La catastrophe écologique ne se décline pas au futur
En introduction,
Michael Löwy et
Daniel Tanuro discutent de la « question écosociale », des rapports du GIEC, des phénomènes météorologiques extrêmes, de catastrophe sociale autant qu'environnementale, d'imbrication des discriminations, de l'expression « catastrophe naturelle », de société subordonnée à la logique du profit. Ils donnent des exemples en particulier dans les pays dits du Sud, les effets sociaux des inondations, la hausse des températures, l'insécurité alimentaire, la sécheresse, les cyclones, les effets décuplés du phénomène El Niño. Les auteurs abordent aussi les autres pays, les responsabilités historiques des pays dits du Nord, les mégafeux en Australie, l'Ouragan Katrina, les canicules…
Nous vivons une accélération spectaculaire, les phénomènes imputables au réchauffement climatique se multiplient et entrainent chaque années des migrations de plusieurs millions de personnes. La production marchande transforme le progrès en destruction et les travailleurs et les travailleuses n'ont rien à attendre du capitalisme, fut-il vert. Une question stratégique majeure se pose : « le syndicalisme rompra-t-il le compromis productiviste avec le capital pour rejoindre franchement les peuples indigènes, les petit·e·s paysan·ne·s, la jeunesse, les femmes, qui sont partout en première ligne du combat pour notre mère la Terre ? ».
Le terme souvent employé de compromis, pour désigner le régime d'accumulation d'après la seconde guerre mondiale, me semble plus que discutable. Par contre, le « patriotisme d'entreprise », la défense – non de l'emploi et des revenus – mais des emplois existants sans interrogation sur leur utilité sociale et leurs impacts sur notre environnement (pour ne parler des productions d'instruments de mort) restent des impensés très largement répandu dans les mouvements syndicaux. La défense des intérêts (compris comme la reconduction ou la simple amélioration dans des situations d'exploitation) de salarié·es s'est substitué à la défense des intérêts de toustes. Il ne faut pas non plus oublier les alignements sur les interêts des transnationales ou des puissances étatiques guerrières et colonialistes. Il y a eu et il y a heureusement des collectifs de travail qui remettent radicalement en cause à la fois les conditions de travail et de production et les objets mêmes de la production.
Le capitalisme s'est structuré historiquement autour des combustibles fossiles, les politiques énergétiques prônées par les industriels et les gouvernements ne veulent pas affronter frontalement cette question, leur transition écologique n'est ni une transition ni une écologie, d'autant qu'ils restent obnubilés à la fois par la technologie et la croissance comptable du PIB
Les auteurs citent
Greta Thunberg, « la crise climatique et écologique ne peut tout simplement plus être résolue dans le cadre des systèmes politiques et économiques actuels. Ce n'est une opinion, simplement une question de math », abordent la cascade de rétroactions positives, les manoeuvres dilatoires et les fausses promesses, les données chiffrées de l'équation (limiter le réchauffement climatique à 1,5°), « La catastrophe ne peut être stoppée que par un double mouvement qui consiste à réduire la production globale et à la réorienter au service des besoins humains réels, démocratiquement déterminés », le miroir aux alouettes de la « neutralité carbone », le fossé entre les paroles et les actes, le scénario dit du « dépassement temporaire » du 1,5°, les politiques de marché, « le marché étant un rouage essentiel du capitalisme, qui est la cause de la crise écosociale, on ne sortira pas de la crise écosociale par des mécanismes de marché ».
Aux questions écosociales il convient d'opposer des luttes écosociales et un projet écosocialiste (dont la dimension écoféministe ne doit pas être sous-estimée. Les auteurs parlent de mouvements de résistance alliant le social, l'écologie et le féminisme). Il faut saisir cela « à pleines mains » pour recomposer et reconstruire l'espérance, mettre à l'ordre du jour une civilisation basée sur la valeur d'usage et non sur la valeur d'échange, capable de satisfaire les besoins humains dans le respect prudent des écosystèmes.
« Nous ne prétendons pas à l'exhaustivité : les récits rassemblés ici ne donnent qu'un échantillon très incomplet de ces combats d'un nouveau type. Mais c'est la première fois, au moins en langue française, que sont rassemblés des récits de luttes écosociales du monde entier »
Le livre est dédié à mémoire de Berta Cáceres, militante écologique hondurienne, assassinée en 2016.
Les différents textes analysent des luttes écosociales, des tensions et des contradictions à l'oeuvre, des divisions sociales, des alternatives en construction.
Des luttes indigènes en Amérique latine ; l'initaitive Yasuni-Itt en Équateur ; des résistances aux modèles écocides au Brésil ; des luttes pour l'accès à l'eau dans le monde arabe, des pratiques écosocialistes à Mindanao aux Philippines ; les tresses vertes et les arbres rebelles au Rojava ; la pauvreté et le développement, la justice climatique, l'économie fossile en Afrique du Sud ; une occasion manquée de combiner droits autochtone et justice climatique au Canada ; le combat écologique entre rébellion et anticapitalisme au Royaume-Uni ; les convergences contre les maladies industrielles au Japon ; l'activisme climatique d'un syndicat des transports aux USA, l'exigence d'un reconversion industrielle écologique en Belgique ; la Zad de Notre-Dame-des-Landes en France.
Les auteurs et les autrices ne gomment ni les difficultés, les échecs, ni les avancées et les convergences construites. Des expériences qu'il faut faire connaître, des difficultés à discuter, des échecs à analyser, des convergences à consolider…
« Une conclusion majeure qui ressort de ces récits est la nécessité d'une stratégie articulant la lutte à la base et une perspective politique visant à faire sortir la société toute entière de la dictature du profit »
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