirs qu'elle accepte de livrer, comme de tenter d'y trouver un éclairage à sa vie.
Une lecture dont on ne ressort pas indemne, envahie d'émotions parfois intenses. Elle a su remplir sa mission de délivrer à ceux qui souhaitent comprendre, l'impression indélébile de cette période apocalyptique.
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A travers la plume de Judith Perrignon, Marceline Loridan-Ivens nous raconte son rapport à l'amour et à son corps.
A travers les lettres qu'on lui a envoyées, elle retrace sa construction après la déshumanisation. Jeune fille brisée en pleine adolescence par les camps, plus fille mais pas vraiment femme accomplie.

Marceline nous interroge sur le sens de la vie, sur celui que voudrait lui donner la société, surtout quand on est de sexe féminin. Elle évoque le retour à la vie après les camps. Trop rapide après l'horreur. Ceux qui ne les ont pas vécus et qui veulent tout de suite reprendre les choses là où elles avaient été laissées.

Marceline énumère certains hommes de sa vie. Ceux qui ont compté. Parce que comme elle dit, "aimer une personne c'est l'aider à vivre". Et elle a bien besoin qu'on l'aide à vivre la pétillante Marceline, qui ne sait pas pourquoi elle a survécu, qui n'a pas de but mais qui s'oblige quand même à avancer.

Après ma lecture, j'ai refermé ce livre sans être vraiment convaincue. Pour nous raconter son histoire, Marcelline va a mille à l'heure, elle évoque sans s'attarder. Du coup, j'ai eu l'impression de survoler ses propos sans vraiment m'en imprégner. Et puis, en y réfléchissant, j'ai trouvé son témoignage assez puissant finalement. Elle reflète sûrement une certaine mentalité d'après guerre. Celle de ces gens brisés qui ont dû se reconstruire, qui ne savaient pas et qui ne pouvaient pas mettre des mots sur ce qu'ils avaient vécu. Parce que c'était difficile et qu'on ne voulait pas forcément les écouter. Tout va vite dans ce livre, comme le temps qui passe. La soif de liberté de cette femme a été immense. Elle est décédée le 18 septembre 2018. J'espère qu'elle a pu trouver la paix qu'elle n'a pas l'air d'avoir vraiment trouvée ici-bas.
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L'amour après quoi? (pour ceux qui ne connaissent pas (encore) l'auteur). Hé bien, les camps. Non, ne fuyez pas, c'est encore un livre formidable et incontournable que nous offre Marceline Loridan-Ivens.

"Il n'y eut, après les camps, plus aucun donneur d'ordres dans ma vie."

Un jour elle ouvre une valise rangée chez elle, et cinquante ans après retrouve des lettres d'amis, d'amants, de son premier mari. Les souvenirs défilent pour nous lecteurs. On sent une femme droite dans ses bottes, décidée à vivre à 200 à l'heure, sans langue de bois. Ne pas s'attendre à des révélations trop intimes." Il m'a fallu du temps pour comprendre que le plaisir vient du fantasme, puis de l'abandon. J'avais peur de l'abandon, c'était l'une des pires choses au camp, se relâcher, abandonner la lutte de chaque jour, flirter avec volupté vers l'idée que tout vous est égal, et devenir une loque qui n'attend plus que la mise à mort". Elle nous parle aussi avec émotion de Simone (Veil), d'ailleurs elle est restée en contact plus ou moins rapproché avec les jeunes femmes connues 'là-bas'.
C'est du franco, à prendre comme elle est. Même l'amour vécu avec Joris Ivens sera non conventionnel.
Lien : https://enlisantenvoyageant...
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"J'ai tout vu de la mort sans rien connaitre de l'amour."

Marceline a 16 ans en 1944, quand, déportée à Auschwitz, elle est confrontée pour la première fois au corps de l'Autre, contrainte de se tenir nue devant des centaines d'étrangères, pour être examinée, tatouée et rasée.

Dans les douches, elles observe ces corps nouveaux qui ont encore des formes, qui sont encore humains. Elle y remarque celle qui sera sa voisine de paillasse pendant une année de concentration, celle dont l'amitié durera toute une vie, Simone Veil, parce qu'elle est "la mieux roulée d'entre toutes".

Une année en enfer durant laquelle elle subira le pire de la violence, de l'humiliation, durant laquelle son corps ne sera que souffrance et dont la seule assignation sera de ne pas céder.

Mais lorsque l'on s'éveille ainsi à la nudité, à l'altérité des corps, comment fait-on, après?

Comment aime-t-on après, quand on a appris à n'être rien ?

"Je me cherchais dans les regards et je ne voulais pas y voir mon âme perdue."

A son retour des camps Marceline est une jeune femme qui lutte pour ne pas être une survivante.

Mais elle ne sait pas aimer.

Dans L'amour après, Marceline Loridan-Ivens replonge dans ses souvenirs et raconte son rapport à l'amour, plus que ses rapports amoureux.

Elle a vécu comme un femme libérée, allant d'homme en homme, semant chaos et désespoir, comme en témoignent les extraits de correspondances qu'elle nous livre, où l'on retrouve un Edgar Morin résigné, un Georges Pérec, fou d'amour.

"Je m'entrevois, si indécise, si dure plutôt que de me laisser voir en miettes."

Car au fond elle ne fût jamais libre.

Jusqu'à Joris.

Car il s'agit là encore d'une déclaration d'amour passionnée à celui qui fût son second mari, et qui lui permis enfin d'être elle-même.

L'amour après est un récit passionnant, sublimé par une plume vive, emplie de gaieté.

Marceline Loridan-Ivens, accompagnée de Judith Perrignon, s'y dévoile avec pudeur, mais sans voile, et avec une simplicité absolument bouleversante.

Au-delà de la vie de l'auteure, L'amour après éclaire les enjeux du rapport au corps brutalisé, aux chairs traumatisées et de la reconstruction de ces "âmes perdues" que sont, d'une manière générale, les victimes de violences.

"Mon corps n'était plus un enjeu enfin."

L'amour après souffle l'espoir, le lâcher prise, l'abandon...

Marceline Loridan-Ivens est magnifique, d'une rare modernité.

Elle donne envie de vivre, elle donne envie d'être libre.

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