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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« L'ancre de miséricorde » est un des romans les plus connus de Mac Orlan. Lorsqu'on s'attaque à un livre si réputé on a toujours la crainte d'être déçu. J'avais beaucoup aimé « les clients du Bon Chien Jaune », ce qui ne faisait qu'accroître mes attentes. A l'issue de ma lecture, je ne suis pas déçue le moins du monde, au contraire. J'ai adoré « l'ancre de miséricorde » même si je comprends que certains lecteurs aient pu être désarçonnés et n'aient pas adhéré.

En effet, « l'ancre de miséricorde » est assez singulier. Je le classerais volontiers dans les aventures maritimes et pourtant le roman se déroule quasiment intégralement à terre. Je comprends que ce parti-pris ait pu déranger certains lecteurs, moi j'ai adoré. J'ai vraiment eu le sentiment de lire un roman d'aventures maritimes, une histoire de pirates. Il faut dire que le récit prend place à Brest et ses environs en 1777 et la région est toute entière tournée vers la mer, là tout tourne autour d'elle et de ceux qui en vivent directement ou indirectement. J'ai vraiment été emportée par ma lecture. Et peu importe si le dénouement est prévisible. En fait, je me demande même si ce n'est pas voulu. Bien sûr qu'on comprend très vite le fin mot de l'histoire mais l'intérêt ne se situe pas dans la résolution du mystère qui, d'ailleurs, n'en est un que pour le héros. « L'ancre de miséricorde » est aussi un roman d'apprentissage, on va suivre la façon dont les événements et le mystère qui l'entoure vont faire grandir le petit Morgat, lui faire voir le monde et les Hommes différemment. Cet aspect initiatique est traité de façon particulièrement subtile. « L'ancre de miséricorde » raconte un peu un renoncement, comment un enfant assoiffé d'aventures va remettre en question ses certitudes et apprendre la vraie nature des choses et ainsi devoir renoncer à ses rêves d'aventures. Au cours de ma lecture, j'ai souvent pensé au roman de Conrad « le frère de la côte ». Dans ce dernier, on suivait un ancien marin vieillissant, lassé de sa vie aventureuse et qui ne rêvait plus que de se retirer dans les terres de son enfance. Là aussi, il était question de renoncement. D'ailleurs, le personnage de Burns me faisait penser à Peyrol, le vieux marin du roman de Conrad. Régulièrement au cours du récit, Burns invite le petit Morgat à oublier ses rêves de grand large, lui répétant que l'aventure n'est pas ce qu'il croit. le jeune héros voit en Burns celui qu'il aimerait devenir sans voir que celui-ci est un Homme brisé qui, s'il a bien vécu une vie d'aventures, n'en retire aucune gloire ni satisfaction. Burns est un magnifique personnage, très bien campé, qui m'a profondément émue. Les autres personnages sont eux aussi très bien caractérisés et cette galerie de personnages fait de « l'ancre de miséricorde » un roman plein d'émotions.
Si Mac Orlan joue avant tout sur le côté psychologique et émotionnel, j'ai vraiment senti le souffle de l'aventure au cours de ma lecture. le récit est très dépaysant. L'auteur dépeint de façon très immersive la ville grouillante, ses commerces, ses soldats qui vivent dans l'attente d'une guerre contre l'Angleterre, ses forçats qui travaillent dans l'arsenal, ses tavernes, ses pêcheurs… On est littéralement transporté dans le Brest du 18ème siècle. Et la menace du terrible Petit Radet qui plane sur la région renvoie à tous les grands personnages de pirates et offre au récit son lot de péripéties qui en fait un véritable roman d'aventures.

« L'ancre de miséricorde » est à la fois un formidable roman d'aventures et un récit initiatique poignant. J'ai dévoré le roman en à peine 2 jours, c'était un vrai plaisir de lecture dépaysant et émouvant. C'est le 2ème roman de Mac Orlan que je lis après « les clients du Bon Chien Jaune » et il est certain que j'en lirai d'autres.

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On évoque souvent, à propos de "L'Ancre de Miséricorde", "L'Ile au Trésor" de Robert-Louis Stevenson. le parallèle n'est pas entièrement faux mais il n'est pas non plus tout-à-fait juste.

En effet, le roman de Stevenson se passe pour une bonne part en mer et sur l'île qui lui donne son titre. L'oeuvre de Mac Orlan pour sa part se déroule intégralement à terre, soit à Brest ou dans ses environs. Chez Stevenson, l'ambiance "pirates & frères de la côte" surgit quasiment dès le premier chapitre et le moins que l'on puisse dire, c'est que, profitant de l'excentricité reconnue et admise des gens de mer, les flibustiers affichent sans complexe des mines inquiétantes ou franchement patibulaires. Tandis que chez Mac Orlan, les pirates et leurs complices sont si bien infiltrés dans la petite société brestoise qu'ils passent inaperçus. Sauf un ou deux sous-fifres qui, sacrifiant à la tradition, ont la tête de l'emploi mais, il faut le souligner, se risquent rarement à terre.

En revanche, les deux romans ont en commun l'amour de l'océan et le sens du mystère. Et puis - on est tenté d'écrire : et surtout - tous deux décrivent les relations d'amitié qui, peu à peu, s'instaurent entre un adolescent sans expérience et un pirate sans foi ni loi et pourtant attachant.

Mac Orlan a de plus reconstitué de main de maître l'ambiance qui était celle du Brest du XVIIIème siècle, avec sa rue de Siam où vivent le narrateur et son père, les quais sans cesse en mouvement et que Châteaubriand a décrits dans ses "Mémoires d'Outre-Tombe", la campagne tout autour et tous ses petits bourgs et hameaux qui, depuis longtemps, sont devenus des quartiers de la ville moderne, et bien sûr, image puissante et toujours présente, même aujourd'hui, le Bagne.

Car Brest est un personnage à part entière du roman de Mac Orlan. Avec la Nuit, une nuit épaisse, qui rampe sur les pavés glissants du quartier de Kéravel - alors très mal fréquenté - et qu'envahissent en douceur, sans avoir l'air d'y toucher, les brumes nées de la mer. Mais le talent de l'écrivain est tel qu'il ne se contente pas de nous montrer le décor qu'il a choisi : il nous y propulse aux côtés de son jeune héros, Petit-Morgat.

Comme Jim Hawkins, Petit-Morgat va nouer une relation fils-père avec le personnage qu'il ne fallait pas. Comme Jim, il souffrira de devoir renoncer à ses illusions. Pour tout dire, il ne les admet qu'au matin de l'exécution de son ami. Et le lecteur, qui a pourtant deviné bien plus tôt que Petit-Morgat, espère lui aussi que, peut-être, malgré tout, le pirate s'évadera ou sera sauvé par des complices ...

Tout est vu exclusivement du point de vue de Petit-Morgat. Cela pourra frustrer quelques lecteurs - je l'ai été - désireux d'approfondir les motivations des flibustiers et plus encore le caractère de leur chef. Mais celui-ci restera une énigme jusque sur l'échafaud - et, tout bien considéré, cela ajoute au charme de "L'Ancre de Miséricorde."

Lisez-le donc et découvrez un écrivain de très grand talent, au style imagé et étincelant de poésie : Pierre Mac Orlan. ;o)
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Un homme se tourne vers son passé : il a été un des quelques roturiers qui a réussi à intégrer l'Ecole d'Artillerie de Metz . sauf qu'à la sortie de sa formation, au lieu de coiffer le tricorne comme ses condisciples de souche noble, c'est le "bonnet d'ours" auquel il a eu droit. Comme il en avait rêvé, il a embarqué sur un beau navire. Son père n'aurait pas apprécié, mais il est mort. Ne pouvant reprendre le commerce de son père, il a fait vendre l'immeuble ; les nouveaux propriétaires l'ont démoli et l'enseigne du commerce "L'ancre de Miséricorde" fut "enfouie avec "les décombres de sa jeunesse"
C'était de janvier à octobre 1777. Il avait seize ans, était bon élève et grâce à la nouvelle réglementation, il pourrait intéger l'Ecole d'Artillerie de Metz qui acceptait maintenant quelques roturiers comme lui parmi ses élèves.
Son père était un shiplander , notable de Brest. Son meilleur ami, de son âge, un excellent peintre qui rêvait d'aller à Paris pour y apprendre la peinture et égaler peut être un certain Boucher. Ils allaient tous les deux au Cabaret boire des bolées de cidre et essayer de séduire la servante. Il collectionnait des statuettes de bois, exactes reproduction des différents régiments qui sillonnaient Brest, oeuvres délicates et précises d'un bagnard en qui il avait confiance. Jusqu'au jour où celui-ci lui demanda de s'informer sur le retour d'un pirate qui avait mis à sac toute la côte.
Et puis un charismatique médecin de navire est venu s'installer à Brest, est devenu un habitué de la table paternelle, lui a enseigné et la philosophie et les mathématiques et a su acquérir son amitié indéfectible. Il avait deux "héros" et son père et cet homme.
Sauf que cet été là, Brest s'est investit à la chasse au pirate, l'a débusqué, condamné et exécuté.
Et cet été là, avec toute la fougue de ses 16ans il a côtoyé la canaille de plus ou moins près, sans bien s'en rendre compte. Il voyait la vie comme Brest, par la fenêtre de sa chambre. Mais, il l'a enjambé cette fenêtre pour se fondre et dans l'ombre des ruelles du bas quartier et dans la lumière de l'échafaud. Cet été là, avec l'aide de son père, il aura appris à regarder la réalité comme un homme et ne plus la rêver comme un enfant. C'était une entrée dans une autre dimension où les possibles de l'adolescence deviennent les confrontations aux réalités d'un monde en transformation.
L'écriture de MacOrlan m'a transportée dans ce Brest de 1777, avec la magnificence des uniformes des régiments, celle des batailles navales quand le brouillard se lève et qu'en plein soleil se révèlent les avaries des belles frégates et que des soldats-marins se débattent dans l'eau glacée et échouent avec un peu de chance sur une plage où ils seront nourris et réchauffés.
C'est une aventure palpitante qui nous est contée mais quand le masque tombe, il ne reste que l'amertume.
Richesse du vocabulaire, composition sans faille et chute qui nous ramène à une problématique de tous les temps : affronter la distorsion entre la vie que l'on se rêve et celle que l'ont vit.
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Pierre MacOrlan ! Encore un comme Francis Carco, ou Paul Vialar, ou Jean Hougron ou tant d'autres, qui sont passés à la trappe des éditeurs parce que « ne répondant plus au goût des lecteurs » (traduction « langue de bois » du terme – français moderne - « bankable »). Et pourtant quel auteur, et quel personnage attachant que ce bonhomme immédiatement reconnaissable avec sa pipe et sa casquette à pompon, qui lui donnaient un air de vieux baroudeur, en fait d'un personnage de ses romans !
Pierre MacOrlan (1882-1970) est un de ces écrivains qui, dans le sillage de Blaise Cendrars, ont eu une vie pleine d'aventures, d'imprévus, de rencontres diverses, qui constitue le socle de leur oeuvre : les romans de MacOrlan sont souvent nés des souvenirs de l'auteur (réels ou réinventés), de ses reportages, et des personnages hors du commun qu'il a croisés au cours de son existence tumultueuse (à l'image d'un Joseph Kessel, par exemple). Il nous laisse une oeuvre aussi prolifique que diversifiée : aux contes humoristiques de ses débuts se sont rajoutés des romans d'aventures, imprégnés d'un « fantastique du quotidien » qui allait inspirer des cinéastes comme Carné, Renoir, Duvivier ou Grémillon, puis de textes de chansons qu'allaient immortaliser Germaine Montero, Monique Morelli, Catherine Sauvage ou Juliette Gréco.
« L'Ancre de miséricorde » (1941) est le dernier d'une trilogie de romans maritimes situés au XVIIIème (bien que ces romans n'aient aucun point commun entre eux) : « A bord de l'Etoile matutine » (1921) et « Les Clients du Bon Chien Jaune » (1926) étant les deux premiers.
Avertissement au lecteur : vous êtes ici en face d'un faux roman. Non pas qu'il ne soit pas authentiquement, écrit, ni qu'il ne respecte pas les canons du romanesque, non, ce que je veux dire c'est que si vous attendez un roman d'aventure, style « L'Ile au trésor », ça l'est, et en même temps ça ne l'est pas ; si vous attendez un roman maritime ; même topo : la mer est omni présente mais on n'est quasiment pas dessus ; d'apprentissage, style « le Grand Meaulnes », vous vous y reconnaîtrez et par moments vous serez un peu perdus : bref, avant d'ouvrir ce bouquin, n'ayez pas d'idées préconçues : il y a de tout ça dans « L'Ancre de miséricorde », mais dilué dans une re-création romanesque d'un roman d'aventures à l'ancienne : MacOrlan joue avec maestria des clichés de la piraterie, et on sait pas dans quelle mesure il joue (ou au contraire est sincère) avec ceux de l'adolescence : la sienne nous est complètement inconnue : aucune archive n'a survécu ; tous les écrits concernant cette période pont été détruits, soit du fait de l'auteur, soit de ses proches.
Petit-Morgat, un jeune breton épris d'aventures, est fasciné par Jérôme Burns, un ancien pirate qui essaie de lui montrer le côté fallacieux des épopées maritimes. Mais ses récits, au contraire ne font que lui enflammer l'imagination. Et ce n'est pas la fréquentation de Jean de la Sorgue (Jean de la nuit, en argot), un bagnard, qui va l'en dissuader. Et quand l'Aventure se présente à lui, sous la forme d'une chasse au secret de Petit-Radet, un pirate légendaire, il risque fort de s'en mordre les doigts.
MacOrlan est un montreur d'images : celles que Jérôme Burns imprime (consciemment ou pas) dans l'imagination de Petit-Morgat ont l'éclat ensoleillé des paradis exotiques et des voyages au long cours, on sent le vent dans les voiles, on respire l'air salé, on écoute le chant de l'équipage (tiens, un autre titre de MacOrlan) et ces images contrastent avec les descriptions d'un Brest inattendu, pas forcément sous la pluie (rue de Siam, par exemple) mais envahi par des brumes nocturnes, mystérieuses avec des relents de danger, qui sont un écho à l'adolescence terne et insipide de Petit-Morgat.
Pas « L'Ile au trésor » donc, ni « le Grand Meaulnes », mais un bon roman de distraction bien ficelé, très bien documenté, qui ne vous enthousiasmera peut-être pas, mais qui ne vous décevra pas non plus, pour peu que vous ayez gardé un peu de votre âme d'enfant.
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Pierre Mac Orlan est né en 1882, au moment où paraissait sous forme de feuilleton, dans un magazine écossais, "L'île au Trésor" de Stevenson. Difficile de ne pas voir sous les traits de Yves-Marie Morgat la figure tutélaire de Jim Hawkins, même si ce dernier est sensiblement plus jeune.
le petit Morgat, fils d'un shipchandler de Brest, installé dans la rue de Siam, qui se destine à l'artillerie, rêve en secret d'aventures au grand large. le port de Brest, qui bruit de la rumeur de la guerre qui se prépare contre l'Angleterre, est un théâtre d'ombres qui offre toutes les séductions de la mer au narrateur. Il fait la rencontre de Jean de la Sorgue, un marin échappé du bagne, lui-même à la recherche d'un pirate, le Petit Radet, qui fut la cause de son incarcération.
L'Ancre de Miséricorde est un roman aussi peu maritime que l'île au Trésor, car il se passe essentiellement dans le port et la rade de Brest. Mais c'est ce qui fait justement tout son charme. L'Aventure est une chimère inaccessible, joueuse et trompeuse. C'est pour le prémunir contre ses charmes que l'énigmatique et affectueux Jérôme Burns tente de réfréner l'enthousiasme de l'adolescent et de le faire rejoindre l'enseigne rassurante de son père. Mais c'est sans compter sur l'imagination et la fidélité du petit Morgat.
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Un roman d'aventure qui se déroule quasi-exclusivement au même endroit, une histoire de pirates qui se déroule presqu'uniquement à terre, un roman initiatique sur lequel planent les philosophes des Lumières.
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Difficile de résumer un livre dont on garde un souvenir ébloui, que l'on n'a pas relu par peur de ne pas retrouver la magie qui y est ....
"Petit-Morgat" est jeune, 16 ans, et vit à Brest au XVIIIè, à l'époque où Brest c'était Recouvrance et où , surtout, Brest était le lieu du bagne. Certains bagnards pouvaient sortit en ville, faisaient commerce de leurs créations. C'est ainsi que notre héro se lie avec Jean de la Sorgue, qui sculpte des figurines ressemblantes, tellement ressemblantes que celà lui vaut d'être assassiné , car l'une d'entre elles représentaient le célèbre Petit Radet, pirate recherché et sanguinaire, qui serait mort ...un chirurgien mystérieux, ami du jeune Morgat, essaie de le mettre en garde contre son désir d'aventure, en vain . Mais la fin du roman , elle, traumatisera notre Petit Morgat....
Dans ce roman nous revivons le Brest d'autrefois, le Brest des petites ruelles, du bagne, bref, pour moi qui suis Brestoise, un voyage dans le temps jadis, le tout en suivant la quête de Petit Morgat.
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