L'Encadré

Les gens semblent aimer la solitude pour se débarrasser de leurs ordures. J’ouvris le coffre, et j’y pris le carton que je jetai dans la tranchée. Puis je défis la toile, et j’en retirai les bouteilles et les boîtes, en m’efforçant de ne pas la regarder. Le soleil faisait scintiller les deux gros diamants de sa montre. J’avais l’impression qu’une odeur de mort flottait autour d’elle. Je la recouvris en hâte, claquai le couvercle du coffre, remontai en voiture et repartis. Comme j’approchai du break, il démarra à son tour. Je vis là une possibilité qu’on se souvienne de moi.

Je crois que je pourrais lui entourer la taille de mes deux mains. Elle est bronzée, ronde et ferme. Elle a les cheveux noirs, mais noirs ! – elle passe son temps à les repousser pour se dégager les yeux – le visage mince, une bouche bien fendue, des sourcils noirs bien arqués, un air je-m’en-foutiste, une énergie sans bornes et plusieurs millions de dollars administrés par divers fidéicommis. Elle a l’air de quelqu’un d’important. Elle n’a qu’à lever le petit doigt ou le sourcil pour que portiers et maîtres d’hôtel se mettent en quatre.

Il n’y a pas de honte à échouer dans ses entreprises auprès d’une vierge dûment estampillée. Mais se voir rabroué par une fille qui a autant roulé sa bosse, provoque ce qu’il ne faut pas craindre d’appeler une déchirante réévaluation de ses possibilités. À cause d’elle, je commençais à me sentir aussi viril et fascinant qu’une tasse de thé. Je me répétais sans cesse que c’était sa fidélité qui bloquait toutes mes chances : elle avait Dodd en tête.

C’est une vraie blonde de rêve. Des traits fin, délicats, parfaits, et de longs cheveux soyeux qui flottent au vent. Elle a une petite voix enfantine, avec un zeste de zézayement. Mais ses yeux bleus brillent d’intelligence et de loyauté, ce qui l’empêche d’être insipide. Pour le corps, il y a un défaut, si on peut dire. Pourtant, je suis sûr qu’elle considère ça comme un défaut, car ses vêtements – et même son costume de bain – ont toujours une coupe destinée à le dissimuler. Elle a un buste trop long, épanoui, musclé, et parfaitement galbé. Des bustes comme ça, on en voit plus souvent taillés dans le marbre des statues antiques qu’on n’en rencontre dans la vie.

Nadine avait toujours l’air tellement calme. Presque timide. Très sensible, aussi. Et Rolph était un homme d’affaires remarquable. On dit qu’elle n’a réagi à aucun traitement, et qu’elle devra rester dans cette clinique jusqu’à la fin de ses jours. Dans le fond, c’est une bénédiction qu’elle ne soit pas capable de se rendre compte qu’elle a tué son mari. Plus tard, nous avons appris qu’il… en voyait une autre.