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« Tout était blanc autour du petit cabaret et sur le toit des maisons et sur les arbres pétrifiés. On ne voyait même pas une trace de pas sur le sol. Tout le monde s'était enfermé chez soi et les plus inquiets, la tête raide sur l'oreiller, sentaient peser sur eux le mystique silence de la neige. »
Quatre hommes et une femme, peut-être poussés par le destin, vont entrer dans ce cabaret. Leur solitude est plus détestable encore que la froidure de cette nuit enneigée où les sons ne se propagent plus. le premier a toujours le ventre vide, celui-là est hanté par ses cauchemars, cet autre fuit des ombres, le dernier est en rupture de ban ; elle enfin ! entre deux rires grêles, se croit au théâtre, s'invente une vie. Encore une ! Ils sont jeunes, mais déjà épuisés par la vie. Cinq âmes perdues, tourmentées, qui se blottissent autour d'un poêle rougeoyant, qui se racontent comme seul on peut le faire au milieu de la nuit, un verre d'alcool à la main.
Puis, arrivé le petit matin, les mains enfoncées dans les poches, les épaules rentrées, chacun reprend sa direction. Perdus dans la brume épaisse de l'existence, la même hésitation. La même misère. le même dégoût. La même résignation. Sauf la femme peut-être – Nelly – qui tirera son épingle du jeu tandis que les quatre compères, eux, s'enfonceront irrémédiablement dans leur nuit.
Un roman magistral, crépusculaire, désespéré, sans fil conducteur sinon de nous montrer du bout du doigt, presque à la dérobée, cinq vies ballotées comme feuilles au vent.

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Qu'est-ce qui m'a pris? En plein ete, m'embrumer? J'ai du ouvrir ce livre simplement parce qu'il est court. Oui, c'est un texte court, de lecture aisee, mais qui devient au fur et a mesure plus apre, plus sombre, incommodant.


Les personnages du Quai des brumes sont tous des solitaires, qui ne peuvent ni ne veulent s'integrer dans un monde decadent. Des soulards, des clochards, des deserteurs, des prostituees, de vieux reveurs anarchisants, des fils a papa qui jouent au gangster, des bohemes forcenes, des aventuriers de la misere et du sordide. Des victimes. Tous. Des marginaux echoues qui ne s'appesantissent pas sur les raisons de leur echec. Ils sont cruels, envers les autres et envers eux-memes, dans une societe qui leur est cruelle, qui ne peut les integrer. Et ca donne des parcours sans espoir, implacables. Et c'est terrifiant. Et pourtant on a l'impression que Mac Orlan les aime, les enveloppe d'un amour desinteresse qu'ils ne sont pas a meme de demander ni de comprendre. Il a vecu cela, il a rencontre dans sa vraie vie de pareils personnages.


Le quai des brumes. Quel titre! Il reflete parfaitement son contenu. Des vies brumeuses dans un paysage brumeux. Tout est gris. La neige ou on glisse, ou on derape, devient vite sale, grise. Et les vents humides instaurent une brume qui ternit toutes les couleurs, les efface. Tout est gris.
Un livre qui reflete un monde decadent, crepusculaire. Qui s'eleve a sa maniere, grise, sans ostentation ni emphase, contre cette decadence. Qui laisse le lecteur un peu chiffonne. Qui n'a rien perdu de sa force ni de son interet avec le temps.


A lire en vacances? Au soleil? Si l'on croit Aznavour la misere serait moins penible au soleil, bien qu'un des personnages du roman pense differemment: “La neige donne a la misere son décor le plus emouvant. Un miserable sur la neige possede encore une valeur sociale, tandis qu'un miserable en plein soleil, c'est deja de la pourriture”. Mais aucune de ces opinions n'est valable pour la lecture. Ce livre, qui traite d'une misere grise et desesperee, est a lire, partout et n'importe ou. Sous n'importe quel ciel et en n'importe quelle saison. Hic et nunc? Ici et maintenant? Assurement.
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Quelle déception !
Je n'ai jamais vu le célèbre film inspiré par ce roman, donc c'est en toute naïveté que j'ai entamé ma lecture.
Quelle déception, je le répète !

A la moitié du livre (très court), nous ne sommes encore nulle part, si ce n'est au « Lapin Agile » à Montmartre, où 3 personnages parlent, l'un après l'autre. Quelle est la teneur de leurs monologues ? Heu…la pauvreté, la vie militaire, le cafard…pfff. Au fil des pages, je disjoncte complètement. Je ne comprends pas où l'auteur veut en venir, et à vrai dire, les phrases elles-mêmes me semblent incohérentes, même si les figures de style poétiques les embellissent.
Et puis on entend un coup de feu dans la rue.

Et puis j'en ai eu marre. J'ai tourné les pages à toute vitesse, j'ai consulté Wikipedia pour connaitre la fin du roman, et je ne regrette pas un seul instant d'avoir fait cela ; l'époque que nous vivons et ce temps brumeux me plombent déjà le moral comme ça, autant pas y ajouter ce quai des brumes…
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Jean Rabe, amer, traîne sa misère. Certains jours, même les deux sous nécessaires pour s'installer prendre un café au chaud lui manquent. Il vit d'aumône, profite de ses copains pour trouver un canapé où dormir. de temps en temps il travaille mais son manque de persévérance le replonge ensuite dans cette misère indécollable, bien vivante et tenace. Son luxe est de louer une chambre « de bas hôtel » pour une ou deux nuits et ainsi, pour quelques heures, se mettre en marge de l'existence.
L'auteur, avec des mots appropriés, donne vie et force à cette misère.

Cette nuit, Jean Rabe, le chapeau enneigé, entre dans le cabaret le Lapin Agile, sur la Butte Montmartre. Débute alors la première partie en forme de huis clos de ce roman hivernal. Frédéric, le patron, avec son pas traînant, lui offre les boissons qu'il ne peut pas se payer, une tartine de rillettes savourée par celui qui a faim. Jean profite alors d'une salle à l'image de sa misère ; un petit feu flamboie, des souris s'y promènent.
Arrive alors Michel Kraus, un peintre allemand dont les tableaux lui révèlent des scènes de crime. Ils sont bientôt rejoints par le soldat, déserteur de retour du Maroc. Chacun raconte son histoire autour de quelques tournées. C'est alors qu'arrive Nelly, elle ne ressemble pas beaucoup à Michèle Morgan choisie dans la version adaptée au cinéma : grande blonde pâle, assez gentille, une figure fripée par la misère, l'amour, l'insomnie, et des embarras gastriques causés par l'abus de la charcuterie, des oeufs durs et de l'alcool. Elle est vêtue de loques prétentieuses. Pourtant elle va devenir l'héroïne du drame. Isabel, un boucher, échappé d'une échauffourée, vient se réfugier avec eux et complète le tableau.
Au petit matin, les voici qui quittent les lieux, chacun retournant à son destin.
La seconde partie de ce roman décrira le devenir de nos quatre compères d'un soir et de Nelly bien sûr.

La neige, le froid sont omniprésents. Les descriptions sont aussi riches que les personnages sont miséreux. On perçoit la lumière, tantôt à travers une fenêtre, tantôt celle d'une bougie ou d'une lampe à essence, les ombres sont là, aussi. Les odeurs nous prennent à la gorge. On imagine sans peine l'atmosphère enfumée et emplie de vapeurs d'alcool du cabaret et celle, écoeurante, de l'abattoir dans lequel oeuvre le boucher.
Nous sommes ici dans un roman noir, les personnages sont tourmentés, l'introspection les mène au désespoir ou à la réussite.
Un peu déstabilisante la manière dont Pierre Mac Orlan décide de qui peut vivre. Il semble admirer ceux qui sont prêts à vraiment tout pour s'en sortir et cautionner les plus viles bassesses.
Je trouve un peu dommage d'avoir utilisé une image du film avec Jean Gabin (fort belle au demeurant !) en guise de couverture car l'on ne retrouve pas dans l'adaptation cinématographique grand-chose du roman hormis sa noirceur.
Bien qu'aimant habituellement les romans d'ambiance, celui-ci, malgré quelques passages très immersifs, ne me laissera pas un souvenir impérissable.
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Du grand Mac Orlan, ce roman est une référence qui nous fait vite oublier le film pâlot qu'en a tiré Marcel Carné, qui affadit la vigueur, la justesse dérisoire et le côté désespéré du roman.
Des phrases assénées avec une certitude qui en fait la violence :
« Quand, de déchéance en déchéance, il eut endossé le costume de la misère, il reprit son chemin à travers les rues, à travers les hommes et les femmes dont il se promettait d'oublier les noms, dès que l'avenir le permettrait. »
Jean Rabe nous entraîne avec lui dans cette déchéance avec laquelle il joue, flirte puis se marie.
« Oui dit Rabe, la neige donne à la misère son décor le plus émouvant. Un misérable sur la neige possède encore une valeur sociale, tandis qu'un misérable en plein soleil, c'est déjà de la pourriture. »
Ce héros ordinaire marche sur le fil du rasoir, enchaînant dans sa tête des projets censés le sortir de la mouise, qui ne verront jamais le jour.
« Il se mit à imaginer comme les enfants, des situations extraordinaires où il se développait magnifiquement, tantôt en officier de marine, tantôt en coureur cycliste fameux, tantôt en homme invisible. Cette hypothèse charmante l'accapara jusqu'au moment où il s'endormit en rêvant que, grâce à son invisibilité, il dévalisait une banque et commettait d'autres méfaits d'un caractère plus intime. »
Il rêve en en couleur, mais sa réalité, celle où se contente de regarder les autres vivre la vie qu'il aurait voulu vivre, est en noir et blanc, (avec plus de noir que de blanc).
C'est cela peut-être la force de ce roman, démontrer que l'engrenage du malheur existe bel et bien, et que la charité, consentie à Rabe, prend souvent la forme du déni de la pauvreté lorsque l'on donne pour ne jamais avoir à demander soi-même un jour.
Frédéric le patron du « Lapin Agile » est-il l'homme généreux qui se cache sous une apparence bougonne ? :
« Garde tes sous dit le « boss » d'une voix sévère. L'humanité est vache, je te le dis. »
Quant à Nelly, elle est loin du personnage éthéré et irréel joué par Michèle Morgan :
« C'était une grande blonde, pâle, assez gentille, une figure fripée par la misère, l'amour, l'insomnie, et des embarras gastriques causés par l'abus de la charcuterie, des oeufs durs et de l'alcool. »
Dérision, cruauté, réalisme, humour :
« L'un de ses bas était troué et l'on voyait son pouce qui se recroquevillait devant la flamme comme un tout petit personnage indépendant. »
« L'Allemand désirait tendrement Nelly, parce que l'extrême misère de cette pauvre fille, vêtue de loques prétentieuses, l'excitait sensuellement jusqu'aux larmes. Nelly profitait de cette situation pour emprunter au jeune peintre des sommes ridicules, en échange de quoi elle ne lui offrait rien. »
Michel Kraus est un peintre visionnaire, il décèle dans les paysages et les visages qu'il peint, la vraie nature des personnages et des lieux. Ce don lui fut révélé par l'intense lumière qui se dégageait d'un puit qu'il avait peint en arrière-plan d'un tableau, puit dans lequel un cadavre attendait une sépulture depuis des années.
Il ne supporte plus cette mise à nu des choses et des gens.
Zabel, le boucher, surjoue son métier, il met en avant, sur ses mains et ses vêtements, dans ses yeux, ce sang dont se pare le vendeur de viande. A l'abattoir ses collègues ne l'aiment pas, mêmes s'ils acceptent de prendre l'apéritif avec lui.
Le « boss » ne s'y trompe pas :
« - Je ne sais d'où tu viens, ni qui tu es, fit le « boss » d'une voix ferme. Mais je sais que tu l'as échappé belle cette nuit. Je ne veux pas te connaître, cela ne me regarde pas. le jour se lève, tu peux partir. C'est l'heure. Tu n'as pas besoins de me remercier. Et tu n'as pas besoin non plus de revenir par ici, car je ne t'ouvrirai pas la porte. Tu as une tête que je n'aime pas. »
On a dit et écrit ( !) de ce roman, qu'il reposait sur rien, une trame simple, des personnages transparents et que le film de Marcel Carné l'avait magnifié en y trouvant des choses que Mac Orlan lui-même n'y avait pas vues.
Diantre, comment peut-on oser ?
Le quai des brumes est une parabole construite autour d'un personnage principal, Jean Rabe, une sorte de looser du début du 20ème siècle, bachelier sans estime de soi, sans envies, sans âme, refusant la vie qui lui est proposée.
Les autres personnages n'existent que par rapport à lui, ou du moins les fait-il vivre pour nous selon sa propre logique, celle du trimardeur qui ne voit dans les autres que la pièce de 5 francs qu'il va pouvoir obtenir pour pousser sa vie de quelques jours plus loin.
Frédéric le patron du lapin agile est l'homme établi, le sage, le nanti, celui qui peut donner, Rabe le considère comme un recours permanent, mais il n'ose jamais lui demander de dormir au lapin agile. Il y boit, il y mange, il s'y repose, ramasse une pièce et pas plus…
« - Adieu ! vieux « boss », cria Rabe, je pars pour je ne sais où. »
Nelly la prostituée qui s'impose parfois à Rabe lorsque celui-ci dégote une piaule :
« Vers midi Nelly se réveilla. Rabe la regardait dormir depuis plus d'une heure. Il frémissait de rage impuissante, car il n'aurait jamais pu dire, à cette jeune fille qui avait besoin de sommeil, de s'en aller. »
Michel Kraus le peintre :
« Quant à Rabe et Nelly, je ne sais me prononcer. Après tout, ceux-là possèdent un coeur relativement pur. J'aurais pu peindre les portraits de Rabe et Nelly sans danger et sans inquiétude… »
Le soldat qui usurpe l'identité de Jean-Marie Ernst déserte et finit pas rempiler pour cinq années dans la légion.
« le lendemain à dix-heures, Ernst, avec son faux blaze, s'engageait pour cinq ans. »
« Et les deux bouts de sa vie se rejoignaient pour former un cercle parfait. »
Rabe et Nelly se retrouveront ils dans une autre vie, rien n'est moins sûr :
« Nous deux Nelly, nous sommes encore aujourd'hui ce que nous étions hier. Quel soulagement de le constater… »
« Cette nuit-là, Nelly travailla courageusement, ainsi qu'une vraie femme du métier. Elle forçait l'attention des hommes, parce qu'un élément supérieur à toutes les hypothèses la dominait et la dirigeait vers son avenir par une route aussi nette et aussi autoritaire qu'une voie ferrée. »
La morale terrible de ce roman, qui en fait la force et lui donne la couleur du désespoir, est que les rêveurs ne s'en sortent jamais.
Cette affirmation restitue la noirceur de la période d'avant la grande guerre : « A cette époque l'Europe dormait entre ses pattes comme un bête de proie hypocrite, et l'humanité pensait à tort et à travers avec la permission tacite de la bête endormie. »
Rabe (d'ailleurs on peut s'interroger sur le choix du nom du héros, Rabe est celui qui en rajoute toujours, rêve toujours plus que les autres, est toujours plus inconscient que les autres, toujours plus généreux que les autres, toujours plus impuissant que les autres, devant la vacuité de son existence et la sombre direction qu'elle prend, malgré tous ses efforts pour la dévier vers l'un de ses rêves) incarne cette génération sacrifiée à la grande guerre, cette chaire à canon dont une grande partie fut avalée en l'espace de quatre années par la bête affamée.
Alors, oubliez tout ce que vous avez pu entendre sur ce roman de Mac Orlan et plongez-vous dans la brume du quai, vous n'en sortirez pas indemne, en tout cas vous en reviendrez avec une conscience différente, et n'est-ce pas ce que l'on demande à un roman, de nous faire progresser vers la conscience universelle ?










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Bukowski a-t-il lu Orlan ?
En tout cas, c'est la même arrière scène de personnages en sursis errant dans l'atmosphère d'un Paris underground d'avant-guerre ou petits malfrats, mauvais artistes et prostituées se croisent le temps d'une mauvaise passe.
Même si le récit est parfois confusant, un roman pas désagréable mais sans rayon de soleil pour en éclaircir la brume.
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Quai des brumes est un livre bref et beau où s'éternise la tristesse.
Froid, dèche, malheur, tout s' assemble.
Carné l' a secoué, ce livre, transcendé, transformé?
Qu'importe et tant mieux.
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Dire que j'ai osé vivre 55 ans, avec un bouquin pareil dans ma bibliothèque sans l'ouvrir... Impardonnable.
Ce livre possède une puissance évocatrice peu commune. Il n'est pas noir, il est désespéré d'une misère sans fond.
Non pas un livre à lire, mais des mots à mâcher un matin de brouillard, vers cinq heures, en mastiquant la brume noire et pâteuse qui vous entoure...
Il n'y a pas d'histoire, juste l'évocation de quelques personnages, déjà morts en eux-mêmes, qui se traînent, se perdent, se tuent, se dégoûtent si profondément qu'ils en deviennent presque abstraits de bêtise.
Le reste appartient au génie de Mac Orlan, qui assemble des mots comme un boucher s'amuserait, par désoeuvrement, à construire en pyramide son arsenal de coutelas.. Avec professionalisme mais en pure perte...
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Avant toute chose, le lecteur doit savoir que, hormis deux ou trois patronymes, le roman de Mac Orlan n'a absolument rien à voir avec l'adaptation plus que libre qu'en firent Marcel Carné et Jacques Prévert en 1938. La réplique, devenue mythique, de Jean Gabin : "T'as d'beaux yeux, tu sais ..." n'existe pas non plus, Nelly, interprétée par Michèle Morgan, n'est pas la pupille de Zabel-Michel Simon et, bien loin de se dérouler au Havre, l'action se situe tout bêtement à Paris, notamment à Montmartre. Seul subsiste le pessimisme angoissant du roman, poussé à son paroxysme par l'ombre du conflit qui n'allait pas tarder à éclater en Europe.

Tout débute au "Lapin Agile" - Mac Orlan devait épouser, rappelons-le, la fille du propriétaire - par une nuit de grand froid. Jean Rabe, jeune homme de bonne famille devenu bohème et ayant sombré dans la misère, vient y chercher un peu de chaleur auprès du patron, Frédéric. Cette nuit-là au reste, "Le Lapin Agile" va voir défiler son lot de "paumés" : un peintre d'origine allemande, Michel Kraus, (Robert le Vigan devait en donner une interprétation mémorable), un soldat prêt à déserter, la jeune Nelly (dix-neuf ans), qui traîne sans but et dont les bas sont percés, et enfin un inquiétant boucher, Isabel, dit Zabel, poursuivi par une bande d'apaches qui, selon lui, cherchent à le dépouiller.

Car "Le Quai des Brumes" se déroule aussi avant la Grande guerre, dans un Paris où les marlous et les pierreuses arpentent avec fierté les fortifications et où s'affrontent, à coup de revolver, les clans rivaux dont les actuelles bandes de jeunes, certes plus cosmopolites, ne sont, au bout du compte, que les lointaines descendantes.

De cette rencontre autour du feu du "Lapin Agile", les anti-héros de Mac Orlan partiront vers des destins tragiques : le suicide pour l'un, le meurtre pour l'autre, l'exécution pour ceux qui restent. Seule, Nelly s'en sortira, mais après s'être résolue à embrasser la prostitution de luxe.

Contrairement à ce qu'il se passe dans "L'Ancre de Miséricorde", l'action ici est faible. Les personnages sont là avant tout pour exprimer les angoisses et le mal-être et aussi pour ressusciter la période de misère que traversa en son temps leur créateur. Une fois de plus, Mac Orlan dépeint avec superbe et vérité la ville qu'il a choisie comme décor, un Paris disparu, avec ses voyous invisibles, ses enfants mal tenus sautant à cloche-pied dans le caniveau, les interminables escaliers de Montmartre, les petits magasins à la vitrine étroite et poussiéreuse, que protègent la nuit de simples volets de bois, les paysages presque irréels d'une banlieue qui commençait alors à Belleville, et la bohème misérable de l'époque.

L'ambiance est noire, noire, noire et l'espoir est mort : on doute même que les personnages l'aient jamais possédé. Seule note optimiste, à la dernière page, quelques toutes petites lignes avant la fin : Nelly est parvenue à recueillir le fox-terrier de Jean Rabe.

Evidemment, c'est bien peu mais n'est-ce pas mieux que rien ? ;o)
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Mon mari étant fan de Jean Gabin, il m'avait offert ce livre acheté à un marché aux puces. Il avait vu le film il y a bien longtemps et m'a incité à lire ce roman... Sinon, je ne pense pas que je l'aurais lu.

Désolée, je n'ai pas apprécié la lecture, je trouve qu'il ne passe pas grande chose. le style est un peu trop noir/morne à mon goût, les personnages peu développés. Je n'ai pas aimé les personnages de Jean Rabe ni de Nelly. C'était peut-être l'état de mon esprit (confinement), mais je n'arrive même pas à développer davantage mon commentaire ici.

En tout cas ce petit roman de 149 pages me permet de valider plusieurs items des challenges auxquels je participe.

Challenge ABC
Challenge Riquiqui
Challenge Multi-défis
Challenge XXème siècle : les couleurs du temps

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